I. Introduction
L'administration fédérale a mis en consultation[1]
un projet de révision de la LStup accompagné d'une future
ordonnance.[2]
Il s'agit de permettre des essais dits pilotes lors desquels du cannabis
sous diverses formes[3]
serait remis et vendu licitement[4]
à des participants adultes qui l'utiliseraient à des fins
privées récréatives[5], et non thérapeutiques.[6]
L'objectif assigné est d'«acquérir des connaissances
scientifiques sur les effets de mesures […] d'utilisation à des
fins non médicales des stupéfiants ayant des effets de type
cannabique».[7]
L'idée sous-jacente est que ces connaissances fourniront ensuite
«les bases décisionnelles fondées sur des faits pour
d'éventuelles modifications législatives futures», rendant
ainsi «la discussion plus objective».[8]
Parmi ces modifications, la légalisation sous une forme ou une autre
n'est pas directement mentionnée, mais constitue évidemment la
vision - ou, pour certains, le spectre - en arrière-plan.[9]
La tendance internationale vers un accès régulé au cannabis
y est certainement pour beaucoup.[10]
La révision légale comble, de l'avis du Département
fédéral de l'intérieur (DFI), une lacune de la LStup actuelle, laquelle ne
prévoit la délivrance d'une autorisation exceptionnelle que pour
des recherches avec cannabis à utilisation
thérapeutique/médical,[11]
mais l'exclut lorsque le but recherché est social.[12]
Cette interprétation de la LStup a certes été
contestée dans la doctrine,[13]
mais en l'état elle constitue un obstacle majeur au lancement des
projets que plusieurs villes ont planifiés.
Le présent article présente l'avant-projet (chapitre 1
ci-dessous) pour ensuite en signaler certaines faiblesses ou
difficultés (chapitre 2 ci-dessous). Le dernier chapitre conclut que
la volonté commune des chercheurs et des communes d'identifier des
alternatives à l'ambiguïté actuelle mérite amplement
d'être soutenue; dès lors, il faut espérer que l'approche
mesurée et prudente du Conseil fédéral, telle que
reflétée dans le texte soumis à la consultation, parvienne
à réunir le consensus politique nécessaire. Comme
évoqué par la Professeur Cassani dans sa conférence sur ce
thème,[14]
la Suisse est mûre pour un «reset».
II. Contenu de la révision : les grandes lignes
Si les modifications proposées viennent à être
adoptées, ces essais seront strictement encadrés par la loi et
par l'ordonnance. Comme le projet se situe juste à la fin de la
consultation, il faut s'attendre à des modifications - peut-être
substantielles - que ce soit avant l'élaboration du projet
destiné au Parlement et du Message du Conseil fédéral ou
durant la phase parlementaire. La viabilité politique d'un tel projet,
indéniable dans bon nombre de grandes villes urbaines, est moins
évidente dans d'autres parties de la Suisse, davantage attachées
aux concepts d'interdiction absolue et d'abstinence.[15]
Tout d'abord, chaque essai devra obtenir une autorisation de l'Office
fédéral de la santé publique (OFSP).[16]
La demande devra émaner d'un chercheur (ou plus généralement
d'une équipe de chercheurs) qui aura préparé un protocole de
recherche décrivant la recherche proposée.[17]
Aucun financement fédéral n'est prévu pour soutenir de tels
essais.[18]
Selon le rapport explicatif du DFI du 4 juillet 2018, les essais pilotes
devront avoir un but scientifique légitime,[19]
ce qui signifie que le protocole devra énoncer une hypothèse et
les moyens mis en œuvre pour la tester. On peut supposer que les
objectifs recherchés seront sécuritaires, sociaux et
médicaux,[20]
par exemple déterminer si les participants voient s'améliorer
leur santé et leur insertion socio-professionnelle et si,
collectivement, cela débouche sur un bénéfice en termes de
santé publique.[21]
On peut aussi imaginer que des objectifs liés à la
sécurité publique soient étudiés (par ex. taux de
délinquance). L'OFSP étudiera chaque dossier et pourra
l'accepter, l'accepter sous conditions et charges, ou le refuser. Il aura
entendu au préalable les cantons et les communes où l'essai doit
avoir lieu;[22]
de plus, il aura consulté la Commission fédérale pour les
questions liées aux addictions,[23]
dont l'expertise dans ce domaine appuiera l'évaluation scientifique
des projets. Il aura notamment mis en balance les intérêts de la
recherche, de protection de la santé publique, de protection de la
jeunesse, de garantie de la sécurité et de l'ordre public.[24]
Deuxième contrainte à mettre en avant: la limite dans le temps;[25]
chaque essai autorisé aura sa durée limitée à 5 ans,[26]
avec une éventuelle prolongation de 2 ans au maximum.[27]
La révision légale (art. 8a LStup) est elle-même
limitée dans sa validité à 10 ans.[28]
Tant périodiquement[29]
qu'à l'échéance des 10 ans,[30]
l'OFSP devra tirer les enseignements des divers essais pilotes
autorisés, notamment sur la base des rapports (annuels et finaux[31]) qu'il aura reçu des investigateurs,[32]
et soumettre un rapport destiné au Conseil fédéral.[33]
Sur cette base, il est envisagé, comme mentionné plus haut, que
le Parlement puisse réviser - cette fois de manière permanente -
la LStup,[34]
possiblement en légalisant[35]
la consommation et la production de cannabis.
La troisième limite à souligner tient au cercle des participants
aux essais pilotes. Ceux-ci devront être adultes,[36]
prouver être déjà consommateurs de cannabis (au besoin via
une analyse capillaire),[37]
être domiciliés dans la commune dans laquelle l'essai a lieu,[38]
ne pas souffrir d'une maladie psychique et ne pas recevoir des
médicaments psychotropes (par ex. des benzodiazépines).[39]
Les femmes enceintes ou allaitantes sont exclues.[40]
Les participants admis devront auparavant avoir donné leur
consentement libre, éclairé et révocable en tout temps,[41]
ils auront l'interdiction - sous peine d'exclusion de l'essai - de partager
le cannabis reçu et de le consommer dans des lieux publics.[42]
Leur identité ne devrait pas être communiquée à l'OFSP.[43]
Le rapport du DFI indique que les
participants peuvent être tenus de se soumettre à des mesures
obligatoires de prévention - sans suggérer lesquelles.[44]
De surcroît, le nombre de participants par essai sera plafonné
à 5'000 personnes.[45]
L'ordonnance prévoit explicitement qu'il n'y a pas de droit à
pouvoir participer à un essai pilote.[46]
La publicité en lien avec le cannabis ainsi distribué sera
interdite.[47]
La quatrième limite significative vise le produit. Le cannabis
utilisé pour les essais devra être exempt ou faible en
impuretés et pesticides.[48]
Il sera correctement emballé et étiqueté, avec même une
«mise en garde concernant les risques pour la santé».[49]
Sur la base d'une autre autorisation exceptionnelle délivrée par
l'OFSP,[50]
il pourra être cultivé ou fabriqué licitement en Suisse;[51]
il sera d'ailleurs soumis à l'impôt sur le tabac.[52]
Sa teneur en THC ne devra pas excéder 20%.[53]
Chaque participant ne pourra recevoir plus de 5 grammes de THC par remise
et pas plus de 10 grammes d'équivalent THC par mois.[54]
De surcroît, le cannabis devra être vendu (et non pas donné)
aux participants à un prix équivalent au prix du
«marché noir local».[55]
La remise se fera par du personnel qualifié, mais pas
nécessairement par des professionnels de la santé,[56]
une ordonnance d'un médecin n'étant pas requise.[57]
Des obligations de suivi et traçabilité devront être mises
en place pour éviter la diversion du produit en dehors du circuit des
essais pilotes.[58]
III. Qu'en penser à ce stade ?
Analyse critique
Après avoir exposé les grandes lignes de la révision
proposée, nous proposons ici quelques commentaires critiques,[59]
tout en marquant notre approbation d'ensemble pour le projet et en
soulignant le courage de l'administration à lancer une telle
révision.
