I. Introduction
Selon l'art. 269 CO[1], « les loyers sont
abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif
de la chose louée […] ». Le rendement visé par cette
disposition est le rendement net des fonds propres, soit le rapport entre
le revenu que procure la chose au bailleur, après déduction des
charges immobilières, et les fonds propres investis[2].
S'agissant de la valeur des fonds propres, le Tribunal fédéral
admet depuis un arrêt de principe du 26 octobre 2020 que l'entier des
fonds propres initiaux doit être indexé sur l'indice des prix
à la consommation[3].
Dans un premier temps, cette contribution met en évidence que
l'approche suivie par le Tribunal fédéral pour
réévaluer les fonds propres a pour conséquence qu'un
rendement net raisonnable risque d'être jugé excessif, et qu'un
rendement net excessif risque d'être jugé raisonnable.
Afin de régler ce problème, cette contribution propose d'admettre
que si l'estimation de la valeur de l'immeuble qui découle
implicitement de la jurisprudence en vigueur est manifestement
supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de
l'immeuble, c'est la valeur actuelle réelle qui doit être prise
en compte pour déterminer la valeur des fonds propres.
Dans un deuxième temps, cette contribution met en évidence que le
changement de jurisprudence proposé faciliterait également le
choix du rendement net admissible. En effet, avec la jurisprudence
actuelle, le choix est difficile car un même rendement net admissible
peut être excessif pour certains immeubles et insuffisant pour
d'autres.
Enfin, dans un troisième temps, cette contribution soutient que le
changement de jurisprudence proposé devrait entraîner une
modification de la relation entre le critère du rendement net et le
critère des loyers usuels.
La question de la prise en compte de la valeur réelle des immeubles
lors du calcul du rendement brut (art. 269a let. c CO) ne
sera en revanche pas discutée dans cette contribution[4].
II. La réévaluation des fonds propres
1. Le problème posé par la jurisprudence du Tribunal
fédéral
Par définition, les fonds propres sont égaux à la
différence entre le coût de l'investissement et les fonds
étrangers[5]. Pour calculer correctement la valeur des fonds propres, il faut que le
coût de l'investissement et le montant des fonds étrangers soient
estimés au même moment, c'est-à-dire au moment du calcul du
rendement[6].
Une valeur ancienne doit, le cas échéant, être
réévaluée[7].
Supposons que, comme dans l'affaire qui a donné lieu à
l'arrêt de principe du 26 octobre 2020, un immeuble est acquis en 2003
pour CHF 51'546'700, exclusivement à l'aide de fonds propres[8]. Au
moment de l'acquisition, les fonds propres se montaient par conséquent
à CHF 51'546'700.
Admettons également qu'en 2017, soit l'année déterminante
dans l'affaire, la valeur de l'immeuble se monte désormais à CHF
91'753'126, soit une augmentation de 78%[9].
Cette augmentation correspond approximativement à l'augmentation de la
valeur des immeubles locatifs en Suisse entre 2003 et 2017, selon les
indices publiés sur le site de la Banque nationale suisse[10].
Il s'agit donc d'une augmentation de valeur réaliste[11].
Supposons également que, comme dans l'affaire qui a donné lieu
à l'arrêt de principe, l'immeuble est toujours financé
exclusivement par des fonds propres en 2017. Par conséquent, en 2017,
la valeur réelle des fonds propres se monte à CHF 91'753'126.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour
réévaluer les fonds propres, il faut indexer le montant d'origine
sur l'indice des prix à la consommation[12].
Il faut aussi, le cas échéant, tenir compte d'une éventuelle
modification de la dette hypothécaire, et ajouter le coût
d'éventuels travaux créant des plus-values, pour autant que
ceux-ci soient financés par des fonds propres[13].
Entre 2003 et 2017, l'indice des prix à la consommation a
augmenté de 4,77%[14],
et il n'y a eu ni modification de la dette hypothécaire, ni travaux
créant des plus-values. Par conséquent, les fonds propres
réévalués selon la jurisprudence du Tribunal
fédéral se montent en l'espèce à CHF 51'546'700 x
104,77% = CHF 54'005'477.60[15].
Vu que les fonds propres se montent réellement à CHF 91'753'126,
cela signifie que la valeur des fonds propres calculée selon la
jurisprudence du Tribunal fédéral ne représente que 59% de
la valeur réelle[16].
Cet exemple montre qu'en cas de hausse importante de la valeur des
immeubles et de faible inflation, l'approche suivie par le Tribunal
fédéral pour réévaluer les fonds propres a pour effet
de sous-estimer considérablement la valeur réelle des fonds
propres[17].
Cette sous-estimation de la valeur réelle des fonds propres
entraîne une sous-estimation des loyers admissibles. Dans l'affaire
qui a donné lieu à l'arrêt de principe du 26 octobre 2020,
le taux hypothécaire de référence se montait à 1,5%
à la date déterminante. Par conséquent, le rendement net
admissible se montait à 3,5%. Les charges courantes et d'entretien se
montaient à CHF 490'287 par année[18].
Vu que la valeur des fonds propres, selon la jurisprudence du Tribunal
fédéral, se montait à CHF 54'005'477.60, l'état locatif
annuel admissible se montait à CHF 54'005'477.60 x 3,5% + CHF 490'287
= CHF 2'380'478.70[19].
