I. Introduction
La question de la qualité pour agir en responsabilité contre les organes de
la société du créancier social est sans doute l'une de celles qui a été les
plus discutées en droit commercial ces dernières années. Les causes de
cette attention particulière sont, d'une part, le caractère lacunaire,
ambigu, voire contradictoire de la loi[1]
et, d'autre part, l'existence de développements jurisprudentiels qui n'ont
pas toujours été uniformes et qui ont, au fil du temps, davantage restreint
qu'élargi la qualité pour agir du créancier social[2].
Un tournant semble cependant avoir été amorcé par le Tribunal fédéral dans
ses arrêts les plus récents. La Haute Cour a tout autant clarifié que
précisé - dans le sens d'une extension - les conditions régissant la
qualité pour agir en responsabilité des créanciers sociaux. Ces
développements ont touché tout autant la qualité pour agir du créancier
social dans le cadre de l'action sociale (qui permet à la société d'obtenir
la réparation d'un dommage qu'elle subit directement et au créancier social
la réparation d'un dommage qu'il subit indirectement) que dans le cadre de
l'action individuelle (qui permet au créancier social d'obtenir la
réparation du dommage qu'il subit directement).
Après un rappel général de la définition de « personne lésée » en droit de
la responsabilité civile (N 4 ss), cette contribution s'intéressera
successivement aux conditions d'exercice de l'action sociale exercée par le
créancier social en cas de faillite de la société (N 7 ss) avant de passer
en revue de manière plus générale celles en lien avec l'action individuelle
du créancier social (N 24 ss). En conclusion (N 36 ss), les limites du
système actuel seront soulignées et une proposition de modification
législative formulée.
II. La personne lésée
Un principe fondamental du droit de la responsabilité civile est que seule
une personne directement lésée dispose de la qualité pour agir en
réparation d'un dommage[3],
à l'exclusion de toute personne qui ne subirait qu'un dommage qui serait «
indirect » (aussi appelé dommage par ricochet, réfléchi
ou encore réflexe)[4].
Un dommage indirect est «
subi par une tierce personne qui était en relation avec la victime de
l'atteinte
»[5].
Cette réglementation vise à éviter la réparation multiple d'un seul et même
dommage[6].
Pour déterminer si un créancier social a la qualité de lésé direct ou de
lésé indirect, il convient, en droit de la SA, d'établir quel patrimoine a
été lésé par l'atteinte[7].
Si le patrimoine du créancier social diminue à la suite d'un dommage que la
société a subi directement, le dommage du créancier est indirect. A titre
d'exemple, aussi longtemps qu'une société demeure solvable, elle subit
seule le dommage qui serait causé par le comportement fautif d'un organe
(telle qu'une réduction de sa fortune
sociale)[8].
C'est uniquement en cas d'insolvabilité, puis de faillite, de la société
qu'un créancier subira effectivement un dommage (indirect) si la hauteur
des prétentions qu'il peut faire valoir vis-à-vis de la société est
directement affectée - dans le sens d'une réduction - en raison de
l'appauvrissement de cette
dernière[9].
Trois configurations peuvent découler du comportement fautif d'un organe.
(1) En premier lieu, un créancier social peut subir un dommage direct sans
que la société ne subisse simultanément de dommage (dommage direct du
créancier et absence de dommage de la
société)[10].
Dans ce cas, le créancier peut agir contre l'organe en réparation de son
dommage à titre individuel, sans restriction et en tout
temps[11].
L'action sociale en responsabilité ne saurait être exercée dans la mesure
où la société n'est pas directement lésée. (2) Deuxièmement, si un dommage
direct est subi uniquement par la société, l'action sociale peut seule être
intentée (dommage indirect du créancier et dommage direct de la
société)[12].
Le créancier social n'est alors lésé que de manière indirecte en cas
d'insolvabilité, puis de faillite, de la
société[13].
Aussi longtemps que la société est en activité, le créancier social ne
saurait donc intenter une action individuelle pour un dommage qu'il
n'aurait subi qu'indirectement[14]. (3) Enfin, il est envisageable que
la société et le créancier social soient tous deux directement lésés par le
comportement fautif d'un organe (dommage direct du créancier et dommage
direct de la société). Dans ce cas, en application des principes généraux
du droit de la responsabilité
civile[15],
l'action individuelle et l'action sociale devraient toutes deux pouvoir
être exercées. La jurisprudence a toutefois apporté des nuances à ce
principe, qui n'ont pas toujours eu le mérite de la
clarté[16].
III.
L'action sociale exercée par le créancier social en cas de faillite de la
société[17]
1. Introduction
Au moment de l'ouverture de la faillite, une prétention de la « communauté
des créanciers » se substitue à la prétention que la société aurait
vis-à-vis de l'un de ses organes[18]. Suivant
l'art. 757 al. 1 CO[19], cette prétention est exercée en
premier lieu par l'administration de la faillite[20]. L'organe défendeur est dans
l'impossibilité de soulever, contre la masse ou un créancier cessionnaire,
les objections et exceptions qu'il aurait eues à l'encontre de la société
lorsqu'elle était en activité (notamment la
décharge)[21]. Il s'agit de la pratique dite
«
Raschein », du nom du juge fédéral Rolf
Raschein[22],
qui, suivant la note marginale aux
art. 756
à 758 CO (« Dommage subi par la
société »), ne s'applique qu'aux préjudices subis directement par la
société (et indirectement par les créanciers
sociaux)[23].
Dans l'hypothèse où l'administration de la faillite renonce à exercer
l'action sociale suite à un dommage subi directement par la société, l'art. 757 al. 1
et al. 2 CO dispose que l'action
sociale peut, subsidiairement, être exercée par un créancier social.
L'action vise alors la réparation du dommage indirect subi par le créancier
social et qui s'est concrétisé au moment de l'ouverture de la
faillite[24].
De manière surprenante, l'art. 757 al. 3 CO
réserve l'application de l'art. 260 LP[25], qui prévoit un mécanisme similaire
en matière de poursuite et de faillite à celui de l'art. 757 al. 1
et al. 2 CO.
L'al. 3 de l'art. 757 CO, adopté
sur proposition du Conseil des Etats lors de la révision du droit de la SA
du 4 octobre 1991[26],
a fait couler beaucoup d'encre. En effet, le créancier social dispose de
deux voies de droit équivalentes sur les plans matériel et fonctionnel et
basées, pour l'une, sur l'art. 757 al. 1
et al. 2 CO et, pour l'autre, sur
l'art. 260 LP. Pour cette raison,
la doctrine admet aujourd'hui que l'art. 757 al. 3 CO
est superflu : il constitue uniquement un rappel du fait que l'action sur
la base de l'art. 260 LP peut être
exercée malgré l'existence de l'action de l'art. 757 al. 1
et al. 2 CO[27].
En dépit de leurs identités matérielle et fonctionnelle, les conditions
d'application des actions des
art. 757 al. 1
et al. 2 CO et
260 LP
ne sont pas identiques. Les nuances dans l'application méritent une
attention particulière, afin de garantir le bon exercice de chaque action ;
elles concernent (1) la nécessité, pour le créancier social, préalablement
à l'exercice de l'action, d'obtenir la cession des droits de la masse en
faillite, (2) la nécessité ou non, pour le même créancier, de figurer à
l'état de collocation et (3) la nécessité pour la SA d'être ou non encore
inscrite au registre du commerce au moment où l'action est exercée. Avant
d'analyser ces différents éléments, il convient de s'attarder sur la nature
de l'action sociale exercée par le créancier social.