La première remarque vise la tension entre ces essais pilotes et le
cadre ordinaire de la recherche médicale.[60]
Le rapport du DFI laisse entendre
que ces essais pourraient être soumis à la Loi fédérale
sur la recherche sur l'homme,[61]
mais qu'ils pourraient aussi ne pas l'être. Il est ainsi
évoqué, à l'art. 18 al. 2 let. k de l'ordonnance, l'octroi
d'une autorisation préalable de la commission d'éthique cantonale
ou supra-cantonale dans le cas où l'essai est soumis à la LRH ou d'une attestation selon
laquelle cette autorisation n'est pas nécessaire dans le cas où
il ne l'est pas.[62]
Le projet laisse donc planer un flou sur la nature médicale versus sociale des recherches envisagées.
Certaines règles du projet font de surcroît douter que de tels
essais s'inséreront aisément dans le cadre de la LRH. Le fait que les participants
devront payer pour obtenir le produit testé va à l'encontre d'un
principe fondamental de la recherche médicale exprimé à l'art. 14 al. 2 LRH[63]
(«Il est interdit d'exiger ou d'accepter une rémunération ou
un autre avantage matériel d'une personne pour sa participation à
un projet de recherche»).[64]
Les limites quant au cercle des participants admissibles sont difficilement
conciliables avec le principe selon lequel il revient au promoteur ou
à l'investigateur de définir les critères d'inclusion et
d'exclusion des participants en fonction des objectifs de recherche
fixés.[65]
D'autres points mériteront d'être élucidés: faudra-t-il
offrir une couverture d'assurance en cas de dommage subi par des
participants dans le cadre de l'essai? Faudra-t-il une autorisation de
Swissmedic vu que le produit testé n'est pas un médicament
déjà au bénéfice d'une autorisation de mise sur le
marché?[66]
Devra-t-on mettre fin prématurément à l'essai dès que
les investigateurs seront parvenus au constat que l'hypothèse
testée est avérée (i.e., que les participants et la
société se portent mieux lorsque le cannabis est obtenu dans un
cadre socio-médicalement contrôlé)?[67]
A cet égard, on notera que le concept d'essai pilote n'existe
pas dans la LRH;[68]
une recherche peut être classifiée différemment
(catégories dites A, B ou C), mais cela ne se recoupe pas avec la
notion d'essai pilote. Compte tenu de ces incertitudes, il serait
préférable de clarifier d'emblée les rapports entre la
révision proposée et la LRH. De préférence, les
essais pilotes de cannabis ne devraient pas être soumis à la LRH, dès lors que leur
objectif n'est ni de soigner ou de prévenir une maladie, ni de mieux
comprendre le fonctionnement du corps humain; ces essais visent avant tout
à mieux comprendre un phénomène social, tout en fournissant
un accompagnement social aux personnes concernées. Par ailleurs, le
fait qu'ils aient déjà été examinés par trois ou
quatre autorités distinctes - la commune, le canton, la Commission
fédérale compétente en matière d'addictions et l'OFSP -
permet de supposer que l'examen supplémentaire par une commission
d'éthique n'est pas indispensable, voire pourrait entraîner une
duplication des efforts, des retards dans le processus et des
contradictions entre les prises de position des autorités amenées
à se prononcer. En revanche, on peut s'interroger sur la nécessité future de
légiférer en matière de recherches non-médicales
sur l'être humain. En effet, si depuis 2014 la
LRH
pose un cadre précis et strict lorsque les recherches sont
médicales, le vide juridique (au niveau fédéral) demeure
pour les recherches non-médicales. Or, comme l'exemple des essais
pilotes de cannabis le montre, il peut être utile que de telles
recherches se déroulent dans un cadre clair garantissant les droits
des individus concernés et précisant les obligations des
chercheurs et autres parties impliquées. Certes, les cantons sont
libres d'imposer leurs exigences aux recherches non-médicales, mais
rares sont-ils à adopter une approche précise et exhaustive.
Encore souvent ce sont les institutions elles-mêmes (par ex. les
universités) qui se dotent de leurs propres règles s'agissant des
recherches non-médicales qu'elles conduisent en leurs murs.
L'opportunité d'une législation fédérale mérite
d'être examinée.
La deuxième remarque poursuit sur cette problématique et souligne
les possibles tensions entre la liberté du chercheur et le cadre
relativement contraignant fixé par la législation proposée.
Les critères d'inclusion des futurs participants nous semblent
particulièrement délicats.[69]
L'exclusion des personnes souffrant déjà d'une maladie[70]
paraît ainsi contre-productive si le but des essais est justement
d'évaluer si une remise contrôlée minimise les risques
socio-médicaux, tant sous l'angle individuel que sous l'angle de la
santé et la sécurité publique.[71]
Ce sont justement les personnes les plus sévèrement atteintes
dans leur santé mentale qui sont le plus susceptibles de
bénéficier des mesures investiguées. Certes, on sait que la
consommation de cannabis est associée à l'apparition ou
l'amplification de certains troubles psychiques chez certaines personnes;[72]
cependant, si le lien de corrélation est avéré, il demeure
un vif débat quant au possible rapport de causalité;[73]
les personnes souffrant de troubles psychiques et qui recourent au cannabis
en «automédication» en sont une illustration. Il demeure que
si les essais pilotes n'incluent que des personnes bien portantes, on peut
douter qu'ils débouchent réellement sur des connaissances
nouvelles. En effet, si le participant parvient déjà à
gérer correctement sa santé et son insertion
socio-professionnelle en se procurant le cannabis sur le marché noir,
pourquoi supposer qu'il en ira différemment s'il l'achète en
pharmacie, dans un «cannabis social club» ou dans un autre lieu
autorisé? Au contraire, les essais pilotes pourraient réellement
apporter une valeur ajoutée auprès de populations
fragilisées. On peut faire la comparaison avec les locaux d'injection;[74]
ces programmes visent à réduire les risques pour les personnes
qui ne sont pas prêtes à entreprendre un traitement médical;[75]
les personnes souffrant de comorbidités graves y participent
statistiquement plus souvent. Un dernier argument contre l'exclusion de
principe des personnes atteintes dans leur santé psychique est le
potentiel de discrimination. Une telle différence de traitement
basée sur la maladie doit se fonder sur des motifs objectifs
fondés. En l'absence d'indices suggérant que le risque pour ces
patients serait accru dans un essai pilote (par rapport à hors essai
pilote), il est contraire à l'éthique de les exclure par
principe.[76]
Dès lors, la prudence exhibée ici par le DFI dans sa proposition
de révision pourrait se retourner contre l'autorité, en
débouchant finalement sur des résultats scientifiquement peu
informatifs.