La surface de l'appartement se montait à 101 m2, et la
surface locative totale se montait à 14'443 m2. Par
conséquent, le loyer annuel admissible de l'appartement litigieux se
montait à CHF 2'380'478.70 x (101/14'443) = CHF 16'646.70, soit un
loyer mensuel de CHF 1'387.25, arrondi à CHF 1'390 [20].
Mais si on admet que les fonds propres se montent réellement à
CHF 91'753'126, l'état locatif admissible s'élève à CHF
91'753'126 x 3,5% + CHF 490'287 = CHF 3'701'646. Par conséquent, le
loyer annuel de l'appartement litigieux se monte à CHF 3'701'646 x
(101/14'443) = CHF 25'885.64, soit un loyer mensuel de CHF 2'157.13,
arrondi à CHF 2'160[21].
Autrement dit, avec une valeur réaliste des fonds propres, le loyer
admissible est 55% plus élevé qu'avec l'approche du Tribunal
fédéral[22].
A noter qu'en cas d'augmentation de la valeur d'un immeuble, le
propriétaire ne peut pas augmenter le loyer admissible en augmentant
les fonds étrangers. En effet, selon le Tribunal fédéral,
« il convient de limiter les emprunts à prendre en
considération pour le calcul des charges financières au prix de
revient de l'immeuble calculé selon la méthode usuelle,
c'est-à-dire à la valeur réactualisée des fonds propres
investis par le bailleur, augmentée des fonds étrangers initiaux.
Demeure réservée l'hypothèse où les emprunts
excédant ce plafond ont servi à financer des prestations
supplémentaires du bailleur, au sens des art. 269a let. b CO et 14 OBLF[23]
»[24].
L'idée du Tribunal fédéral est d'éviter que le bailleur
puisse réaliser une « plus-value aux dépens des locataires
en utilisant une partie du crédit octroyé par la banque sur la
base de cette [augmentation de] valeur pour acheter un autre immeuble, tout
en faisant assumer par les locataires de l'immeuble grevé le service
de la dette hypothécaire »[25].
La valeur des immeubles peut parfois aussi diminuer, surtout en termes
réels, comme le montre le graphique 1, qui présente
l'évolution de la valeur réelle, c'est-à-dire corrigée
de l'inflation, des maisons individuelles en Suisse entre 1985 et 2021[26].
En période de baisse de la valeur des immeubles, la jurisprudence du
Tribunal fédéral peut entraîner une surestimation de la
valeur des fonds propres. Supposons à nouveau qu'un immeuble est
acquis pour CHF 51'546'700 exclusivement à l'aide de fonds propres, et
que dix ans plus tard, au moment d'un nouveau calcul du rendement, la
valeur nominale de l'immeuble est restée à peu près
constante. Cette constance correspond à l'évolution du prix de
vente des maisons individuelles intervenue en Suisse entre 1990 et 2000[27].
Supposons également qu'au moment du nouveau calcul, l'immeuble est
toujours financé exclusivement par des fonds propres, et qu'il n'y a
pas eu d'investissements créant des plus-values. Par conséquent,
au moment du nouveau calcul, la valeur des fonds propres se monte toujours
à CHF 51'546'700. Admettons enfin qu'entre l'acquisition de l'immeuble
et le nouveau calcul, l'indice suisse des prix à la consommation a
augmenté de 21,2%, soit l'augmentation observée entre 1990 et
2000[28].
Par conséquent, les fonds propres réévalués selon la
jurisprudence du Tribunal fédéral se monteraient alors à CHF
51'546'700 x 121,2% = CHF 62'474'600. Autrement dit, la valeur des fonds
propres calculée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral
dépasserait de 21,2% la valeur réelle des fonds propres.
Cet exemple montre qu'en cas de baisse de la valeur réelle des
immeubles, la jurisprudence du Tribunal fédéral peut
entraîner une surestimation de la valeur des fonds propres. Cette
surestimation de la valeur des fonds propres entraîne une
sous-estimation du rendement, et par conséquent une surestimation des
loyers admissibles.
En résumé, la jurisprudence du Tribunal fédéral peut
entraîner une sous-estimation ou une surestimation de la valeur des
fonds propres. Par conséquent, un rendement raisonnable risque
d'être jugé excessif, et un rendement excessif risque d'être
jugé raisonnable. Il s'agit d'une situation clairement
insatisfaisante, qui justifie un changement de jurisprudence[29].
2. L'approche proposée
Lors de l'adoption de l'art. 269 CO, le législateur
était conscient qu'il fallait calculer le rendement net en se fondant
sur une valeur des fonds propres correspondant à la réalité.
C'est pourquoi il a prévu expressément à l'art. 269 CO qu'un « prix
d'achat manifestement exagéré » devait, le cas
échéant, être réduit lors du calcul du rendement[30].
Afin de régler le problème posé par la jurisprudence du
Tribunal fédéral, il faudrait généraliser cette
règle en admettant que ce n'est pas seulement la valeur initiale de
l'immeuble qui doit le cas échéant être corrigée
lorsqu'elle ne correspond manifestement pas à la réalité,
mais aussi la valeur ultérieure[31].