2. Mandat procédural au créancier social
La cession des droits de la masse n'a d'effet ni sur la nature du dommage
ni sur la nature de l'action sociale. En application de la pratique
« Raschein », l'action ne se transforme pas en une action individuelle du créancier,
mais demeure une action sociale de la « communauté des créanciers » ; seule
la faculté de conduire le procès (« Prozessführungsbefugnis ») est
cédée au créancier cessionnaire[28]. L'action sociale exercée par le créancier social, qu'elle soit intentée
sur la base de l'art. 757 al. 2 CO
ou de l'art. 260 LP, est alors
conduite sur la base d'un mandat procédural (Prozessstandschaft) :
affirmant en justice la prétention d'un tiers dont il n'est pas le (seul)
titulaire matériel - soit la prétention de la « communauté des créanciers
», respectivement de la société faillie[29]
-, le créancier cessionnaire agit en qualité de «
Prozessstandschafter
», en son propre nom et pour son propre compte (non pour la
société), à ses risques et périls ; en effet, étant formellement partie à
la procédure, le créancier social assume tous les frais et dépens de
l'action[30].
Le créancier cessionnaire peut uniquement rechercher les organes de la
société pour le dommage qui a été causé directement à la
société[31],
à l'exclusion du dommage qu'il aurait subi directement, sans que la société
ne subisse simultanément un
dommage[32].
Le mandat procédural ne s'accompagne pas d'un transfert du statut de lésé
au sens de l'art. 115 CPP[33]
de la société faillie au créancier social. Le créancier cessionnaire ne
saurait ainsi, par adhésion à la procédure pénale, prendre de conclusions
civiles déduites des infractions (art.
122 CPP) et il ne peut ni se prévaloir d'actes interruptifs de la
prescription accomplis dans ce cadre ni invoquer la prescription pénale de
plus longue durée (art. 760 al. 2 CO)[34]. Aussi, la société faillie,
respectivement la « communauté des créanciers », reste à la fois lésée et
titulaire de l'action. Cela implique que l'organe recherché est dans
l'impossibilité d'opposer au créancier social des objections à titre
personnel ou qui concerneraient uniquement la société si ces objections ne
peuvent pas être invoquées à l'encontre de la « communauté des créanciers
»[35].
Il convient enfin de noter que le créancier social peut, contrairement aux
principes généraux applicables en matière de responsabilité civile, se
limiter à prendre des conclusions partielles visant uniquement au paiement
de dommages-intérêts qui couvrent son dommage et ses frais (la part du
dommage de la société auquel il peut prétendre,
art. 86 CPC[36]).
Cette possibilité offre indirectement la possibilité au créancier social
d'agir en réparation de son dommage indirect[37].
3. Cession des droits de la masse en faillite
L'art. 260 al. 1 LP requiert du
créancier cessionnaire, préalablement à l'exercice de l'action sociale,
qu'il obtienne la cession formelle des droits de la « masse en faillite »
(qui se compose de la « communauté des créanciers
»[38]),
et donc que l'ensemble des créanciers renonce à faire valoir cette
prétention. Cette décision de cession des droits s'interprète objectivement
et largement : elle inclut tout l'actif susceptible de revenir à la masse
en tant que valeur patrimoniale, directement ou par
analogie[39].
Aussi, une décision de cession concernant une prétention en responsabilité
couvre toutes les personnes physiques et morales qui auraient la qualité
pour défendre suivant la disposition fondant la
responsabilité[40].
L'art. 757 al. 1 et
al. 2 CO, au contraire, ne requiert pas, de jure, de cession formelle de
l'action de la masse en faillite, bien que la nécessité de cette cession
ait été laissée ouverte par le TF[41]. Cette exigence, qui ne ressort pas
du texte de la loi et qui devrait impérativement être introduite par le
législateur, serait en phase avec la pratique : pour des motifs liés à la
sécurité du droit et à la coordination entre les créanciers, une cession
formelle des droits de la masse en faillite selon l'art. 260 LP
est généralement requise par le créancier social qui souhaite agir en
responsabilité sur la base de l'art. 757 CO
ou de l'art. 260 LP. Les créanciers
sociaux qui se sont fait céder une prétention au sens de l'art. 260 LP
(créanciers cessionnaires), forment ensemble une consorité active
nécessaire improprement dite[42]; par conséquent, lorsque seule une
partie des créanciers cessionnaires agit en justice, ces derniers doivent
établir que les autres créanciers cessionnaires - ceux qui ne prennent pas
part au procès - ont renoncé à agir (déclaration de renonciation) ou ne
peuvent plus le faire (décision de retrait de l'autorisation de faire
valoir les droits de la masse). Si les créanciers cessionnaires qui ouvrent
action n'apportent pas cette preuve, ils courent le risque que leur action
soit déclarée irrecevable[43].
4. Admission à l'état de collocation
L'art. 260 al. 1 LP, du fait de sa
place qu'il occupe dans la systématique de la loi, requiert du créancier
social qu'il figure à l'état de collocation[44].
L'art. 757 al. 2 CO, au contraire,
n'exige pas de jure que le créancier cessionnaire figure à l'état
de collocation[45].
Le TF a cependant jugé que, tout comme dans le cas de l'action exercée sur
la base de l'art. 260 LP, l'action
sur la base de l'art. 757 al. 2 CO
ne pouvait être exercée que par un créancier social figurant à l'état de
collocation[46].
La cession des droits de la masse peut être obtenue même si la collocation
de la créance n'est pas encore définitive. La cession est alors assortie
d'une condition résolutoire : si la créance est ultérieurement écartée de
l'état de collocation, la cession perd sa validité. Dans l'intervalle, le
créancier social cessionnaire peut conduire le procès en responsabilité sur
la base du mandat procédural[47]. Tout créancier admis à l'état de
collocation a ainsi le droit de requérir et d'obtenir la cession des droits
de la masse aussi longtemps que sa créance n'a pas définitivement été
écartée de l'état de collocation à la suite d'un procès intenté
conformément à l'art. 250 LP[48].
La collocation définitive d'une créance n'établit que la qualité pour agir
du créancier demandeur ; elle ne saurait préjuger ni l'existence matérielle
(bien-fondé) ni la quotité de la créance. Partant, dans le cadre d'un procès
en responsabilité, la qualité pour agir d'un créancier cessionnaire ne peut
pas être remise en cause par l'organe défendeur au motif que la créance
aurait été colloquée à tort : seule une action intentée sur la base de l'art. 250 LP permet d'écarter une
créance de l'état de collocation, et donc de nier la qualité pour agir du
créancier demandeur[49].
5. Inscription de la SA au registre du commerce
Comme indiqué supra[50], il ressort de l'art. 757 al. 1 CO
qu'au moment de l'ouverture de la faillite, une prétention unique de la «
communauté des créanciers » remplace celle de la société, prétention qui
peut être exercée par chaque créancier si l'administration de la faillite
renonce à la faire valoir[51].