Sous l'angle juridique, on doit se demander comment la confidentialité
sera garantie. En effet, les personnes qui consomment du cannabis
pourraient hésiter à participer à un essai si elles n'ont
pas l'assurance que nul ne viendra jamais à le savoir en dehors du
cercle des chercheurs de l'étude. Même si la consommation sera
licite dans le cadre de l'essai pilote, elle est pénalement punissable
avant comme après. La personne qui est connue pour consommer du
cannabis risque aussi des conséquences dommageables dans d'autres
contextes, notamment celui de la circulation routière, des relations
de travail, de la conclusion d'assurances privées, du maintien de
l'autorité sur des enfants mineurs. Il est donc essentiel que ni les
services étatiques ni les acteurs privés ne puissent être
informés de la participation à l'essai pilote. Or, comme
mentionné plus haut, sur l'étendue de la confidentialité, le
projet et le Rapport DFI sont
muets.
La dernière remarque est d'ordre plus général. Suspendre
temporairement, sur une base de recherche socio-médicale, une
interdiction pénale (la criminalisation de la production, de la
remise, de la consommation de cannabis) surprend quelque peu. En principe,
les infractions pénales sont absolues sur le territoire.[77]
Ces interdictions et l'atteinte à la liberté personnelle qui en
découle doivent se justifier conformément à l'art. 36 de la Constitution; en
d'autres termes, elles doivent reposer sur une base légale claire,
elles doivent poursuivre un intérêt public; la limitation à
la liberté individuelle qu'elles imposent doit être
proportionnée à l'importance de l'intérêt public
poursuivi, sans qu'une alternative y portant moins atteinte ne soit
envisageable. Lancer des essais visant précisément à tester
la pertinence (du maintien) d'une telle interdiction («obtenir des
bases décisionnelles fondées sur les faits en vue d'une
éventuelle modification de la loi») semble indirectement nier
l'intérêt public et la proportionnalité de l'interdiction
actuelle.[78]
Cela pose aussi des problèmes délicats d'égalité de
traitement: certaines personnes pourraient être condamnées pour
avoir acquis et consommé du cannabis en dehors d'un essai, tandis que
celles qui auront agi de même, mais dans le cadre d'un essai,
n'encourront aucune conséquence pénale. Une telle approche a
certes des précédents, notamment pour les programmes
héroïne dans les années 90.[79]
Toutefois, ces programmes imposent des conditions de participation qui font
que leurs participants à ces programmes ne se trouvent
précisément pas dans une situation comparable à
l'utilisateur «de rue»; le principe d'égalité de
traitement paraît dès lors mieux respecté. Dans le cas
d'espèce, le participant à un essai pilote cannabis ne subira
guère de contraintes supplémentaires par rapport à une
personne ayant obtenu son cannabis sur le marché noir. Ces situations
étant très similaires, la question d'une inégalité de
traitement se pose inéluctablement.
IV. Conclusion
Ces remarques critiques ne doivent pas mener à la conclusion que le
projet du DFI serait à écarter. Tout au contraire! Ledit projet a
le mérite de vouloir analyser, dans une perspective (avant tout)
scientifique, le bien-fondé d'une règle juridique aujourd'hui
largement remise en cause. En effet, la plupart des scientifiques admettent
que le danger du cannabis est relativement faible, surtout si on le compare
à d'autres substances licitement disponibles, en premier lieu l'alcool
et la cigarette-nicotine.[80]
De même, la plupart des politologues, criminologues et sociologues
admettent que la prohibition alliée à la pénalisation sont
largement inefficaces à résoudre les problèmes que sa
consommation pose.
Si le but recherché à terme est la légalisation du cannabis,
il sera plus aisément atteignable lorsque les autorités pourront
s'appuyer sur des preuves solides récoltées en Suisse[81]
en faveur d'une démarche jugée encore par certains comme
radicale. Le projet est à saluer en ce qu'il pose un cadre
relativement souple dans lequel différents chercheurs proposant des
approches et des méthodologies différentes pourront tester leurs
différentes hypothèses.[82]
Il est préférable que ces approches soient évaluées
dans un cadre scientifique, plutôt que de se laisser multiplier
pêle-mêle des initiatives mal coordonnées. De même, le
projet respecte l'autonomie cantonale, en permettant à chaque canton
de décider de ses propres expériences; en cela, il s'insère
dans une tradition classique en matière de politique des
stupéfiants.[83]
Le fait que la Confédération envisage de poursuivre ensuite la
réflexion avec un projet portant sur le cannabis à usage
thérapeutique est aussi à saluer.
On regrettera cependant que les chances d'obtenir des résultats
instructifs en vue des choix politiques à venir soient réduites
par certaines des contraintes imposées par le projet. L'exclusion des
consommateurs souffrant de troubles psychiques en est une illustration
évidente. Si un essai pilote doit parvenir à prouver une
amélioration sur le plan individuel et collectif, c'est
nécessairement en identifiant les solutions pour résoudre les
difficultés que rencontrent - et peut-être posent - les personnes
les plus vulnérables. Dès lors, il devrait incomber aux
chercheurs responsables des essais pilotes de décider quels
participants y inclure.
Au vu des remarques précédentes, notre conclusion prend la forme
d'une question rhétorique car politique: Quelles sont aujourd'hui les
preuves à réunir pour établir qu'une légalisation
présente - par rapport à la criminalisation de la consommation -
un rapport bénéfice-risque favorable, tant sous l'angle
individuel que sous l'angle collectif?[84]
[1]
La consultation a eu lieu du 4 juillet au 25 octobre 2018 (FF 2018 4346). Auparavant
l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait
consulté des milieux, experts et villes concernés.
[2]
Ordonnance sur les essais pilotes au sens de la loi sur les
stupéfiants (OEPStup). Ce projet d'ordonnance repose sur la délégation de
compétence figurant à l'art. 8a al. 2 LStup du
projet mis en consultation le 4 juillet 2018; cette base
légale prévoit expressément la possibilité pour
l'ordonnance de déroger aux conditions des art. 8, 11, 13, 19, 20 LStup.
[3]
La loi (RS 812.121 ainsi
que l'art. 8a proposé ici) et le projet d'ordonnance OEPStup utilisent
l'expression «stupéfiants ayant des effets de type
cannabique». On rappellera que le cannabis ayant une teneur en
THC inférieure à 1% n'est de toute façon pas
qualifié de stupéfiant (par ex. les produits contenant
avant tout du cannabidiol ou CBD) et donc échappe à la LStup (cf. annexe 1 de l'Ordonnance
sur les tableaux des stupéfiants, OTStup-DFI, du 30 mai 2011, RS 812.121.11). Ce
cannabis n'est donc pas visé par l'avant-projet. A titre de
cannabis concerné par l'avant-projet, le Rapport explicatif du DFI
du 4 juillet 2018 portant sur cet avant-projet, p. 15
(ci-après: Rapport-DFI) mentionne «les fleurs de
cannabis, la résine de cannabis (Haschisch) et l'huile de
cannabis [ainsi] que les ‹comestibles›, tels que les
gâteaux au cannabis» (toujours avec teneur en THC
égale ou supérieure à 1%). Il n'évoque pas les
dérivés de synthèse de cannabis, mais ceux-ci
entrent a priori dans le champ de la définition. Par
simplification, nous utilisons ici le terme «cannabis»
pour englober tous les produits. Sur le statut légal actuel du
cannabis, voir le Rapport-DFI p. 4.