Concrètement, il s'agirait tout d'abord d'estimer la valeur actuelle
des fonds propres selon la jurisprudence en vigueur du Tribunal
fédéral[32], puis d'ajouter le
montant actuel des fonds étrangers, afin de déterminer
l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble qui découle
implicitement de l'estimation de la valeur des fonds propres[33].
Puis, il s'agirait de comparer cette estimation de la valeur actuelle de
l'investissement avec la valeur actuelle réelle de
l'immeuble. Si l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble n'est pas
manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle
réelle de l'immeuble, il faudrait s'en tenir à l'estimation de la
valeur des fonds propres selon la jurisprudence en vigueur.
En revanche, si l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble est
manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle
réelle de l'immeuble, il faudrait retenir comme valeur des fonds
propres la différence entre la valeur actuelle réelle de
l'immeuble et le montant actuel des fonds étrangers[34].
En se basant sur la valeur actuelle réelle de l'immeuble seulement si
l'estimation de la valeur de l'immeuble est manifestement supérieure
ou inférieure à la valeur réelle, on évite d'avoir
à déterminer la valeur actuelle réelle de l'immeuble s'il
est clair que la valeur de l'immeuble n'a que peu changé depuis
l'acquisition, notamment si l'acquisition est récente.
L'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble devrait être
jugée manifestement supérieure ou inférieure à la
valeur actuelle réelle de l'immeuble lorsque l'écart excède
10%[35], comme cela est
généralement admis aujourd'hui s'agissant du prix initial
manifestement exagéré[36].
En cas de désaccord entre les parties sur ce point, la valeur actuelle
réelle de l'immeuble devrait être déterminée par une
expertise appliquant les méthodes d'estimation reconnues, et tenant
compte de toutes les spécificités de la situation[37]. C'est déjà
cette approche qui est suivie aujourd'hui pour déterminer la valeur
initiale lorsque l'immeuble a été acquis par donation ou à
un prix de faveur[38].
Une approche qui consisterait à déterminer la valeur de
l'immeuble en divisant simplement le loyer usuel par le rendement brut
admissible, comme cela est en principe le cas pour déterminer si le
prix initial est manifestement exagéré (cf. art. 10 OBLF), paraît en
revanche trop schématique[39]. De plus, cette
approche est difficile à appliquer, puisqu'elle suppose d'établir
les loyers usuels pour des objets semblables [40].
Le fardeau de la preuve que l'estimation de la valeur de l'immeuble qui
découle implicitement de la jurisprudence du Tribunal
fédéral est manifestement supérieure ou inférieure
à la valeur actuelle réelle de l'immeuble incomberait à la
partie qui s'en prévaut (art. 8 CC[41]).
3. L'idée d'un loyer fondé sur le coût historique
A ce jour, le Tribunal fédéral a toujours refusé de tenir
compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble afin de
déterminer la valeur des fonds propres. Ainsi, dans l'arrêt de
principe du 26 octobre 2020 précédemment évoqué, le
Tribunal fédéral a confirmé, en accord avec une partie de la
doctrine[42], qu'il ne
fallait pas tenir compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble
lors de la détermination du rendement net[43].
Pour justifier sa position, le Tribunal fédéral relève que
le calcul du rendement net, qui est « fondé sur un calcul concret
et individuel du coût », ne « peut pas être
combiné avec des facteurs liés au marché, tels qu'une valeur
objectivée de l'immeuble »[44]. Autrement dit, la
valeur actuelle réelle de l'immeuble dépend des prix du
marché, et notamment des loyers, que l'on cherche
précisément à réguler[45].
Cette argumentation n'est pas convaincante. En effet, la valeur historique
de l'immeuble, qui sert à calculer le rendement selon la jurisprudence
du Tribunal fédéral, dépend aussi des prix du marché,
mais des prix du marché à l'époque de l'acquisition.
D'ailleurs, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer que
si un immeuble est acquis à un prix préférentiel, c'est la
valeur de marché à l'époque de l'acquisition qui doit
être prise en considération[46]. De même, comme
déjà évoqué, pour déterminer si un prix initial
est manifestement exagéré, il faut se baser sur la valeur de
rendement l'immeuble, en divisant le loyer usuel par le rendement brut
admissible, ce qui devrait en principe donner un résultat proche de la
valeur de marché.
Quant à l'idée que le rendement doit se fonder sur le coût
de l'investissement, elle n'implique pas non plus un rejet de la prise en
compte de la valeur actuelle de l'immeuble[47]. Au contraire, le
coût d'un immeuble est précisément ce à quoi le
propriétaire renonce pour le conserver, c'est-à-dire le prix
auquel il pourrait le vendre[48]. Autrement dit, la
valeur actuelle correspond au véritable coût de l'immeuble[49].
La réglementation en vigueur ne repose pas non plus sur l'idée
que la valeur historique serait plus juste que la valeur actuelle.
Autrement dit, la réglementation en vigueur n'est pas fondée sur
l'idée que les prix du marché étaient justes à un
certain moment, et qu'ils ne le seraient plus, par exemple en raison de la
survenance d'une guerre ou d'une catastrophe naturelle. D'ailleurs, si
l'immeuble est vendu, le Tribunal fédéral admet la prise en
compte des prix du marché au moment de la vente[50]. Dans ce cas, le
Tribunal fédéral admet même la possibilité pour le
nouveau propriétaire et pour les locataires de se prévaloir des
nouvelles bases de calcul en invoquant la méthode absolue en cours de
bail[51]. Il est donc tout
à fait conforme à la logique du système de calculer les
fonds propres sur la base de la valeur actuelle de l'immeuble.