Chaque créancier peut alors agir en responsabilité des organes à la place
de l'administration de la faillite, que ce soit sur la base de l'art. 757 al. 2 CO
ou de l'art. 260 LP.
Il est envisageable que l'action sociale n'ait pas encore été exercée
lorsque, au moment de la clôture de la procédure de faillite (ordinaire ou
sommaire ;
art. 159a al. 1 let. b ORC[52]),
la société est radiée du registre du commerce. Dans cette hypothèse, la
question se pose de la nécessité de faire réinscrire la société au registre
du commerce pour permettre à un créancier social d'exercer l'action.
La jurisprudence, au fil du temps et non sans contradictions, a posé un
certain nombre de principes[53]. En résumé, la nécessité de faire
réinscrire la société au registre du commerce avant de pouvoir exercer
l'action sociale dépend (1) de l'admission ou non du créancier social à
l'état de collocation préalablement à radiation de la société du registre
du commerce, et (2) de l'existence ou absence, dans le même temps, d'une
cession (formelle) des droits de la masse en faillite.
Le TF a jugé que le créancier social admis à l'état de collocation, qui a
obtenu la cession des droits de la masse sur la base de l'art. 260 LP
avant la radiation de la société, n'a pas à obtenir la réinscription de la
société préalablement à l'exercice de l'action sociale en
responsabilité[54].
Cette règle doit, à notre sens, s'appliquer mutatis mutandis à
l'action qui serait intentée sur la base de
l'art. 757 al. 2 CO. La cession des
droits en vertu de l'art. 260 LP
est une institution sui generis du droit des poursuites et non une
cession de créance de droit civil au sens des
art. 164 ss CO. La cession des droits de la masse confère aux créanciers cessionnaires un
mandat procédural (Prozessstandschaft) leur permettant de faire
valoir en justice les prétentions d'un tiers - la « communauté des
créanciers » (masse en faillite), respectivement la société faillie[55]
- en leur nom et pour leur compte, sans qu'ils ne deviennent pour autant
matériellement titulaires de la
prétention[56].
La « communauté des créanciers » (masse en faillite), respectivement la
société faillie, n'est donc pas formellement partie à la procédure. Il
n'apparaît ainsi pas nécessaire de réinscrire la société pour mener
l'action en responsabilité et la radiation du registre du commerce ne doit
exercer aucune influence sur la qualité pour agir des créanciers
cessionnaires[57].
A l'opposé, le créancier social qui ne figure pas à l'état de collocation
doit requérir la réinscription de la société (art. 164 ORC
cum art. 935 CO)
pour obtenir la cession des droits de la masse avant de pouvoir intenter
une action en réparation de son dommage indirect, y compris lorsque la
société a été radiée à la suite de la suspension de la faillite faute
d'actif (art. 230 LP cum art.
159a al. 1 let. a ORC)[58]. Puisque le créancier social agit
sur la base d'un mandat procédural, la prétention qu'il fait valoir est
celle de la société faillie (qui demeure titulaire de
l'action)[59]. Dans la mesure où la jurisprudence
récente du TF semble admettre que la personnalité juridique de la société
s'éteint au moment de sa radiation du registre du commerce (effet
constitutif de la radiation ; la question demeure toutefois controversée en
doctrine)[60],
le créancier social qui n'aurait pas obtenu la cession des droits de la
masse ne saurait se voir reconnaître la qualité pour agir ; la qualité pour
agir du créancier social sur la base d'un mandat procédural
(« Prozessstandschaft »)
fait défaut dans ce cas, car le titulaire juridique de la prétention - la
société - disparaît au moment de la radiation[61]. L'effet constitutif de la radiation
implique aussi que seul le créancier social - à l'exclusion de la société
et de ses organes, qui ne sauraient s'opposer à la demande de réinscription
- est en droit de requérir la réinscription (et donc la renaissance) de la
société[62]
pour permettre la réouverture de la procédure de
faillite[63].
Une fois la société réinscrite, la procédure de faillite peut être
réouverte, puis liquidée ordinairement ou sommairement[64]
; il est alors loisible au créancier social de produire sa créance à l'état
de collocation en vue d'obtenir la cession des droits de la masse selon l'art. 757 al. 2 CO ou l'art. 260 LP
dans le but d'obtenir ensuite la réparation de son dommage
indirect[65].
En dérogation à ce qui précède, le créancier social admis à l'état de
collocation n'a pas à obtenir la réinscription de la société pour exercer
l'action sociale en responsabilité dans le cadre de la procédure
complémentaire de l'art. 269 LP
(« Nachkonkurs »), et ce même s'il n'avait pas obtenu la cession
des droits de la masse - en particulier de la prétention en responsabilité
- avant la radiation de la société. La procédure complémentaire de l'art. 269 LP
règle la réalisation et la distribution du produit des droits patrimoniaux
découverts après la clôture de la faillite et ayant échappé à la
liquidation : il s'agit impérativement de prétentions
nouvelles[66].
L'art. 269 al. 3 LP permet ainsi
de céder aux créanciers admis à l'état de collocation, conformément à
l'art. 260 LP, des droits « douteux
» sans qu'une réinscription de la société au registre du commerce ne soit
nécessaire[67].
IV. L'action individuelle du créancier social
1. Dommage direct du créancier et absence de dommage de la SA
Lorsque le comportement d'un organe cause un dommage direct à un créancier
social sans que la société ne soit
lésée[68],
un créancier social peut intenter une action individuelle en responsabilité
contre l'organe suivant les règles ordinaires de la responsabilité
civile[69].
Cette action est régie par les règles ordinaires de la responsabilité
civile[70]
et peut être intentée en tout temps, que la société soit en activité ou en
faillite[71].
Il n'existe alors aucun risque de collision (concurrence) entre l'action
individuelle et l'action sociale[72]. Lorsque le préjudice du créancier
social causé par le manquement de l'organe ne se recoupe pas avec celui de
la société ou si ce préjudice n'est pas la conséquence (le « ricochet ») du
préjudice que la société subit, le créancier social est le seul lésé, à
l'exclusion de la société[73]. Tel est par exemple le cas
lorsqu'un créancier social a consenti à un prêt à une société surendettée
en se basant sur un bilan
inexact[74].
Pour fonder son action, le créancier peut invoquer (1) un acte illicite
(art. 41 CO), (2) la violation
d'une norme du droit de la SA conçue, exclusivement ou non (normes à double
effet protecteur), dans son intérêt[75]
ou (3) une culpa in contrahendo (en l'absence de responsabilité
contractuelle[76])[77].
La première hypothèse peut découler d'une violation des dispositions du CP[78]
qui visent à protéger les créanciers. Il s'agit, par exemple, de la
condamnation de l'abus de confiance (art.
138 CP) et de la gestion déloyale (art.
158 CP)[79].
En revanche, les dispositions qui se rapportent aux crimes et délits dans
la faillite et la poursuite pour dettes
(art. 163 ss CP) ne sont
(étonnement) pas visées[80].
Quant aux normes du droit de la SA dont la violation fonde l'action
individuelle du créancier, elles peuvent avoir un double effet protecteur
(à savoir, les normes qui visent à protéger l'intérêt de la société et
celui du créancier social[81],
« Norm mit doppelter Schutzwirkung »), dans la mesure où
la société ne subit pas (également) de dommage direct à côté du créancier.