[4]
Le cannabis fait partie des stupéfiants interdits en Suisse et
ce depuis 1951; sa consommation est interdite depuis l'arrêt
«Alex» du Tribunal fédéral,
ATF 95 IV 179, puis par la LStup révisée de 1975. Cf.
art. 8 al. 1 let. d de la LStup. Voir aussi le commentaire de cette disposition in: Gustav
Hug-Beeli, Betäubungsmittelgesetz (BetmG), Kommentar zum
Bundesgesetz über die Betäubungsmittel und die
psychotropen Stoffe vom 3. Oktober 1951, 2016. A l'heure actuelle,
la consommation de cannabis par des adultes est le plus souvent
réprimée par une amende d'ordre, mais les pratiques
cantonales varient (cf. art. 19b LStup
sur la non-punissabilité des actes préparatoires en cas
de quantité minime (10 grammes ou moins) et art. 28b sur
l'«amende d'ordre infligée selon une procédure
simplifiée» LStup; également
ATF 108 IV 196). Les amendes d'ordre et les dénonciations à la justice
restent cependant nombreuses, comme l'atteste la fascinante
étude de Frank Zobel et al., pour Addiction Suisse,
Les amendes d'ordre pour consommation de cannabis, février 2017.
[5]
Ni l'avant-projet de LStup, ni l'OEPStup
proposée, n'utilisent le terme «récréatif
», usage cependant très répandu en Suisse à
teneur des statistiques officielles. Ainsi, selon l'OFSP,
«33,8% de la population suisse de 15 ans ou plus a
consommé du cannabis au moins une fois dans sa vie (hommes:
38,99%; femmes: 29%).» Cf. OFSP,
Consommation de drogues illégales en Suisse en 2016, Fiche d'information du 13 octobre 2017. Selon un rapport de Frank
Zobel/Gerhard Gmel pour Addiction Suisse, rapport de 2016
intitulé «Monitorage des addictions avec les pays voisins
Le cannabis», ces chiffres sont élevés en
comparaison européenne.
[6]
L'utilisation du cannabis à visée
médicale/thérapeutique n'est pas abordée dans cet
avant-projet, ni donc dans cette contribution. Cf. aussi Rapport-DFI (n. 3), p. 5
et 13. Elle fera l'objet d'un projet séparé de
révision législative, soumis à la consultation
vraisemblablement en été 2019.
[7]
Art. 2 al. 1
OEPStup; seul cet objectif est admis. L'al. 2 de l'art. 2 précise le
type de connaissances recherchées.
[8]
Rapport-DFI
(n. 3), p. 5. Plus loin, il est aussi question de créer le
«cadre juridique où les tentatives de règlementation
dérogeant à la loi sont permises».
[9]
Pour un aperçu à la fois historique et réglementaire
des tribulations suisses des dernières décennies de la
politique et de la répression en matière de drogues, voir
les articles juridiques publiés sous forme de livre de
Christian Nils-Robert, Drogues: un échec annoncé - 40 ans
de lutte contre l'ineptie de la prohibition, Georg, 2016; pour un
aperçu critique des dernières tendances en Suisse mais
aussi au niveau international, Daniele Zullino et al., La
prohibition du cannabis se justifie-t-elle médicalement? Revue médicale suisse 14, 2018, pp.
1176-1178.
[10]
Tant les Etats-Unis que le Canada ont considérablement
assoupli leur position s'agissant de la criminalisation de l'usage
du cannabis. Cf. par ex. Rebecca L. Haffajee et al., Behind
Schedule - Reconciling Federal and State Marijuana Policy, New
England Journal of Medicine 379:6, pp. 501, 2018. Le Rapport-DFI (n. 3)
évoque de manière plutôt concise les approches
retenues par divers autres pays (Portugal, Espagne, Pays-Bas,
Etats-Unis, Canada) en la matière. Pour une description plus
fouillée des approches étrangères, voir Frank
Zobel/Marc Marthaler, Nouveaux développements concernant la
régulation du marché du cannabis, Addiction Suisse (juin
2016). Sur les formes que pourrait prendre la légalisation,
voir Christian Ben Lakhdar/Jean-Michel Costes, Contrôler le
marché légalisé du cannabis en France, Terra Nova
(2016).
[13]
Samuel Schweizer, Die kontrollierte Abgabe von Cannabis als
wissenschaftliche Forschung aus rechtlicher Sicht, in: sui-generis 2018, S. 205; l'auteur se penche sur la notion
de recherche de l'art. 8 al. 5 LStup et
plaide pour une interprétation large. En parallèle,
le Parlement a voté en septembre 2018 quatre motions (voir n.
12) soutenant le lancement d'essais pilote. Voir le communiqué
de presse du 19 septembre 2018 intitulé «
Le National veut autoriser les études scientifiques».
[14]
Conférence donnée le 13 septembre 2018 lors de la 2ème journée de droit pénal à
l'Université de Genève.
[15]
Voir d'ailleurs à ce sujet les explications du DFI dans son Rapport (n. 3), (p. 3 et
4) sur l'historique des tentatives de révision de la LStup.
[17]
Art. 18
OEPStup
sur le contenu de la demande. L'Ordonnance n'utilise pas le terme
«protocole».
[18]
Cf. Rapport-DFI (n. 3), p.
23. En revanche, l'OFSP pourra financer l'évaluation des
résultats des essais.
[19]
Rapport-DFI
(n. 3), p. 6 («les études [doivent répondre] aux
questions pertinentes […], [doivent être]
irréprochables sur le plan méthodologique et [doivent
mener] à des résultats scientifiquement
prouvés». Voir aussi l'art. 19 al. 2
OEPStup
(«L'OFSP rejette les demandes lorsqu'un essai pilote n'est pas
susceptible d'apporter des connaissances nouvelles ou
supplémentaires par rapport aux objectifs mentionnés
à l'art. 2.» Selon le Rapport-DFI (n. 3), (p.
9), l'OFSP peut refuser une demande d'autorisation d'une étude
pilote au motif qu'elle n'est pas susceptible d'«apporter les
bases décisionnelles scientifiques souhaitées en vue
d'une éventuelle modification législative».