4. Les gains injustifiés des propriétaires
Dans des arrêts plus anciens, le Tribunal fédéral avait
aussi justifié son refus de tenir compte de la valeur actuelle
réelle des immeubles en invoquant que cela permettrait aux
propriétaires de tirer profit de l'augmentation de la valeur des
immeubles (faire des « gains d'inflation injustifiés »)[52].
L'objectif du droit en vigueur n'est toutefois pas d'empêcher les
propriétaires de profiter de l'augmentation de la valeur des immeubles
(ni d'ailleurs de les protéger en cas de pertes de valeur)[53]. En effet, comme
déjà mentionné, la réglementation en vigueur permet
à un propriétaire de profiter de l'augmentation de valeur de son
immeuble en le vendant.
5. Le coût de la résolution des litiges
Le changement de jurisprudence proposé entraînerait
vraisemblablement une augmentation des coûts et de la durée de
certaines procédures[54].
Selon l'approche actuelle, une expertise n'est en effet nécessaire que
dans des situations très particulières, notamment en cas de
donation[55]. Avec
l'approche proposée, une expertise serait aussi nécessaire
lorsque les parties se disputent sur la valeur actuelle réelle de
l'immeuble (art. 150 al. 1 CPC[56]).
Mais cela paraît inévitable, car il ne semble pas exister d'autre
solution pour calculer correctement le rendement net des fonds propres.
On pourrait certes se demander si, plutôt que de se baser sur une
expertise, il ne serait pas préférable d'indexer la valeur des
immeubles sur un indice des prix de l'immobilier[57]. Une telle approche
constituerait sans doute un progrès par rapport à la situation
actuelle, mais elle ne paraît pas suffisamment précise. Il
paraît nécessaire de tenir compte des spécificités de
la situation.
III. Le rendement net admissible
Dans l'arrêt de principe du 26 octobre 2020, en plus de la
modification des règles sur la réévaluation des fonds
propres, le Tribunal fédéral a aussi décidé que le
rendement net admissible ne devait pas dépasser de plus de 2 points de
pourcentage le taux hypothécaire de référence, alors qu'il
admettait précédemment que ce rendement ne devait pas
dépasser de plus de 0,5 point de pourcentage le taux hypothécaire
de référence[58].
Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que ce
changement ne s'appliquait que lorsque le taux hypothécaire de
référence ne dépassait pas 2%[59].
La prise en compte de la valeur réelle des fonds propres lors du
calcul du rendement net faciliterait l'appréciation de ce changement
de jurisprudence, et plus généralement le choix du rendement net
admissible.
Il est en effet admis que le rendement net des fonds propres doit être
raisonnable[60],
c'est-à-dire correspondre au rendement qui pourrait être obtenu
sur des placements comparables[61]. Mais pour un immeuble
acquis relativement récemment, la valeur des fonds propres retenue est
généralement proche de la réalité, et le rendement net
calculé est donc vraisemblablement proche de la réalité. En
revanche, comme déjà évoqué, si l'immeuble a
été acquis il y a plusieurs années, la valeur des fonds
propres retenue peut être très éloignée de la
réalité, et le rendement largement surestimé ou
sous-estimé.
Par conséquent, il est possible qu'un rendement admissible de 2 points
de pourcentage au-dessus du taux hypothécaire de référence
soit insuffisant pour un immeuble acquis il y a plusieurs années, pour
lequel le rendement réel est largement surestimé, mais
raisonnable, ou excessif, pour un immeuble acquis récemment, pour
lequel le rendement retenu correspond approximativement au rendement
réel.
Avec le changement de jurisprudence proposé, il serait possible de
choisir un rendement admissible qui serait raisonnable tant pour les
immeubles acquis récemment que pour les immeubles acquis il y a plus
longtemps. Savoir à quoi devrait alors correspondre ce rendement sort
du cadre de cette contribution.
IV. La relation entre le critère du rendement net et le
critère des loyers usuels
Selon le Tribunal fédéral, le critère du rendement net a la
priorité sur le critère des loyers usuels lorsque l'immeuble
n'est pas ancien[62].
Si l'immeuble est ancien, c'est-à-dire construit ou acquis il y a plus
de trente ans[63], le
bailleur peut en revanche « se prévaloir de la
prééminence du critère des loyers usuels ». Cela
n'empêche toutefois pas le bailleur « d'établir que
l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du
critère du rendement net »[64].
L'idée est que, pour les immeubles anciens, « les pièces
comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis
[…] font fréquemment défaut ou font apparaître des
montants qui ne sont plus en phase avec la réalité
économique actuelle »[65].
Avec le changement de jurisprudence proposé, la distinction entre les
immeubles anciens et les autres ne se justifierait plus[66] : le critère du
rendement net devrait toujours l'emporter sur le critère des loyers
usuels[67]. Autrement dit,
la conformité aux loyers usuels ne créerait qu'une
présomption d'absence d'abus, que l'immeuble soit ancien ou non.
V. Conclusion
L'application de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la
réévaluation des fonds propres a pour conséquence qu'un
rendement net raisonnable risque d'être jugé excessif, et qu'un
rendement net excessif risque d'être jugé raisonnable.