Les normes à double effet protecteur reconnues par la jurisprudence sont
les normes comptables (« Bilanzvorschriften »), les normes qui
règlent les obligations en cas de surendettement
(art. 725b CO) ou encore
de celles qui visent à garantir la constitution effective du
capital-actions[82].
A l'opposé, le devoir de diligence de l'art. 717 CO
n'est conçu que dans l'intérêt de la société et non du créancier ou de
l'actionnaire, et n'est donc pas une norme à double effet protecteur propre
à fonder l'action en responsabilité du
créancier[83].
2. Dommages directs du créancier et de la SA
Un créancier social et la société peuvent être tous deux directement lésés
par le comportement d'un organe. Il convient à cet égard de distinguer
l'hypothèse dans laquelle la société se trouve en situation en faillite et
celle où elle est en activité. Lorsque la société est en faillite, l'action
du créancier doit nécessairement reposer sur un fondement juridique
distinct de l'action sociale alors que tel n'est pas le cas lorsqu'elle est
en activité.
a) Action du créancier lorsque la société est en faillite
Lorsque la société est en faillite, la priorité est donnée à l'action
sociale : il convient d'éviter que la masse en faillite - qui peut décider
d'intenter une action lors de la seconde assemblée des créanciers - ne soit
placée dans une position plus défavorable que celle des créanciers
individuels - qui pourraient autrement ouvrir action sans
délai[84]. Pour prévenir le risque de
collusion (concurrence) entre l'action en responsabilité exercée par la
société ou par l'administration de la faillite et l'action en
responsabilité exercée par le créancier social, le TF a jugé que l'action
individuelle du créancier social devait avoir un fondement juridique
distinct de l'action sociale[85]. Afin de garantir la primauté de
l'action sociale, le créancier peut invoquer à l'encontre de l'organe (1)
un acte illicite (art. 41 CO), (2)
la violation d'une norme du droit de la SA conçue exclusivement
pour le protéger (et non d'une norme ayant un double effet
protecteur tel que l'art. 725b CO
; « Norm mit doppelter Schutzwirkung »)[86]
ou (3) une culpa in contrahendo. Il est rare qu'une norme soit
conçue exclusivement pour protéger un créancier social[87]
: le TF cite uniquement les règles sur la répartition de l'actif dans la
liquidation (art. 744 al. 2 et
745 CO)[88].
Dans tous les cas, même lorsque le créancier social pourrait en soi fonder
son action individuelle sur la base de l'art. 41 CO
ou d'une culpa in contrahendo, celle-ci relève des
art. 754 ss CO, en tant que lex specialis[89].
Lorsque l'action du créancier social, en concours avec l'action sociale, ne
repose sur aucun des trois fondements juridiques évoqués, le TF n'autorise
pas le créancier social à exercer sonaction individuelle
lorsque la faillite a été suspendue faute d'actif
(art. 230 LP) et que la société a
été radiée du registre du commerce, bien qu'il n'existe pas de risque de
concurrence entre les deux actions. Les juges de Mon-Repos considèrent
qu'une telle action doit être exclue pour des motifs tenant à l'égalité des
créanciers dans la faillite[90]. Le créancier social peut alors, à
choix, (1) s'opposer à la suspension de la faillite
(art. 230 al. 2 LP), respectivement
à la radiation de la société (art. 159a al. 1 let. a ORC), ou (2) requérir la réinscription de la
société en vue, dans un second temps, de se faire céder l'action
sociale[91].
b) Action du créancier lorsque la société est en activité
Lorsqu'une société est en activité, l'action du créancier social n'entre
pas en concurrence avec une éventuelle action de la société. La
justification invoquée pour restreindre la qualité pour agir du créancier
social, selon laquelle l'administration de la faillite ne peut agir
qu'après la seconde assemblée des créanciers, ne saurait par conséquent
trouver application. Le dommage du créancier et celui de la société sont un
seul et même dommage, qui est entraîné par une violation unique d'un devoir
par l'organe[92].
Le créancier social directement lésé[93]
dispose alors de deux prétentions distinctes en dommages-intérêts : l'une
contre l'organe (art. 55 CC[94])
et l'autre contre la société (art. 722
CO). L'organe et la société sont solidairement responsables (solidarité
imparfaite ; art. 51 CO) vis-à-vis
du créancier social ; si le créancier agit contre la société, celle-ci peut
se retourner contre son organe (art.
51 al. 2 CO)[95].
Dans la mesure où, dans cette configuration, la qualité pour agir ne
saurait être limitée, le créancier peut invoquer, comme fondement à son
action, (1) un acte illicite (art. 41
CO), (2) la violation d'une norme du droit de la SA ayant un double
effet protecteur[96]
ou (3) une culpa in contrahendo. A l'opposé, le créancier ne
saurait fonder son action sur une norme du droit de la SA qui viserait à
protéger uniquement les intérêts de la société (en particulier
l'art. 717 CO)[97].
c) Commentaire
La Haute Cour a adopté, dans l'hypothèse où le créancier social et la
société subissent tous deux un dommage direct (double dommage), une notion
d'illicéité « à géométrie variable » : sous réserve d'un acte illicite
(art. 41 CO) ou d'une
culpa in contrahendo
(fondements à l'action [1] et [3]), la qualité pour agir du créancier
social en cas de violation de l'art. 754 CO
est limitée à la violation d'une norme du droit de la SA conçue
exclusivement
pour le protéger, et cette qualité n'est donc pas étendue, dans cette
hypothèse, à la violation d'une norme ayant un
double effet protecteur
(2)[98].
Cette notion d'illicéité à géométrie variable, qui « limite », en cas de
double dommage direct, la qualité pour agir du créancier social aux
violations de normes du droit de la SA conçues exclusivement pour le
protéger, ne saurait être déduite de la lettre ou de la systématique de la
loi : l'illicéité, selon sa conception traditionnelle (objective), découle
d'une atteinte à un droit subjectif absolu (illicéité de résultat) ou d'une
violation d'une norme de comportement, qui vise à sauvegarder les intérêts
de la victime (illicéité de comportement, en vue de réparer un dommage
purement économique[99]).
Dans cette conception, il est indifférent que la norme soit conçue
exclusivement pour protéger le lésé (c-à-d. le créancier social) ou qu'elle
ait ou non un double effet protecteur (étant précisé qu'un but normatif
principal peut parfaitement coexister à côté d'un but normatif
secondaire[100]).
Aussi, il n'existe aucune raison de distinguer l'illicéité au sens de
l'art. 41 CO, laquelle dépend
uniquement de la violation d'une norme protectrice, de l'illicéité au sens
de l'art. 754 CO. On voit mal, en
effet, pourquoi cette dernière devrait dépendre de la violation d'une norme
protectrice destinée exclusivement à protéger le lésé (c-à-d. le créancier
social)lorsque ce dernier et la société subiraient tous deux un
dommage direct (troisième configuration), alors que, dans les deux autres
hypothèses (dommage direct du créancier et absence de dommage de la société
- première configuration ; dommage indirect du créancier et dommage direct
de la société - deuxième configuration), la même conception de l'illicéité
prévaudrait aux art. 41 et
754 CO
(illicéité à géométrie variable). Autrement dit, le Tribunal fédéral ne
limite pas à proprement parler la « qualité pour agir » des créanciers,
mais adopte à l'art. 754 CO une
conception restrictive (« à géométrie variable ») de l'illicéité par apport
à sa définition traditionnelle (objective) au sens de
l'art. 41 CO[101].