[20]
Selon l'OFSP, «différentes villes [de Suisse] aimeraient
essayer de régler la vente de cannabis à des fins non
médicales dans le cadre de projets de recherche. Elles
attirent l'attention sur les répercussions négatives de
la réglementation actuelle. La population est surtout de plus
en plus gênée et insécurisée par le commerce
illégal dans les lieux publics. Par ailleurs, la
répression mobilise beaucoup de ressources dans les milieux
urbains. Pour cette raison, certaines villes veulent comprendre les
répercussions qu'aurait un accès contrôlé au
cannabis sur la consommation, l'achat et la santé des
personnes concernées». Cf. OFSP, Fiche d'information du 4
juillet 2018, n. 5.
[21]
Les buts à atteindre peuvent être déduits de l'art.
2 al. 2
OEPStup
sur le type de «renseignements» que l'essai pilote doit
viser à fournir, à savoir: «la santé des
consommateurs, le comportement lié à la consommation, les
aspects socio-économiques, le marché de la drogue sur un
territoire spécifique, la protection de la jeunesse, la
sécurité et l'ordre publics». Voir aussi l'art. 16
et les explications correspondantes du Rapport-DFI (n. 3), p. 20.
On peut se demander quel but sera - en pratique - prioritaire s'ils
ne sont pas tous conciliables.
[22]
Art. 8a al. 1 LStup. On notera également que les
cantons peuvent se voir déléguer par l'OFSP la
surveillance des essais pilotes ayant lieu sur leur territoire
(art. 22 al. 1, 2ème phrase,
OEPStup).
[23]
Art. 8a al. 1 LStup.
[24]
Art. 8a al. 1 let. c LStup.
[26]
Cette période de cinq ans vise la durée de la
remise-vente de cannabis; elle n'inclut pas la préparation de
l'étude, l'analyse des résultats et la rédaction du
rapport final. Cf. Rapport-DFI (n. 3), p. 14.
[27]
Selon l'art. 18 al. 3
OEPStup, le titulaire de l'autorisation délivrée par l'OFSP doit
motiver sa demande de prolongation.
[29]
L'art. 25 al. 1
OEPStup
exige une évaluation permanente par l'OFSP «en vue de
procéder à une éventuelle modification de la loi
concernant les aspects liés à l'utilisation de
stupéfiants ayant des effets cannabiques».
[30]
Art. 25 al. 3
OEPStup
sur l'évaluation finale des «expériences acquises au
cours des essais pilotes».
[31]
Art. 23 al. 1
OEPStup
sur les rapports annuels et art. 23 al. 2
OEPStup
sur l'évaluation finale «dans le respect des normes
scientifiques reconnues». Le Rapport-DFI (n. 3), (p. 9)
indique que les rapports devront être publiés, mais
l'obligation ne figure pas dans l'OEPStup.
[32]
L'OEPStup
n'utilise pas le terme «investigateur» qui est le terme
consacré s'agissant d'essais cliniques (cf. art. 2 let. d OClin; voire
aussi le terme de directeur de recherche pour les autres recherches
médicales qui ne sont pas des essais cliniques), mais celui de
requérant.
[33]
Art. 25 al. 3
OEPStup
(«Ce rapport évalue les expériences acquises au
cours des essais pilotes»).
[34]
Art. 25 al. 4
OEPStup
qui prévoit seulement une information du Conseil
fédéral à l'Assemblée fédérale, mais
p. 12 du Rapport-DFI (n.
3), («dans l'optique d'une éventuelle modification
législative»).
[35]
Il existe toute une gamme de mesures envisageables, allant d'une
légalisation totale de l'ensemble des étapes de
production et de distribution du produit à des mesures bien
plus ciblées comme la dépénalisation de la seule
consommation.
[36]
Art. 12 al. 2 let. a
OEPStup. On trouve une limite d'âge similaire s'agissant de
l'accès aux locaux d'injection d'héroïne ou au
programme fédéral d'héroïne pharmaceutique,
mais des dérogations sont parfois admises. De même, la
possibilité d'infliger une simple amende d'ordre ne s'applique
qu'aux consommateurs adultes (art. 28c let. c LStup). Cf. l'étude mentionnée (n. 4) de F. Zobel. La
légitimité de telles limites prête à discussion
lorsqu'on sait que la consommation de cannabis est
particulièrement répandue chez les jeunes («plus
d'un tiers (35%) âgés de 16 à 20 en consomment
actuellement») et que les risques d'une telle consommation
pour la santé et l'insertion sociale sont
particulièrement élevés durant cette période.
Conseil fédéral,
Prévention de la consommation de cannabis; un nouveau
guide pour la prévention de la consommation de cannabis, février 2004 ; voir également OFSP, Consommation de
cannabis: faits et chiffres, juillet 2018, sous Consommation de
cannabis: faits et chiffres («[D]urant les trente derniers
jours, 9.4% des 15-19 ans, 10,2% des 20-24 ans et 6% des 25-34 ans
ont consommé du cannabis. On compte 2.8% de consommateurs
problématiques chez les 15-24 ans»).
[38]
Art. 12 al. 1 let. b et art. 4
OEPStup; s'agissant de la limite à une ou plusieurs communes,
l'ordonnance prévoit que l'OFSP puisse accorder des
restrictions «à condition que celles-ci n'altèrent
pas la portée des essais pilotes». Le Rapport-DFI (n. 3), ne
précise pas davantage ce qu'il faut entendre par là.
[39]
Art. 12 al. 2 let. c
OEPStup. Le médicament psychotrope doit être d'une
catégorie soumise à ordonnance. Rapport-DFI (n. 3), p. 8.
[41]
Art. 13 al. 1 let. a et b, al. 2
OEPStup. L'information devra porter sur «[le] contenu et [l'] ampleur
de l'essai pilote», sur les «conditions de
participation» ainsi que sur les «risques
potentiels». Le consentement des participants doit prendre la
forme écrite.
[42]
Art. 15
OEPStup. Un «cannabis social club» n'est pas considéré
comme un lieu public; cf. Rapport-DFI (n. 3), p. 19.
[42]
Le Rapport-DFI (n. 3)
mentionne cela indirectement (p. 22), mais vu l'importance de
l'enjeu, ceci mériterait d'être précisé dans l'OEPStup. Voir la remarque critique au chapitre suivant.
[44]
Rapport-DFI
(n. 3), p. 6; le point ne figure pas dans l'OEPStup, mais en pratique dépendra de la conception de l'essai par
l'investigateur.
[45]
Art. 6
OEPStup
(«limité au nombre nécessaire pour en garantir la
portée scientifique»). La faisabilité d'un calcul
statistique de puissance en l'absence d'un groupe contrôle
paraît douteuse. Cette absence d'un groupe contrôle peut
rendre nécessaire l'inclusion d'un plus grand nombre de
sujets. Cf. Jessica K. Paulus et al., Opportunities and challenges
in using studies without a control group in comparative
effectiveness reviews, Research Synthesis Methods, 2014, 5:2, pp.
152-161. De plus, comme il s'agira ici de mesurer un possible
impact sur la santé publique et la sécurité
publique, l'inclusion d'un grand nombre de sujets se justifie. On
notera pour le surplus que le «pool» de participants
potentiels est large, puisque selon les chiffres de l'OFSP, il y a
environ 200'000 consommateurs réguliers de cannabis en Suisse.
Cf. OFSP, Le cannabis comme produit d'agrément, Fiche
d'information du 4 juillet 2018.