Afin de régler ce problème, il faudrait admettre que si
l'estimation de la valeur de l'immeuble qui découle implicitement de
la jurisprudence en vigueur est manifestement supérieure ou
inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble, c'est
la valeur actuelle réelle qui doit être prise en compte pour
déterminer la valeur des fonds propres.
Ce changement de jurisprudence permettrait également de choisir un
rendement admissible qui serait raisonnable pour tous les immeubles, alors
qu'avec la jurisprudence en vigueur, un même rendement admissible peut
être excessif pour certains immeubles et insuffisant pour d'autres.
Enfin, si le Tribunal fédéral admettait le changement de
jurisprudence proposé, le critère du rendement net devrait
toujours l'emporter sur le critère des loyers usuels, que l'immeuble
soit ancien ou non.
[1]
Code des obligations du 30 mars 1911 (CO ; RS 220).
[2]
Sur le calcul du rendement net des fonds propres, voir ATF 147 III 14 c. 7 ;
François Bohnet, in : Bohnet/Carron/Montini (édit.),
Commentaire Pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2 ème éd., Bâle 2017, art. 269 CO N 6 ss
(cit. CPra Bail-Bohnet) ; Peter Higi / Anton Bühlmann /
Christoph Wildisen, in : Schmid (édit.), Zürcher
Kommentar, Die Miete, Art. 269-273c OR, 5 ème éd., Zurich 2022, art. 269 N 28 ss (cit.
ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen) ; David Lachat / Pierre
Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 530 ss ; Beat
Rohrer, in : Das schweizerische Mietrecht, Kommentar, 4 ème édit., Zurich 2018, art. 269 CO N 1 ss
(cit. SVIT‑Rohrer) ; Roger Weber, in : Widmer
Lüchinger/Oser (édit.), Basler Kommentar,
Obligationenrecht I, 7ème éd., Bâle 2019,
art. 269 N 1 ss (cit. BSK OR I-Weber). Pour une présentation
des hypothèses dans lesquelles le critère du rendement
net des fonds propres est applicable, cf. Lachat/Stastny (n. 2), p.
530 ss, et les références citées. À noter que
le rendement visé à l'art. 269 CO ne prend pas
en compte une éventuelle plus-value ou une éventuelle
moins-value de l'immeuble. Ce n'est donc pas le rendement total des
fonds propres qui est visé, mais seulement le rendement
direct. Sur la distinction entre rendement total et rendement
direct, voir par exemple Philippe Favarger / Philippe Thalmann, Les
secrets de l'expertise immobilière, 5ème
éd., Lausanne 2017, p. 37. Sur la situation en l'absence de
fonds propres, voir ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269
CO N 294 ss ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 N 3.8.
[3]
ATF 147 III 14
c. 8.4. Le Tribunal fédéral estimait
précédemment que seule la part des fonds propres qui ne
dépassait pas 40% du prix d'acquisition devait être
indexée. Sur cet arrêt, voir Philippe Conod, Rendement
net art. 269 CO ;
réévaluation des fonds propres ; taux de rendement des
fonds propres (arrêt du Tribunal fédéral 4A_554/2019 du 26. Octobre
2020), Newsletter Bail.ch 2020 ; Thomas Koller, Die mietrechtliche
Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2020, RJB 2021, p. 480 ss
; David Lachat, La fixation du loyer contesté : une
jurisprudence à bout de souffle ?, sui generis 2021, p. 29 ss
; Beat Rohrer, Urteil des Bundesgerichts vom 26. Oktober 2020 (zur
Publikation vorgesehen), MRA 2020, p. 163 ss ; Pierre Stastny,
Rechtsprechung des Bundesgerichts zur Nettorendite : quo vadis ?,
mietrechtspraxis 2021, p. 7 ss.
[4]
Le Tribunal fédéral a pour l'instant laissé ouverte
la question d'une éventuelle indexation du prix de revient
pris en considération lors du calcul du rendement brut, et la
question est controversée en doctrine. Voir notamment ATF 118 II 124 c. 5a ; ATF 116 II 594 c. 5d ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 618 N 6.3 ; SVIT-Rohrer, art. 269 a CO N 99 ; Beat Rohrer, Konsequenzen aus der
Änderung der Rechtsprechung des Bundesgerichts betreffend die
zulässige Nettorendite (BGE 147 III 14), MRA 2021,
p. 113 ss et p. 124 s ; BSK OR I‑Weber, art. 269a N
14a. La question de la prise en considération d'une vente
ultérieure lors du calcul du rendement brut est également
controversée. Sur ce point, voir notamment Lachat/Stastny (n.
2), p. 621 N 6.8 ; SVIT‑Rohrer, art. 269a CO N 94.
[6]
ZK-Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 64 et 187 ss. Sur le
moment déterminant pour calculer le rendement net, voir BSK OR
I‑Weber, art. 269 N 8a, et les références
citées.