Le champ d'application initial de la notion d'illicéité à géométrie
variable a toutefois été restreint par le TF à l'ATF 148 III 109
: en cas de double dommage direct, cette notion (selon laquelle l'illicéité
n'est retenue qu'en cas de violation d'une norme du droit de la SA conçue
exclusivement pour protéger le créancier social) ne s'applique que lorsque
la société est tombée en faillite (et non plus lorsqu'elle est en
activité).
V. Conclusion
La possibilité qu'ont les créanciers sociaux d'intenter l'action en
responsabilité, que la SA soit ou non en faillite, joue un rôle central pour
assurer que le conseil d'administration veille aux intérêts de celle-ci,
conformément aux principes de bonne
gouvernance[102].
Si les actions sociales en responsabilité contre les organes
intentées en dehors de la faillite d'une SA demeurent rares, notamment en
raison de l'impossibilité, pour le créancier social, d'intenter
l'action[103],
tel n'est plus le cas lorsqu'une société tombe en faillite. Il est dès lors
essentiel d'appréhender la qualité pour agir du créancier social pour
éviter de voir son action en responsabilité en réparation d'un dommage
indirect déclarée irrecevable. Cette appréhension est d'autant plus
importante que la qualité pour agir en responsabilité du créancier social a
été élargie ces dernières années à la suite d'évolutions jurisprudentielles
importantes.
Si le créancier social ne subit qu'un dommage indirect, qui dérive d'un
dommage subi par la société, il ne dispose d'aucune possibilité d'obtenir
la réparation de son dommage aussi longtemps que la société est en
activité. En cas de faillite, il doit obtenir la cession des droits de la
masse (selon l'art. 757 al. 2 CO
ou l'art. 260 LP) - et, pour cela,
figurer à l'état de collocation - pour intenter, ensuite, l'action sociale
en réparation du dommage subi directement par la société (et indirectement
par lui) ; la radiation postérieure de la SA du registre du commerce
n'affecte pas la qualité pour agir du créancier cessionnaire. A l'inverse,
si la société a été radiée du registre du commerce avant que le créancier
n'ait été admis à l'état de collocation et n'ait pu obtenir la cession des
droits de la masse, il doit requérir sa réinscription afin, dans un second
temps, de produire sa créance à l'état de collocation et de se voir céder
la prétention en responsabilité. Une exception à ce principe concerne
l'hypothèse où l'action en responsabilité est intentée dans le cadre de la
procédure complémentaire de l'art. 269 LP
(« Nachkonkurs »). Dans ce cas, aucune réinscription de la société
au registre du commerce n'est nécessaire lorsque le créancier social a été
admis à l'état de collocation : même s'il n'a pas obtenu la cession des
droits de la masse préalablement à la radiation de la société, la procédure
de l'art. 269 LP permet de faire
valoir certaines prestations nouvelles sans qu'une réinscription ne soit
nécessaire.
Lorsque le créancier social et la société subissent tous deux un dommage
direct à la suite du comportement de l'organe et que la société est en
faillite, la jurisprudence actuelle prévoit que l'action individuelle du
créancier est ouverte en cas de violation d'une norme du droit de la SA
destinée exclusivement à protéger le créancier social (ou d'un acte
illicite au sens de l'art. 41 CO
ou d'une culpa in contrahendo).
Une telle restriction n'existe pas lorsque la société ayant subi un dommage
direct est toujours en activité ; le créancier social, dans un tel
cas, n'est jamais limité dans sa possibilité d'intenter une action
individuelle en responsabilité lorsqu'il subit (également) un dommage
direct. La question se pose cependant de savoir si cette possibilité ne
devait pas être étendue à toutes les hypothèses où il n'existerait pas de
concurrence entre l'action individuelle et l'action sociale. Plus
particulièrement, suivant cette conception, un créancier social pourrait
toujours intenter une action en responsabilité en cas de violation d'une
norme ayant un double effet protecteur - et non uniquement en cas de
violation d'une norme conçue exclusivement pour protéger les intérêts des
créanciers - dans l'hypothèse où l'action sociale ne pourrait plus être
exercée. Tel serait le cas en cas de clôture préalable de la faillite et de
radiation de la société (notamment suite à une suspension de la faillite
faute d'actif)[104].
Contrairement à la jurisprudence actuelle du
TF[105],
il ne serait alors plus nécessaire, afin de se faire céder l'action
sociale, de requérir la réinscription de la société préalablement à l'exercice de
l'action.
Enfin, sur un autre plan, toujours dans l'hypothèse d'une faillite de la
société et comme nous avons déjà eu l'occasion de le
proposer[106],
il serait bienvenu que le Parlement se pose la question de l'unification et
de la simplification des conditions permettant l'exercice de l'action
sociale par le créancier social. L'actuel double fondement juridique de
l'action sociale du créancier, sur la base de l'art. 757 CO
et de l'art. 260 LP, est une
incurie qu'il conviendrait de corriger. Il n'existe pas de justification au
fait que l'art. 260 al. 1 LP
requière du créancier cessionnaire qu'il obtienne la cession formelle des
droits de la « masse en faillite » préalablement à l'exercice de l'action
sociale, tandis que l'art. 757 al. 1
et al. 2 CO ne prévoit pas
expressément une telle cession[107]. De même il n'est pas satisfaisant
que le créancier social souhaitant intenter l'action de l'art. 757 al. 2 CO
soit obligé par le droit prétorien de figurer à l'état de collocation,
alors que cette obligation existe de jure s'agissant de
l'art. 260 al. 1 LP[108].
Un moyen simple de corriger l'incurie constituée par le double fondement
juridique de l'action sociale du créancier serait de reformuler
l'art. 757 al. 3 CO, qui
disposerait :
« L'action du créancier social est régie par analogie par l'art. 260
[LP] »[109].
De la sorte, l'action sociale oblique de l'actionnaire continuerait d'être
basée sur l'art. 757 al. 2 CO
tandis que celle du créancier social reposerait sur
l'art. 260 LP. Les conditions de
ces deux actions seraient en revanche semblables s'agissant de la
nécessité, préalablement au dépôt de l'action en responsabilité, (1)
d'obtenir la cession formelle de l'action sociale et (2) de figurer à
l'état de collocation.
[1]
ATF 117 II 432, consid. 1b.bb et les références citées ; Bernard Corboz /
Florence Aubry Girardin / Damiano Canapa, in : Tercier/Trigo
Trindade/Canapa (édit.), Commentaire romand, Code des obligations
II, 3ème éd., Bâle 2024, art. 754 N 54 (cit. CR CO
II-Auteur·e). Sur la controverse : cf. Dieter Gericke / Daniel
Häusermann / Stefan Waller, in : Watter/Vogt (édit.), Basler
Kommentar, Obligationenrecht II, 6ème éd., Bâle 2024,
art. 754 N 15 ss (cit. BSK OR II-Auteur·e) ; CR CO II-Corboz/Aubry
Girardin/Canapa, art. 754 N 53 ss.