[47]
Art. 9
OEPStup. De surcroît, l'emballage du produit ne pourra contenir que
des «informations neutres». Art. 8 let. a
OEPStup.
[48]
Art. 7 al. 1 let. B
OEPStup
(«correspondre aux exigences de bonnes pratiques agricoles et
être de qualité élevée, notamment en ce qui
concerne les impuretés et les pesticides»). Voir aussi le Rapport-DFI (n. 3), p.
15-16. Le respect de cette règle pourra susciter certaines
difficultés, étant donné que le cannabis
importé contient souvent des impuretés et pesticides. Cf.
Nicholas Sullivan et al., Determination of Pesticide Residues in
Cannabis Smoke, Journal of Toxicology, 2013. Voir aussi au
Colorado, Etats-Unis, les règles imposées pour garantir
la qualité du cannabis vendu licitement: Colorado Department
of Agriculture,
Pesticide Use in Cannabis Production Information. Il en va de même du cannabis consommé en Suisse; cf.
Werner Bernhard et al.,
Untersuchung von Cannabis auf Streckmittel, Verschnittstoffe,
Pestizide, mikrobiologische und anorganische Kontaminationen, avril 2017.
[49]
Art. 8
OEPStup. On se demande quelle sera la teneur de cette mise en garde. On
signalera également que l'emballage devra attirer l'attention
de l'utilisateur sur les «formes de consommation moins
nocives», par ex. la vaporisation sans adjonction de tabac.
Art. 8 let. e
OEPStup
et Rapport-DFI (n. 3), p.
7.
[50]
Art. 10
OEPStup
avec renvoi à l'art. 8 al. 5 LStup. L'art.
21
OEPStup
pose la nécessité pour l'OFSP de coordonner les
procédures respectives. En effet, un essai pilote ne pourra
pas débuter tant que les autorisations nécessaires pour
la culture ou l'importation du produit ne sont pas octroyées
ou prêtes à l'être. Cf. Rapport-DFI (n. 3), p. 22.
Sur la demande d'autorisation pour culture du cannabis, voir le
document récapitulatif de l'OFSP intitulé «
Culture de cannabis, teneur de THC: 1% et plus
», juin 2018, ainsi que la Fiche «Chanvre»
de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) du 11 janvier
2018.
[51]
Selon l'art. 3
OEPStup, l'art. 8 al. 1 let. d LStup
sur «l'interdiction de mettre dans le commerce» du
cannabis ne s'applique pas dans le cadre d'un essai clinique. Il
pourra aussi être importé en Suisse, moyennant de nouveau
une autorisation exceptionnelle délivrée par l'OFSP. A
noter que la mise dans le commerce de cannabis dans le cadre
d'essais pilotes ne requiert, elle, pas d'autorisation
exceptionnelle. Cf. Rapport-DFI (n. 3), p. 13.
[52]
Art. 7 al. 3
OEPStup. Le DFI renonce à estimer à ce stade les retombées
financières attendues (Rapport-DFI [n. 3], p.
23). Cf. aussi sur cette question le document d'information de
l'Administration fédérale des douanes intitulé
«
Impôt sur le tabac sur le cannabis légal
» et sa notice du 25 janvier 2018.
[53]
Art 7 al. 1 let. b
OEPStup. La teneur en THC constatée dans les divers produits à
base de cannabis a augmenté ces dernières années.
Cf. Commission fédérale pour les questions liées aux
drogues, Cannabis 2008, Mise à jour du rapport 1999 sur le
cannabis (octobre 2008). Sur le choix d'une limite fixée
à 20%, voir les explications (pas entièrement
convaincantes) du Rapport-DFI (n. 3), p. 15.
De surcroît, la teneur concrète en THC devra être
indiquée sur l'emballage de chaque produit. Art. 8 let. b
OEPStup.
[54]
Art. 14 al. 1
OEPStup. Ce plafond vise à décourager le participant à
distribuer autour de lui la quantité qu'il n'utiliserait pas.
Il est toutefois jugé assez généreux.
[55]
Art. 14 al. 2
OEPStup; Rapport-DFI (n. 3), p.
19; le prix ne doit être ni plus bas, ni plus élevé
que celui du marché noir, pour éviter une diversion et
pour maintenir l'attrait à prendre part à l'essai pilote.
On peut se demander comment cette exigence assez singulière
sera aménagée en pratique.
[56]
Art. 3 al. 2
OEPStup
a contrario. Le Rapport-DFI (n. 3), (p.
17) fait état d'une possible remise par des «cannabis
social clubs».
[57]
Art. 11
OEPStup
sur les points de vente. L'art. 3 al. 1 let. c
OEPStup
indique que les pharmacies sont libérées de l'obligation
de ne remettre du cannabis que sur présentation d'une
ordonnance d'un médecin (art. 13 et 20 al. 1 let. d LStup
déclarés non applicables).
[58]
Art. 10, 11, 13 al. 1 let. c, 14, 17 et 20
OEPStup; Rapport-DFI (n. 3), p.
16-17. En cas de détournement du cannabis distribué dans
le cadre d'un essai, l'investigateur peut avertir l'OFSP qui pourra
alors suspendre ou mettre fin à l'essai. Cf. Rapport-DFI (n. 3), p. 20.
On peut se demander comment les chercheurs pourront
concrètement s'assurer que le participant garde l'entier du
cannabis pour sa propre consommation.
[59]
Nous laissons délibérément de côté la
question de la conformité du projet proposé avec les
conventions internationales qui lient la Suisse (Convention unique
sur les stupéfiants de 1961 et Convention contre le trafic
illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de
1988). Cette question est abordée dans le Rapport-DFI (n. 3), (p.
9-11 et 25) avec la conclusion d'une conformité au droit
international supérieur, mais la question est plus
délicate que ne le laisse entendre l'autorité. Voir les
communiqués de presse du International Narcotics Control Board
(INCB): International Narcotics Control Board expresses deep
concern about the legalization of cannabis for non-medical use in
Canada, communiqué du 21 juin 2018, INCB is concerned about
draft cannabis legislation in Uruguay, communiqué du 19
novembre 2013, UNIS/NAR/1353; UNIS/NAR/1186 19; INCB President
voices concern about the outcome of recent referenda about
non-medical use of cannabis in the United States in a number of
states, UNIS/NAR/1153, communiqué du 15 novembre 2012. Plus
généralement sur cette question voir le rapport 2016 de
l'INCB, p. 42-43. Sur l'historique de l'inclusion du cannabis dans
la Convention unique, voir James H. Mills, The IHO as Actor, The
case of cannabis and the Single Convention on Narcotic Drugs 1961,
Hygiea, 2016.
[60]
On rappellera que la révision a pour but d'élargir le
type de recherches permises, puisque l'actuel art. 8 LStup permet
déjà la recherche sur l'usage médical du cannabis.
Le projet discuté ici ne porte précisément pas sur
les possibles utilisations thérapeutiques du cannabis, ni
directement sur la lutte contre les troubles de la santé
associés au cannabis.