[7]
ZK-Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 188 et 190. D'un
point de vue économique, une valeur historique n'a pas de
pertinence pour calculer un rendement. Voir par exemple
Favarger/Thalmann (n. 2), p. 39, qui relèvent qu'un «
prix historique n'a pas de pertinence pour l'avenir » et que
le rendement d'un immeuble doit être calculé « par
rapport au prix auquel le propriétaire pourrait le vendre
». Voir aussi Hal Varian, Intermediate Microeonomics, 6e éd., New York/Londres 2003, p. 407, qui
relève que ce qui est déterminant pour déterminer un
rendement, ce n'est pas le prix auquel un investisseur a
acheté, mais le prix auquel il pourrait vendre (« What
matters is not what you bought it for, but what you can sell it for
- that's what determines opportunity cost ».). Voir toutefois
Lachat/Stastny (n. 2), p. 548 N 5.4, qui semblent soutenir le
contraire.
[8]
Pour plus de détails sur la détermination de ce prix
d'acquisition, voir ATF 147 III 14 c. 5.1.
[9]
(91'753'126-51'546'700)/51'546'700 = 78%.
[10]
Entre 2003 et 2017, l'indice des prix des immeubles locatifs de la
société Fahrländer et Partner passe de 74,5 à
143,1, soit une augmentation de (143,1-74,5)/74,5 = 92,1%. Durant
la même période, l'indice des prix des immeubles locatifs
de la société CIFI passe de 79,8 à 131,4, soit une
augmentation de (131,4-79,8)/79,8 = 64,7%. Si on prend la moyenne
entre ces deux augmentations, on arrive à une augmentation
d'environ 78%. Ces données se trouvent sur le site de la
Banque nationale suisse.
[11]
Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de
principe, l'immeuble se trouvait sur l'Arc lémanique,
région qui a connu de très fortes hausses de valeur des
immeubles durant la période considérée. Par
conséquent, l'augmentation de valeur de l'immeuble était
probablement plus importante.
[13]
Il faut aussi, le cas échéant, tenir compte d'une «
indemnité versée par le bailleur au locataire sortant qui
a financé des travaux à plus-value » (art. 260a al. 3 CO), et d'indemnités pour expropriation versées au
bailleur. Pour plus de détails sur la variation des fonds
propres, voir Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 ss, et les
références citées.
[16]
54'005'477.60/91'753'126 = 59%.
[17]
Dans ce sens également, voir par exemple SVIT‑Rohrer,
art. 269 CO N 8 ; BSK OR I‑Weber, art. 269 N 13.
[21]
Ce loyer admissible est assez proche du loyer convenu par les
parties, soit CHF 2'190, et également assez proche du loyer
payé par le précédent locataire, soit CHF 2020. Voir ATF 147 III 14 A.a.
[22]
(2'160-1'390)/1'390 = 55%.
[23]
Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme
d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF ; RS 221.213.11).
[24]
ATF 123 III 171
c. 6a. Sur ce point, voir CPra Bail‑Bohnet, art. 269 CO N 22
et 60 ; Sarah Brutschin, Mietrecht für die Praxis, 9 e éd., Zurich 2016, p. 479 s. N 18.6.1 ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 n. 89 ; SVIT‑Rohrer, art. 269
CO N 21.
[26]
Le graphique 1 se base sur l'indice des
prix des maisons individuelles
(prix de transaction) figurant sur le site de la Banque nationale
suisse, et qui a été établi par la société
Wüest Partner. Le graphique se base sur les prix des maisons
individuelles plutôt que sur le prix des immeubles locatifs,
car il n'existe apparemment pas d'indice des prix des immeubles
locatifs prenant en compte des valeurs antérieures à
1996. L'indice de la société Wüest Partner se trouve
sur le site de la
Banque nationale suisse. L'indice de la société Wüest Partner se base sur
des valeurs nominales, alors que le graphique 1 se fonde sur des
valeurs réelles, c'est-à-dire corrigées de
l'inflation. La correction se base sur l'indice suisse des prix
à la consommation établi par
l'Office fédéral de la statistique. Le code utilisé pour produire le graphique
est annexé à cet article.
[27]
Entre 1990 et 2000, l'indice de la société Wüest
Partner (prix de transaction) évoqué ci-dessus (n. 26)
est resté à peu près constant, passant de 100,5
à 100. Durant la même période, l'indice de la
société Wüest Partner (prix de l'offre),
également publié sur le site de la Banque nationale
suisse, a en revanche fortement diminué, passant de 128,5
à 100.
[28]
Entre 1990 et 2000, l'indice des prix à la consommation
établi par l'Office fédéral de la statistique (base
1982) est passé de 121,6 à 147,4, soit une augmentation
de (147,4-121,6)/121,6 = 21,2%.
[29]
Selon le Tribunal fédéral, la possibilité pour les
propriétaires d'obtenir un rendement raisonnable semble
nécessaire pour que l'atteinte à la garantie de la
propriété portée par les règles sur la
protection contre les loyers abusifs (art. 269 ss CO) soit
acceptable. Voir Arrêt du Tribunal fédéral 4P.45/2002 du 10 juin 2002
c. 1e (« Dès lors qu'un rendement non excessif demeure
admis, il n'y a pas d'atteinte inacceptable à la garantie de
la propriété »).
[30]
L'expression « prix d'achat » figurant à l'art. 269 CO vise
l'ensemble des coûts engendrés par l'acquisition de
l'immeuble, y compris par exemple les droits de mutation et les
honoraires de notaire. Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269
CO N 43 ; SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 17.