[3]
ATF 142 III 433, consid. 4.1 ;
ATF 138 III 276, consid. 2.2 ; CR CO I-Werro/Perritaz, art. 41 N 14 ; BSK OR
I-Kessler, art. 41 N 8 ; CR CO II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art.
757 N 41a.
[4] Selon CR CO
I-Werro/Perritaz, art. 41 N 13 s., la distinction entre le dommage
direct et indirect «
repose sur l'intensité du lien de causalité entre l'événement
dommageable et le dommage en résultant
[…]
le responsable doit réparer le dommage direct comme le dommage
indirect, pourvu que celui-ci soit encore en relation de
causalité avec l'événement dommageable
».
[6] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 757 N 41a.
[7]
ATF 142 III 23, consid. 4.2.2. Au fil du temps, le TF a appliqué deux méthodes
différentes pour déterminer la qualité de lésé du créancier social.
Il a tout d'abord utilisé la méthode du patrimoine lésé, avant de
passer à celle du fondement juridique à
l'ATF 122 III 176, et de
revenir à la méthode du patrimoine lésé. En application de la
méthode du fondement juridique, un créancier social était
directement lésé s'il pouvait invoquer la violation d'un devoir à
son égard (et non à l'égard de la société). Cela signifie que
l'action du créancier social devait reposer sur un fondement
juridique qui était distinct de l'action sociale. A ce sujet, cf.
généralement Canapa/Grisoni (n. 2), p. 59 ss.
[11] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 754 N 63.
[12] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 754 N 78.
[15] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, Intro. art. 753-760 N 10.
[17] Hors faillite,
seul un actionnaire peut exercer l'action sociale oblique,
qui conclut au paiement de dommages-intérêts à la société
(art. 756 CO). Le
législateur n'a pas souhaité donner la possibilité à un créancier
social d'exercer l'action sociale hors faillite. Comme indiqué
supra (N 4 ss), un créancier ne sera susceptible de subir un
dommage qu'un cas d'insolvabilité, puis de faillite, de la société
CO. Aussi longtemps qu'une société est en activité, il est possible
de partir du principe qu'elle acquittera ses dettes ; un créancier
social ne subit donc un dommage indirect que si les manquements de
l'organe entraînent l'insolvabilité de la société (soit que cette
dernière n'est plus en mesure d'honorer ses engagements), puis sa
faillite, cf.
ATF 132 III 564, consid. 3.1.2 ; BSK OR II-Gericke/Häusermann/Waller, art. 754 N
2 ss.
[18] La masse en
faillite « passive » vise la « communauté des créancier » et
s'oppose à la masse en faillite « active » qui comprend l'ensemble
des valeurs patrimoniales saisissables du failli, cf. Isabelle Romy,
in : Foëx/Jeandin/Braconi/Chappuis (édit.), Commentaire romand,
Poursuite et faillite, 2ème éd., Bâle 2025, art. 197 N
1 (cit. CR LP-Auteur·e). Sur la notion ambigüe de « communauté des
créanciers », cf. Andrew Garbarski / Louis Frédéric Muskens,
Conséquences de la radiation de la société anonyme sur l'action
en responsabilité, GesKR 2018, p. 454 :
« [d]ans le contexte de l'action en responsabilité du droit de
la société anonyme, la communauté des créanciers à laquelle se
réfère la jurisprudence depuis l'ATF 117 II 432 devrait donc
être considérée, à tout le moins, comme un organe de la masse en
faillite et non comme un titulaire distinct d'une nouvelle
prétention » ;
voir aussi p. 458 : «
la faillite de la société ne consacre pas la naissance d'une
nouvelle prétention de la communauté des créanciers (théorie de
l'Ablösung), comme certains l'ont déduit de la jurisprudence
dite ‹ Raschein › ; il y a bien une continuité dans la
titularité de la prétention, laquelle reste rattachée à la
société, respectivement à la masse en faillite
». Dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral
4A_384/2016
du 1er février 2017 consid. 2.3. Voir également
Canapa/Grisoni (n. 2), p. 77 s. : «
dès l'ouverture de la faillite, la société faillie est privée
de son pouvoir de disposer des biens compris dans la masse
(dessaisissement du failli au sens de l'art. 204 LP), mais
reste titulaire du patrimoine à liquider
[…].
Il appartient alors à l'administration de la faillite - en tant
que représentante légale du failli et organe officiel de la
masse (art. 240 LP) - ou, si elle y renonce, aux créanciers
cessionnaires, de faire valoir en justice l'action sociale
[la prétention de la « communauté des créanciers »](laquelle
appartient matériellement à la société)».
[19] Loi fédérale
complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième :
Droit des obligations ; CO ;
RS 220).
[21] Autrement dit,
l'exception volenti non fit iniuria ne saurait trouver
application, les créanciers sociaux n'ayant à aucun moment consenti
le dommage, par exemple en donnant leur décharge ; cf.
ATF 142 III 23, consid. 4.4 ;
ATF 136 III 148, consid. 2.5 ;
ATF 117 II 432, consid. 1b.gg ; Walter A. Stoffel / Arnaud Constantin, Le dommage
direct du créancier dans la responsabilité des organes : un cadeau
empoisonné ?, in : Trigo Trindade/Bahar/Neri-Castracane (édit.),
Vers les sommets du droit - Liber amicorum pour Henry Peter, Zurich
2019, p. 228.
[23]
ATF 142 III 23, consid. 4.3 et 4.4 ; Arrêt du Tribunal fédéral
4A_623/2017
du 24 août 2018 consid. 2 et 3. Auparavant, la pratique
« Raichle »
- ATF 129 III 129, consid.
3 (non publié) ; Arrêt du Tribunal fédéral
5C.29/2000
du 19 septembre 2000 consid. 4c - autorisait l'administration de la
faillite à actionner les organes en responsabilité en réclamant la
réparation du préjudice causé directement aux créanciers,
alors même que la société ne subissait aucun préjudice. A ce sujet,
cf. Canapa/Grisoni (n. 2), n. 27.
[25] Loi fédérale
du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et faillite (LP ;
RS 281.1) ; CR CO II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 757 N 36 ss et 42 ;
BSK OR II-Gericke/Häusermann/Waller, art. 757 N 34 ss. Plus
réservés : Stoffel/Constantin (n. 21), p. 235 ; Isabelle Chabloz /
Irène Schilter,
Le droit des sociétés 2020/2021, RSDA 2021, p. 359 s.
[27] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 757 N 37 ; Canapa/Grisoni (n.
2), p. 81 ss.
[29] Sur la notion
de « communauté des créanciers » et notre conception de la
jurisprudence « Raschein », cf. n. 18.
[33] Code de
procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP ;
RS 312.0).
[34] Arrêt du
Tribunal fédéral
1B_418/2022
du 17 janvier 2023 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_496/2018
du 21 juin 2019 consid. 3 et 4.2.
[36] Code de
procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC ;
RS 272).
[37]
ATF 136 III 502, consid. 7.2.2 (non publié). Critique : Bernard Corboz, Le
dommage dans les actions en responsabilité contre les organes
sociaux, in : Chabot (édit.), Développements récents en droit
commercial II, Lausanne 2013, p. 104 ; François Bohnet, in :
Bohnet et al. (édit.), Commentaire romand, Code de procédure
civile, 2ème éd., Bâle 2019, art. 86 N 13 (cit. CR
CPC-Auteur·e).