[61]
Loi fédérale sur la recherche sur l'être humain du
30 septembre 2011 (LRH; RS 810.30). «En
règle générale, les essais pilotes sont soumis aux
exigences du droit relatif à la recherche sur l'être
humain. Il incombe au requérant de vérifier si une
étude entre dans le champ d'application de la LRH. Au besoin,
il faudra obtenir une autorisation de la commission d'éthique
compétente […]», Rapport-DFI (n. 3), p. 21.
[62]
La LRH s'applique lorsqu'est mise en œuvre une méthode
destinée à produire des connaissances
généralisables sur une maladie humaine et/ou sur la
structure et le fonctionnement du corps humain (art. 2 et 3 LRH). Cette
définition est satisfaite si une étude vise à mieux
comprendre comment la maladie, en l'occurrence la dépendance
aux stupéfiants, d'un patient évolue grâce à
l'intervention consistant en la remise du produit dans un cadre
socio-médicalement contrôlé. En revanche, si un
essai pilote analyse avant tout les effets socio-professionnels de
la remise contrôlée chez une personne qui n'est pas
diagnostiquée comme dépendante, la LRH ne devrait pas
s'appliquer. Toutefois, ces nuances ne sont pas du tout
explicitées dans le Rapport-DFI (n. 3).
[63]
Ce principe ne s'applique qu'à l'intervention
étudiée, ce qui signifie que les soins et traitements
standards qui auraient de toute façon été
administrés et mis en œuvre continuent à être
pris en charge par le patient et son assurance-maladie. La question
est donc ici de savoir si l'intervention étudiée dans ces
essais pilotes consiste ou non en le produit «cannabis».
De bons arguments plaident tant en faveur que contre cette
interprétation. En faveur de la première hypothèse
est le fait que le cannabis n'est pas un produit licite en dehors
de l'essai pilote; il ne fait pas partie du traitement
«standard»; de plus, le produit utilisé dans l'essai
est différent du cannabis acheté dans la rue, puisque le
premier a justement dû remplir des exigences de qualité
accrue et a dû être mis au bénéfice d'une
autorisation exceptionnelle de production et de remise. En faveur
de la seconde hypothèse (i.e., le cannabis licite n'est pas
l'intervention étudiée) est le fait que tous les sujets
sont déjà des consommateurs à qui on ne demande pas
- ou guère - de changer leur habitude. De plus, l'essai ne
vise pas à étudier les effets positifs ou négatifs
du cannabis en tant que produit, mais les effets positifs ou
négatifs d'une remise légale. Sur l'interprétation
de l'art. 14 LRH, voir le
très bref commentaire de Markus Schott, in:
Humanforschungsgesetz (HFG), Ed. Bernhard Rütsche, Commentaire
Stämpfli 2015, pp. 261.
[64]
Le fait d'exiger un paiement se justifie ici par le souci
légitime de ne pas attirer dans les essais pilotes des
consommateurs qui auraient diminué ou arrêté leurs
consommations de cannabis pour des raisons financières. Le
fait que les essais pilotes ne s'adressent qu'à des
consommateurs existants n'est pas une protection suffisante, car
même un consommateur très occasionnel fait partie du
cercle des participants potentiels.
[65]
On mentionnera aussi l'interdiction de discriminer dans la
sélection des participants à l'art. 6 LRH. Pour le
commentaire très concis de cette disposition, voir Alecs
Recher, in: Humanforschungsgesetz (HFG), Ed. Bernhard Rütsche,
Commentaire Stämpfli 2015, pp. 167-173; également
l'introduction dans le même ouvrage par Bernhard Rütsche
et Lea Schläpfer, pp. 42-44.
[66]
Comme le cannabis utilisé ici n'a pas de but
thérapeutique, mais récréatif, on peut se demander
s'il entre dans la définition de médicament au sens de la
Loi sur les produits thérapeutiques. Il ne vise en effet pas
à soigner une maladie (art. 4 al. 1 let. a in fine LPTh); il ne s'agit pas d'un stupéfiant utilisé comme
médicament. En revanche, le cannabis agit médicalement
sur l'organisme (art. 4 al. 1 let. a LPTh).
La Cour de justice de l'Union européenne a déjà eu
l'occasion de dire qu'un stupéfiant utilisé à des
fins récréatives n'est pas un médicament. D'un autre
côté, l'héroïne médicale remise dans les
programmes fédéraux est considérée comme un
médicament. Certes, cette héroïne pharmaceutique est
remise avec un objectif direct d'améliorer la santé
physique, psychique et sociale des participants. Cependant, la
frontière entre ces programmes d'héroïne et les
essais pilotes de cannabis n'est a priori pas si nette et
dépendra en partie de comment chaque essai pilote est
conçu.
[67]
Le Rapport-DFI (n. 3),
indique que les essais pilotes «doivent permettre des
résultats ouverts: il ne faut pas pouvoir préjuger du
résultat» (p. 5). Or, bon nombre d'études
scientifiques déjà disponibles suggèrent que la
légalisation du cannabis n'engendre pas de problèmes de
santé ou de sécurité publique, voire présente
des avantages. Cf. Rosalie Liccardo Pacula et al., Assessing the
Effects of Medical Marijuana Laws on Marijuana Use: The Devil is in
the Details, J Policy Anal Manage. 2015, 34(1): 7-31; Ashley C.
Bradford et al., Association Between US State Medical Cannabis Laws
and Opioid Prescribing in the Medicare Part D Population, JAMA
Internal Medicine, 2018. De surcroît, l'arrêt des
études risque à son tour de poser des problèmes de
santé et sécurité publique puisqu'un nombre
important de consommateurs devra subitement retrouver des
fournisseurs sur le marché noir. On peut se demander si
l'arrêt brutal des essais pilotes à leur terme prévu
n'est pas en soi contraire à l'éthique s'agissant de
participants qui en sont devenus dépendants.
[68]
Le terme «essai pilote» est généralement
utilisé dans le cas d'un projet de recherche très
préliminaire conçu pour tester certains aspects,
notamment méthodologiques, et qui sera ensuite suivi d'un
essai (non-pilote) de plus grande ampleur et obéissant à
une méthodologie plus solide. On voit bien que les essais ici
envisagés par l'OEPStup
n'entre pas dans ce cadre restreint. En particulier, le DFI n'a pas
annoncé que des essais non-pilotes pourront ensuite avoir
lieu, une fois le résultat des essais pilotes connu.
[69]
Le DFI en semble partiellement conscient puisqu'il écrit (p.
18) «[d]'un point de vue technique, des études impliquant
un accès contrôlé au cannabis seraient justement
souhaitables pour des jeunes ayant une consommation
problématique et ce, notamment aussi parce que c'est dans ce
groupe d'âge que la consommation de cannabis est la plus
répandue». Mais il considère que le risque
médical est trop élevé pour le faire encourir à
cette population.
[70]
On peut également se demander comment le diagnostic d'une
maladie mentale ou le constat d'une consommation de psychotropes se
fera, étant donné que les participants à la
recherche ne seront pas forcément en contact régulier
avec un médecin psychiatre de l'étude.