[31]
Dans le même sens notamment Ulf Walz, Die renditebezogene
Missbrauchskontrolle nach Art. 269 OR, thèse
Zurich 2001, N 226, qui semble admettre que le propriétaire a
le choix de se baser sur l'indexation du prix d'achat, sur la
valeur intrinsèque ou sur la valeur de rendement. Voir aussi
SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 6 ss, spécialement N 6, qui admet
la prise en compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble
lorsque le coût historique de l'investissement n'est plus dans
un rapport raisonnable avec la réalité économique
actuelle (« in keinem verfnünftigen Verhältnis mehr
zur aktuellen wirtschaftlichen Realität »). Ces auteurs
ne semblent envisager que l'hypothèse où la jurisprudence
du Tribunal fédéral entraîne une sous-estimation de
la valeur réelle des fonds propres.
[32]
A ce stade, plutôt qu'une indexation de l'entier des fonds
propres sur l'indice des prix à la consommation, comme le
préconise le Tribunal fédéral, il serait
préférable d'admettre une indexation de l'entier de la
valeur de l'immeuble, comme le suggèrent notamment
ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 190 ss. Un tel
changement n'aurait toutefois aucun effet dans l'hypothèse
où l'investissement est financé exclusivement par des
fonds propres, et n'aurait que peu d'effet dans les autres cas si
l'inflation est faible durant la période pertinente.
[33]
Vu que, par définition, les fonds propres sont égaux
à la différence entre la valeur de l'immeuble et les
fonds étrangers, en ajoutant les fonds étrangers à
l'estimation des fonds propres, on obtient l'estimation de la
valeur actuelle de l'immeuble qui découle implicitement de la
jurisprudence en vigueur.
[34]
Il paraît préférable de ne pas tenir compte de la
marge de tolérance, afin d'éviter que le montant retenu
des fonds propres soit différent selon que la règle est
invoquée par le bailleur ou le locataire. La question est
controversée s'agissant du prix initial manifestement
exagéré. Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N
53, qui estime qu'il faut tenir compte de la marge de
tolérance, et Lachat/Stastny (n. 2), p. 551 n. 149, qui
soutiennent le contraire.
[35]
Walz (n. 31), N 41 s, préconise une limite fixée à
15%.
[36]
Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 49 ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 551 N 6.3.
[37]
Sur ces méthodes, voir notamment Blaise Carron/Placidus
Plattner, Contrat de bail et valorisation immobilière, in :
Bohnet/Carron (édit.), 18e séminaire sur le
droit du bail, Bâle/Neuchâtel 2014, p. 1 ss ;
Favarger/Thalmann (n. 2), p. 1 ss ; Martin Hoesli, Investissement
Immobilier, Paris 2018, p. 46 ss.
[38]
Voir Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4, et les
références citées.
[39]
Selon l'art. 10 OBLF,
« Un prix d'achat est manifestement exagéré au sens
de l'art. 269 CO lorsqu'il
dépasse considérablement la valeur de rendement d'un
immeuble calculée sur la base des loyers usuels dans la
localité ou le quartier, pour des objets semblables ».
Sur l'art. 10 OBLF, voir
notamment CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 47 s ; Lachat/Stastny (n.
2), p. 548 n. 129 et p. 551 n. 146. Sur le rendement brut
admissible, voir Laurent Bieri, Le rendement brut de la chose
louée, PJA 2021, p. 437 ss. Le recours à une expertise
est déjà préconisé aujourd'hui par une partie
de la doctrine pour déterminer si le prix initial est
manifestement exagéré. Voir Maja Blumer,
Gebrauchsüberlassungsverträge (Miete, Pacht), Bâle
2012, p. 134 N 432. Certains auteurs s'interrogent sur la
compatibilité de l'art. 10 OBLF avec l'art. 269 CO. Voir
notamment Lachat/Stastny (n. 2), p. 550 n. 142.
[40]
S'agissant de la détermination du prix initial manifestement
exagéré, CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 48 soutient
qu'il « convient de ne pas être excessivement
sévère » lors de la détermination des loyers
usuels. D'un autre avis Isabelle Salomé Daïna, L'OBLF
comme ordonnance d'exécution - conformité au cadre
légal, Cahiers du bail 2021, p. 10 N 55, qui relève que
« rien n'indique que les loyers usuels au sens de l'art. 10 OBLF puissent
être déterminés de manière différente de
ceux de l'art. 11 OBLF. Au
contraire, l'art. 10 OBLF
se réfère à la notion d'objets semblables, et non
comparables, ce qui suggère une approche encore plus
restrictive qu'à l'article 11 OBLF ». Il
est parfois défendu que la valeur intrinsèque de
l'immeuble pourrait aussi être prise en compte afin de
déterminer si le coût initial de l'investissement est
exagéré. Voir notamment CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N
48 et Lachat/Stastny (n. 2), p. 552 N 6.4. D'un autre avis
notamment SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 18.
[41]
Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC ; RS 210).
[42]
Voir par exemple Philippe Conod / François Bohnet, Droit du
bail, 2e éd., Bâle 2021, p. 148 N 613 ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 547 N 5.4. Pour déterminer la valeur
des fonds propres des immeubles anciens, Lachat/Stastny (n. 2), p.
549 N 5.8, semblent toutefois recommander la prise en compte du
« coût de construction actuel » de l'immeuble,
adapté selon l'âge et l'état d'entretien de
celui-ci, auquel serait ajouté 20%, pour tenir compte de la
valeur du terrain, et dont seraient déduits les emprunts du
bailleur. Le Tribunal fédéral a rejeté cette
approche car elle n'est pas fondée sur un calcul individuel
des coûts. Voir ATF 127 III 257 c. 3b/bb.