[41]
ATF 136 III 107, consid. 2.4 (non publié) ;
ATF 132 III 222, consid. 1.2 (non publié). Pour Garbarski/Muskens (n. 18), p. 461
et Peter Böckli, Schweizer Aktienrecht, 5ème éd.,
Zurich et al. 2022, § 16 N 187, une cession n'est pas nécessaire
dans le cadre de l'art. 757 al.
2 CO. Les créanciers peuvent agir dès lors que l'administration
de la faillite renonce à exercer l'action. L'autorité de
surveillance LP est compétente pour déterminer si la cession des
droits de la masse est valable et le juge n'a pas à revoir cette
validité, cf.
ATF 145 III 101, consid. 4.2.1 ;
ATF 132 III 342, consid. 2.2.1.
[42]
ATF 145 III 101, consid. 4.1.2 ;
ATF 144 III 552, consid. 4.1.1. Si les créanciers ne sont pas tenus d'agir en
commun (chacun est libre d'intenter l'action), la prétention cédée
de la « communauté des créanciers » doit faire l'objet d'un seul
jugement.
[43]
ATF 145 III 101, consid. 4.1.3 ;
ATF 144 III 552, consid. 4.1.2. En effet, la faculté de faire valoir en justice
le droit d'un tiers en son nom propre
(Prozessstandschaft ;
Prozessführungsbefugnis) est une condition de recevabilité
que le juge examine d'office en contrôlant
« en particulier sur la base de la formule 7F, que le droit de
procéder appartient (encore) aux (seuls) créanciers qui agissent
devant lui ».
Cf. également CR CPC-Bohnet, art. 59 N 94 ss.
[44] ATF
145 III 101, consid. 4.1.1 ;
ATF 138 III 628, consid. 5.3.2 ; CR LP-Jeanneret/Carron, art. 260 N 15 ss. Voir
aussi : Andrew Garbarski / Louis Frédéric Muskens, L'action en
responsabilité dans la faillite d'une société anonyme, ZZZ 2020, p.
135 ss, au sujet du procès en responsabilité qui serait mené malgré
une collocation indue.
[45]
Garbarski/Muskens (n. 18), p. 461 ss.
[47]
ATF 149 III 422, consid. 3.4.2 et 3.4.3 ;
ATF 145 III 101, consid. 4.1.1. Si un jugement qui écarte définitivement le
créancier cessionnaire de l'état de collocation est rendu
postérieurement, le jugement relatif à l'action en responsabilité
demeure valable et le produit de l'action revient à la masse en
faillite, cf.
ATF 149 III 422, consid. 3.4.4. Voir aussi CR CO II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa,
art. 754 N 27.
[51] Sur cette
notion de « communauté des créanciers » et notre conception de la
jurisprudence « Raschein », cf. n. 18.
[52] Ordonnance du
17 octobre 2007 sur le registre du commerce (ORC ;
RS 221.411).
[53] Voir sur ce
point, Canapa/Grisoni (n. 2), p. 76 ss.
[57]
ATF 146 III 441, consid. 2.5.1 et 2.6. Une telle exigence serait en contradiction
avec la possibilité qui existe de clôturer la faillite (et de
radier la SA du registre du commerce) sans attendre le terme des
litiges concernant les droits cédés suivant l'art. 260 LP
(art. 95 OAOF (ordonnance
du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices de faillite
[OAOF ; RS 281.32])), cf.
ATF 146 III 441, consid.
2.5.3.
[58]
ATF 146 III 441, consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_384/2016
du 1er février 2017 consid. 2.1.3 et 2.3, avec
référence aux
ATF 132 III 731, consid. 3.2 et 3.3 et
ATF 110 II 396, consid. 2. Voir également arrêt du Tribunal fédéral
5A_857/2020
du 31 mai 2021 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_527/2020
du 22 avril 2021 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_407/2018
du 5 février 2019 consid. 4. Il est impossible pour un créancier ne
figurant pas à l'état de collocation d'obtenir la cession des
droits de la masse, cf.
ATF 146 III 441, consid. 2.1. Une telle cession ne peut donc intervenir lorsque
l'administration en faillite n'est jamais entrée en fonction du
fait de la suspension de la faillite faute d'actif
(art. 230 LP), cf.
Canapa/Grisoni (n. 2), p. 79 s. les avis contraires cités d'une
partie de la doctrine en n. 74.
[59] Arrêt du
Tribunal fédéral
4A_384/2016
du 1er février 2017 consid. 2.3. Cf. également n. 18.
[60]
ATF 146 III 441, consid. 2.2 et 2.4.1 ;
ATF 140 IV 155, consid. 3.4.4 ;
ATF 132 III 731, consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_527/2020
du 22 avril 2021 consid. 5.2. Cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral
4A_231/2011 du 20 septembre
2011 consid. 2, où le TF semble dire que la radiation n'a qu'un
effet déclaratif ; voir aussi dans ce sens Garbarski/Muskens (n.
18), p. 456 ss et les références citées, où les auteurs semblent
admettre l'effet constitutif de la radiation uniquement lorsque
celle-ci fait suite à une procédure de liquidation complète.
[61] Arrêt du
Tribunal fédéral
4A_384/2016
du 1er février 2017 consid. 2.1.2, 2.1.3 et 2.3. Au
sens technique du terme, la notion de « qualité pour agir » en tant
que condition de recevabilité - synonyme de « qualité pour affirmer
un droit en justice » (« Prozessführungsbefugnis ») - se
distingue de la « légitimation active matérielle »
(« Sachlegitimation »),
laquelle, en tant que condition de fond, vise la titularité
juridique de la prétention. A ce sujet, cf. CR CPC-Bohnet, art. 59
N 95 ss. Le TF utilise toutefois indistinctement les notions de
qualité pour agir et de légitimation active à l'égard de la qualité
pour affirmer le droit d'un tiers en justice
(« Prozessführungsbefugnis » ;
Prozessstandschaft ) des créanciers cessionnaires
agissant sur la base de l'art. 260 LP
(cf. ATF 146 III 441,
consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_384/2016
du 1er février 2017 consid. 2.3), tout en admettant
paradoxalement que cette qualité constitue une condition de
recevabilité de l'action (cf.
ATF 145 III 101). On retrouve la même confusion aux
ATF 136 III 148, consid. 2.3 ;
ATF 132 III 342, consid. 2.2 ;
ATF 132 III 564
consid. 3.2.2 ;
ATF 122 III 195, consid. 9b ;
ATF 111 II 81, consid. 3.
[62] Cette
procédure est une procédure gracieuse unipartite, cf. arrêt du
Tribunal fédéral
4A_527/2020
du 22 avril 2021 consid. 5.3.
[66]
ATF 127 III 526, consid. 3. En effet, si des actifs ou droits douteux étaient déjà
connus au moment de la faillite, ils ne sauraient être cédés sur la
base de l'art. 269 LP, car
il est alors considéré que l'administration de la faillite avait
renoncé à les faire valoir (Walter A. Stoffel / Camille Sautier, La
découverte d'actifs et/ou de passifs du débiteur à un stade avancé
de la faillite ou après la clôture de celle-ci, JdT 2019 II 97, p.