[71]
Voir dans le même sens la prise de position dans la
consultation du GREA (Groupement romand d'études des
addictions) du 12 septembre 2019. Voir aussi le Rapport-DFI (n. 3), (p. 6)
qui indique «[i]l convient de veiller à une exploitation
experte et objective, ce qui implique une conception des
études proche de la réalité». Par ailleurs, le
DFI admet d'ores et déjà qu'«[a]u vu des exigences
en matière de protection de la santé et de qualité
des produits, on peut partir du principe que la consommation de
cannabis dans le cadre d'essai pilotes comporte moins de risques
que sur le marché noir»; Rapport-DFI (n. 3), p. 24.
[72]
Cf. par ex. Carsten Hjorthøj et al., Association of substance
use disorders with conversion from schizotypal disorders to
schizophrenia, JAMA Psychiatry, 75/7, 2018, pp. 733-739; David M
Fergusson et al., Cannabis and psychosis, BMJ 2006;332:172; J.
Vaucher et al., Cannabis use and risk of schizophrenia: a Mendelian
randomization study, Molecular Psychiatry 23, 2018, p. 1287-1292;
Logos Curtis et al., Cannabis et psychose, Revue médicale
suisse 3, 2006; Bernard Gallay, Consommation de cannabis et
troubles psychiques: problems occultés ou banalisés,
Revue médicale suisse 1, 2003; Marco Merlo et al., L'effet du
cannabis et les conséquences sur la psychose débutante:
aspects neurobiologiques, Revue médicale suisse 1, 2003. Pour
sa part, l'OFSP explique «[d]'un point de vue de santé
publique, la consommation de cannabis est surtout
problématique lorsqu'elle est régulière, importante
et qu'elle s'inscrit dans la durée. […] En cas de
consommation sporadique, les risques pour la santé sont
plutôt faibles comparés à ceux engendrés par
les autres stupéfiants, mais en aucun cas inexistants».
Cf. OFSP,
Documents d'information sur le cannabis.
[74]
La légalité de ces locaux d'injection était, au
départ en tout cas, controversée. Voir le rapport de
Frank Zobel/Françoise Dubois-Arber (Institut universitaire de
médecine sociale et préventive Lausanne), Brève
expertise sur le rôle et l'utilité des structures avec
local de consommation (slc) dans la réduction des
problèmes liés à la drogue en suisse, Expertise
réalisée à la demande de l'Office fédéral
de la santé publique, 2004. Voir également Gustav
Hug-Beeli, Handbuch der Drogenpolitik: Tatsachen, Meinungen,
Analysen, Lösungsvorschläge, 1995.
[75]
Les locaux d'injection n'offrent pas de traitement médical
à proprement parler, mais proposent un soutien social. A
terme, les consommateurs qui y recourent sont encouragés
à envisager un traitement médical par méthadone ou
par buprenorphine, voire à participer au programme
fédéral de remise contrôlée d'héroïne
pharmaceutique.
[76]
Dans le contexte de la recherche médicale, la LRH (si elle s'applique)
impose que les sujets soient sélectionnés
équitablement. Plus précisément, selon l'art. 6 al. 2 LRH,
«lors de la sélection des sujets de recherche, aucun
groupe de personnes ne doit être surreprésenté ou
écarté sans raisons valables:» voir aussi Alecs
Recher (n. 65).
[77]
L'affirmation est à relativiser sur le terrain. Voir
déjà l'étude susmentionnée (n. 4) de Zobel sur
les différences notables de pratique s'agissant des amendes
d'ordre pour consommation et détention de cannabis.
[78]
Pour sa part, le DFI justifie l'approche ainsi: «la
nécessité d'un test est reconnue lorsque le
législateur ne dispose pas des bases décisionnelles
essentielles (pour une réglementation durable), et en
particulier d'expériences exploitables.» Mais il est
difficile de concilier l'idée qu'on manque de données
pour décider si le maintien de l'interdiction pénale se
justifie, tout en soutenant qu'il y existe bel et bien un
intérêt public actuel à limiter la liberté
personnelle via une infraction pénale.
[79]
Initialement, les programmes de remise d'héroïne
pharmaceutique à des fins médicales ont aussi
été organisés en Suisse sous forme de test entre
1994 et 1997. Cf. Nicole Stutzmann et al., Prescription
d'héroïne: une combinaison nécessaire
d'approches diverses, Dépendance p. 16.
[80]
Voir notamment Dirk W. Lachenmeiera/Jürgen Rehm, Comparative
risk assessment of alcohol, tobacco, cannabis and other illicit
drugs using the margin of exposure approach, Sci Rep. 2015; 5:
8126; David Nutt et al., Development of a rational scale to assess
the harm of drugs of potential misuse. Lancet 369, 2007, 1047-1053;
David Nutt et al., Drug harms in the UK: a multicriteria decision
analysis. Lancet 376, 2010, 1558-1565; Jan van Amsterdam, European
rating of drug harms, Journal of Psychopharmacology, 2015.
[81]
A l'étranger, en particulier dans les pays qui ont
«légalisé» le cannabis d'une manière ou
d'une autre, de plus en plus d'études sont publiées sur
son usage récréatif. Voir par ex. Julie C. Rusby et al.,
Legalization of recreational marijuana and community sales policy
in Oregon: Impact on adolescent willingness and intent to use,
parent use, and adolescent use, Psychology of Addictive Behaviors,
Vol 32(1), 2018, pp. 84-92; M. Goldenberg et al., Quality of life
and recreational cannabis use, Am J Addict. 2017, pp. 8-25; Sharon
R. Sznitman, Do recreational cannabis users, unlicensed and
licensed medical cannabis users form distinct groups? Int J Drug
Policy. 2017, pp. 15-21; Melvin D. Livingston et al.; Recreational
Cannabis Legalization and Opioid-Related Deaths in Colorado,
2000-2015, Am J Public Health, 2017 pp. 1827-1829; plus
généralement: National Academies of Sciences,
Engineering, and Medicine, The health effects of cannabis and
cannabinoids: The current state of evidence and recommendations for
research. Washington, DC: The National Academies Press, 2017.
[82]
Aujourd'hui un nombre croissant de pays testent des approches
où la consommation, voire la production et la distribution du
cannabis, est licite. Le Rapport-DFI (n. 3),
évoque ces approches (pp. 9 et ss), mais ne discute pas du
tout les résultats constatés à ce jour s'agissant
des risques et bénéfices pour les consommateurs, leur
entourage et la société. Or on peut se demander pourquoi
les résultats obtenus à l'étranger ne peuvent pas
déjà être transposés à la Suisse.
[83]
Voir par ex. la chronologie dressée par Jean-Philippe Chenaux,
dans La drogue et l'Etat dealer, Etudes & enquêtes 1995;
également Hermann Fahrenkrug, Drogues illégales en Suisse
1990-1993: la situation dans les cantons et en Suisse, Institut
suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies
(ISPA) sur mandat de l'Office fédéral de la santé
publique; trad. de l'allemand par Jacqueline Lavoyer-Bünzli,
Seismo Verlag, 1995.
[84]
Voir déjà dans ce sens, le rapport de 2008 de la
Commission fédérale pour les questions liées aux
drogues (n. 53). Voir aussi l'intéressant article de Sandro
Cattacin, Drogenpolitik als Gesellschaftspolitik: Rückblick
und Ausblick, SuchtMagazin 2/2012, pp. 9 ss.