Cette approche présente l'inconvénient de ne pas tenir
compte du fait que, selon l'emplacement de l'immeuble, le rapport
entre la valeur du terrain et les coûts de construction peut
être très différent.
[46]
Arrêt du Tribunal fédéral 4A_147/2016 du 12
septembre 2016 c. 2.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2014 du 17 juillet
2014 c. 4.4. Voir aussi CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 31 ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4.
[47]
Dans ce sens également Philippe Richard, Critique de la
jurisprudence du Tribunal fédéral sur les articles 269,
269a let. a et 270 CO, Cahiers du bail 2019 p. 33 ss,
spécialement N 80 ss.
[48]
Voir les références citées ci-dessus (n. 7).
[49]
Le coût historique, qui est irrécupérable, ne joue
pas de rôle pour un investisseur rationnel. L'erreur qui
consiste à croire qu'un coût irrécupérable doit
être pris en compte lors de la prise d'une décision (the sunk-cost fallacy) est fréquemment mise en
évidence par les psychologues et les économistes. Pour
les psychologues, voir par exemple Daniel Kahneman, Thinking, Fast
and Slow, Londres 2011, p. 345. Pour les économistes, voir par
exemple Paul Krugman/Robin Wells, Economics, New York 2006, p. 172.
[50]
ATF 116 II 594
c. 6 ss. Voir aussi Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 N 5.3.4, qui
relèvent que « la genèse de l'AMSL démontre
d'ailleurs que le législateur a voulu permettre à
l'acquéreur d'un immeuble ancien de rentabiliser son
investissement, pour autant qu'il ne soit pas manifestement
exagéré », et Lachat/Stastny (n. 2), p. 699 N 5.4.2,
qui précisent que le locataire peut aussi se prévaloir de
la vente pour obtenir une baisse de loyer. A noter que
Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 n. 132, soutiennent qu'une
indemnité pour expropriation peut aussi être prise en
compte en cours de bail.
[51]
ATF 116 II 594
c. 6 ss ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 N 5.3.4 et p. 699 N 5.4.2.
En fait, en l'état de la jurisprudence, un propriétaire
est incité à vendre son immeuble afin de pouvoir tirer
profit de la plus-value. Voir aussi SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 8,
et les références citées.
[52]
Voir notamment ATF 122 III 257 c. 3b/bb
(« zu ungerechtfertigten Inflationsgewinnen führen
könnte »). Voir aussi par exemple CPra Bail‑Bohnet,
art. 269 CO N 37.
[53]
Dans ce sens également Elmar Gratz, Mietzinsgestaltung,
St-Gall 1995, p. 70 s ; SVIT‑Rohrer, art. 269 CO N 7, qui
relèvent qu'il est douteux que le législateur ait eu
l'intention de forcer le propriétaire à vendre son
immeuble pour tirer profit de la plus-value. Voir aussi Walz (n.
31), N 29, qui évoque le risque de perte de valeur.
Apparemment d'un autre avis notamment Brutschin (n. 24), p. 472 N
18.3.6, qui estime que le but de la réglementation est de
combattre la spéculation.
[54]
Dans ce sens ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N
186 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 547 N 5.4.
[55]
Voir par exemple Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4.
[56]
Code de procédure civil du 19 décembre 2008 (CPC ; RS 272).
[57]
Comme déjà évoqué ci-dessus (n. 32), une
indexation de l'entier de la valeur de l'immeuble sur l'indice des
prix à la consommation, plutôt qu'une indexation de
l'entier des fonds propres, comme le préconise le Tribunal
fédéral, n'aurait en général que peu d'effet.
[60]
Voir par exemple ATF 147 III 14 c. 4.1.1
(« Le loyer doit, d'une part, offrir un rendement raisonnable
par rapport aux fonds propres investis et, d'autre part, couvrir
les charges immobilières »). Voir aussi
ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 38 ;
Lachat/Stastny (n. 2), p. 531 N 2.1.1 (« procurer au bailleur
un revenu équitable, pas davantage »).
[61]
Voir en particulier ATF 112 II 149 c. 2b
(« Ce taux [de l'intérêt hypothécaire de
premier rang] correspond en effet au revenu de placements de
capitaux comparables à l'investissement immobilier, et une
faible majoration peut être admise au regard du caractère
de la législation, qui se limite à sanctionner les abus
»). Dans ce sens également Stastny (n. 3), p. 20 ss, et
les références citées.
[64]
ATF 147 III 14
c. 4.2. Le cas échéant, le Tribunal fédéral
semble admettre la possibilité de déterminer la valeur de
l'immeuble en se basant sur la capitalisation des loyers usuels.
Voir ATF 122 III 257 c. 4; ATF 112 II 149 c. 3e ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 548 N 5.6.
[66]
Dans ce sens également SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 13.
[67]
Voir toutefois Richard (n. 47), p. 43 N 67 ; SVIT-Rohrer,
Vorbemerkungen zu Art. 269‑270e N 21, qui estiment
qu'on ne devrait jamais admettre une priorité du critère
du rendement net (art. 269 CO) sur le
critère des loyers usuels (art. 269a let. a CO).