103).
[67] Une
réinscription de la société est requise si l'administration de la
faillite fait valoir activement des créances ou d'autres actifs,
notamment par le biais de poursuites, actions, concordats ou
arbitrages (ATF 146 III 441,
consid. 2.4.4.1 et 2.5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral
5A_857/2020
du 31 mai 2021 consid. 2.1.2).
[68] Dans
l'hypothèse où la société n'est pas lésée, elle ne saurait exercer
l'action sociale, cf.
ATF 142 III 23, consid. 3.1 et 4.
[69] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 754 N 61.
[70] Voir toutefois
n. 89.
[73] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 754 N 61.
[74]
ATF 148 III 11, consid. 3.2.3 ; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, § 36 N 14 ; BSK OR
II-Gericke/Häusermann/Waller, art. 754 N 16.
[75] CR CO
II-Corboz/Aubry Girardin/Canapa, art. 754 N 63 : « [l]orsque la
société n'est pas lésée, il n'est pas nécessaire que le devoir soit
conçu exclusivement dans l'intérêt […] des créanciers ; il suffit
que le demandeur soit englobé dans le but protecteur de la norme ».
[76] Subsidiarité
de la responsabilité fondée sur la confiance, cf.
ATF 131 III 377, consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral
4A_407/2018
du 5 février 2019 consid. 6.
[77] Bien que sa
nature juridique - contractuelle ou délictuelle - soit controversée
(cf. ATF 142 III 84,
consid. 3.3 ; Ariane Morin, in : Thévenoz/Werro (édit.),
Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd.,
Bâle 2021, art. 1 N 143 ss [cit. CR CO I-Auteur·e] ; CR CO I-Werro,
art. 41 N 86 ; CR CO I-Thévenoz, Intro. art. 97-109, N 19 ss), la
culpa in contrahendo est considérée comme un cas
particulier de la responsabilité fondée sur la confiance, soit une
responsabilité sui generis entre les responsabilités
contractuelle et délictuelle, cf.
ATF 142 III 84, consid. 3.3.
[87] BSK OR
II-Gericke/Häusermann/Waller, art. 754 N 24. S'agissant des règles
à double effet protecteur, cf. supra N 24 ss.
[89] Cf. arrêt du
Tribunal fédéral
4C.343/1999
du 3 février 2000 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.120/1996
du 12 février 1997 consid. 7 ; CR CO II-Corboz/Aubry
Girardin/Canapa, art. 754 N 71 ss. L'art. 760 CO s'applique
ainsi à toutes les actions en responsabilité visées aux
art. 752 ss CO
y compris l'action individuelle d'un créancier social. Voir
toutefois ATF 142 III 23,
consid. 4.3, où le TF a laissé ouverte la question de savoir si
l'action individuelle du créancier est une action de droit des
sociétés ou une action soumise à la responsabilité aquilienne. Le
TF refuse dans tous les cas de retenir un fondement contractuel à
l'action en responsabilité des organes intentée par un créancier
social, tout en laissant ouverte la question de savoir s'il s'agit
d'une action délictuelle ou autonome ex lege, cf. arrêt du
Tribunal fédéral
4A_294/2020
du 14 juillet 2021 consid. 4.1.2.1.2.
[90] Arrêt du
Tribunal fédéral
4A_407/2018
du 5 février 2019 consid. 4, et les avis contraires cités d'une
partie de la doctrine.
[93] En l'absence
d'un dommage direct, le créancier social n'aurait aucune prétention
en dehors de la faillite, cf. supra N 4 ss.
[94] Code civil
suisse du 10 décembre 1907 (CC ;
RS 210).
[96] Cf.
supra
N 24 ss. Cf. toutefois Isabelle Chabloz / Alexandra Vraca,
Das Gesellschaftsrecht 2021/2022, RSDA 2022, p. 265 s. : pour ces auteures, aucune norme du droit
de la SA (y compris l'art.
725b CO) ne viserait directement à assurer la
protection des créanciers. Elles concluent qu'il est préférable
d'admettre que les créanciers ne seraient jamais légitimés à agir
en réparation de leurs propres dommages en invoquant la violation
de telles normes, plutôt que de recourir à une restriction de la
qualité pour agir des créanciers ou d'adopter une notion
d'illicéité à géométrie variable dans le cas où la société et les
créanciers subissent tous deux un dommage direct (cf. infra N
32 ss).
[98] Cf.
Garbarski/Muskens (n. 44), p. 127.
[100] Denis
Piotet, Avantage de fait et relation d'illicéité face à la théorie
générale du patrimoine, in : Belser/Pichonnaz/Stöckli (édit.), Le
droit sans frontières - Recht ohne Grenzen - Law without borders -
Mélanges pour Franz Werro, Berne 2022, p. 535.
[101] Cf.
Garbarski/Muskens (n. 44), p. 127.
[102] Lino Hänni,
La responsabilité des administrateurs hors de la faillite de la
société anonyme : Droit matériel, préparation du procès et
procédure, Bâle et al. 2017, N 33.
[103] Quant à
l'actionnaire qui souhaiterait exercer l'action sociale, il en est
généralement dissuadé par le montant des frais à sa charge, cf.
supra N 10 ss.
[104] Dans ce
sens : ATF 141 III 112,
consid. 5.3.3, où le TF, sans revenir sur sa jurisprudence, admet
l'absence de concurrence entre les actions lorsque la faillite a
été clôturée et la société radiée du RC, ou lorsqu'il est établi
que l'administration de la faillite n'ouvrirait pas action ni ne
procéderait à la cession des droits de la masse. Cf. aussi arrêt du
Tribunal fédéral
4A_407/2018
du 5 février 2019 consid. 4, où le TF a certes considéré que, du
fait de la suspension faute d'actif et de la radiation de la SA,
l'action de la société n'entre pas en concurrence avec celle du
créancier, mais que cette absence de concurrence est uniquement due
au fait que le créancier demandeur n'as pas requis la liquidation
selon l'art. 230 al. 2 LP
(cf. N 28 s.). Cf . enfin arrêt du Tribunal fédéral
4A_26/2015
du 21 mai 2015 consid. 5.2, où le TF affirme que le risque de
concurrence disparaît lorsque la société n'agit pas elle-même en
justice. Dans le même sens : Canapa/Grisoni (n. 2), p. 88 s. ;
Böckli (n. 41), § 16 N 125 ; Isabelle Chabloz, Responsabilité des
administrateurs dans la faillite : état des lieux sur la base de
quelques arrêts récents, in : Pichonnaz/Werro (édit.), La pratique
contractuelle 5 - Symposium en droit des contrats, Genève et al.
2016, p. 114 s. ; Buff/von der Crone (n. 84), p. 274 ss ; Mirco
Ceregato / Adrian Bieri, Aktivlegitimation des
Gesellschaftsgläubigers zu Klagen gegen Gesellschaftsorgane im
Konkurs der Gesellschaft, GesKR 2015, p. 300 s.
[105] Cf.
supra
N 18 ss et N 28 s.
[106] Cf.
Canapa/Grisoni (n. 2), p. 87 ss.
[109]
Canapa/Grisoni (n. 2), p. 88.