Rendement net de la chose louée et réévaluation des fonds propres

Laurent Bieri *

L'approche suivie par le Tribunal fédéral pour réévaluer les fonds propres a pour conséquence qu'un rendement net raisonnable risque d'être jugé excessif, et qu'un rendement net excessif risque d'être jugé raisonnable. Afin de régler ce problème, il faudrait déterminer la valeur des fonds propres en se fondant sur la valeur actuelle réelle de l'immeuble lorsque l'approche du Tribunal fédéral conduit à un résultat manifestement erroné. Ce changement de jurisprudence permettrait aussi de choisir un rendement admissible qui serait raisonnable pour tous les immeubles, alors qu'avec la jurisprudence en vigueur, un même rendement admissible peut être excessif pour certains immeubles et insuffisant pour d'autres. Avec le changement de jurisprudence proposé, le critère du rendement net devrait toujours l'emporter sur le critère des loyers usuels, que l'immeuble soit ancien ou non.

Die Praxis des Bundesgerichts zur Neubewertung des Eigenkapitals hat zur Folge, dass eine angemessene Nettorendite möglicherweise als übersetzt angesehen wird und eine übersetzte Nettorendite möglicherweise als angemessen gilt. Um dieses Problem zu lösen, sollte der Wert des Eigenkapitals auf der Grundlage des aktuellen Realwerts der Liegenschaft bestimmt werden, sofern die bundesgerichtliche Praxis zu einem offensichtlich falschen Ergebnis führt. Eine solche Praxisänderung würde auch die Wahl einer zulässigen Rendite ermöglichen, die für alle Liegenschaften angemessen wäre, während nach der geltenden Rechtsprechung dieselbe zu- lässige Rendite für einige Liegenschaften übersetzt und für andere unzureichend sein kann. Mit der vorgeschlagenen Praxisänderung sollte das Kriterium der Nettorendite immer Vorrang vor dem Kriterium der Vergleichsmieten haben, unabhängig davon, ob die Liegenschaft alt ist oder nicht.

Citation: Laurent Bieri, Rendement net de la chose louée et réévaluation des fonds propres, sui generis 2022, S. 71

URL: sui-generis.ch/206

DOI: https://doi.org/10.21257/sg.206

* Prof. Dr. iur. Laurent Bieri, Professeur à l'Université de Lausanne (laurent.bieri@unil.ch). Je remercie Maxime Lepore, assistant diplômé à l'Université de Lausanne, pour sa relecture attentive du manuscrit et ses précieux commentaires.


I. Introduction

Selon l'art. 269 CO[1], « les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée […] ». Le rendement visé par cette disposition est le rendement net des fonds propres, soit le rapport entre le revenu que procure la chose au bailleur, après déduction des charges immobilières, et les fonds propres investis[2].

S'agissant de la valeur des fonds propres, le Tribunal fédéral admet depuis un arrêt de principe du 26 octobre 2020 que l'entier des fonds propres initiaux doit être indexé sur l'indice des prix à la consommation[3].

Dans un premier temps, cette contribution met en évidence que l'approche suivie par le Tribunal fédéral pour réévaluer les fonds propres a pour conséquence qu'un rendement net raisonnable risque d'être jugé excessif, et qu'un rendement net excessif risque d'être jugé raisonnable.

Afin de régler ce problème, cette contribution propose d'admettre que si l'estimation de la valeur de l'immeuble qui découle implicitement de la jurisprudence en vigueur est manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble, c'est la valeur actuelle réelle qui doit être prise en compte pour déterminer la valeur des fonds propres.

Dans un deuxième temps, cette contribution met en évidence que le changement de jurisprudence proposé faciliterait également le choix du rendement net admissible. En effet, avec la jurisprudence actuelle, le choix est difficile car un même rendement net admissible peut être excessif pour certains immeubles et insuffisant pour d'autres.

Enfin, dans un troisième temps, cette contribution soutient que le changement de jurisprudence proposé devrait entraîner une modification de la relation entre le critère du rendement net et le critère des loyers usuels.

La question de la prise en compte de la valeur réelle des immeubles lors du calcul du rendement brut (art. 269a let. c CO) ne sera en revanche pas discutée dans cette contribution[4].

II. La réévaluation des fonds propres

1. Le problème posé par la jurisprudence du Tribunal fédéral

Par définition, les fonds propres sont égaux à la différence entre le coût de l'investissement et les fonds étrangers[5]. Pour calculer correctement la valeur des fonds propres, il faut que le coût de l'investissement et le montant des fonds étrangers soient estimés au même moment, c'est-à-dire au moment du calcul du rendement[6]. Une valeur ancienne doit, le cas échéant, être réévaluée[7].

Supposons que, comme dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de principe du 26 octobre 2020, un immeuble est acquis en 2003 pour CHF 51'546'700, exclusivement à l'aide de fonds propres[8]. Au moment de l'acquisition, les fonds propres se montaient par conséquent à CHF 51'546'700.

Admettons également qu'en 2017, soit l'année déterminante dans l'affaire, la valeur de l'immeuble se monte désormais à CHF 91'753'126, soit une augmentation de 78%[9]. Cette augmentation correspond approximativement à l'augmentation de la valeur des immeubles locatifs en Suisse entre 2003 et 2017, selon les indices publiés sur le site de la Banque nationale suisse[10]. Il s'agit donc d'une augmentation de valeur réaliste[11].

Supposons également que, comme dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de principe, l'immeuble est toujours financé exclusivement par des fonds propres en 2017. Par conséquent, en 2017, la valeur réelle des fonds propres se monte à CHF 91'753'126.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour réévaluer les fonds propres, il faut indexer le montant d'origine sur l'indice des prix à la consommation[12]. Il faut aussi, le cas échéant, tenir compte d'une éventuelle modification de la dette hypothécaire, et ajouter le coût d'éventuels travaux créant des plus-values, pour autant que ceux-ci soient financés par des fonds propres[13].

Entre 2003 et 2017, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 4,77%[14], et il n'y a eu ni modification de la dette hypothécaire, ni travaux créant des plus-values. Par conséquent, les fonds propres réévalués selon la jurisprudence du Tribunal fédéral se montent en l'espèce à CHF 51'546'700 x 104,77% = CHF 54'005'477.60[15].

Vu que les fonds propres se montent réellement à CHF 91'753'126, cela signifie que la valeur des fonds propres calculée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral ne représente que 59% de la valeur réelle[16].

Cet exemple montre qu'en cas de hausse importante de la valeur des immeubles et de faible inflation, l'approche suivie par le Tribunal fédéral pour réévaluer les fonds propres a pour effet de sous-estimer considérablement la valeur réelle des fonds propres[17].

Cette sous-estimation de la valeur réelle des fonds propres entraîne une sous-estimation des loyers admissibles. Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de principe du 26 octobre 2020, le taux hypothécaire de référence se montait à 1,5% à la date déterminante. Par conséquent, le rendement net admissible se montait à 3,5%. Les charges courantes et d'entretien se montaient à CHF 490'287 par année[18].

Vu que la valeur des fonds propres, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, se montait à CHF 54'005'477.60, l'état locatif annuel admissible se montait à CHF 54'005'477.60 x 3,5% + CHF 490'287 = CHF 2'380'478.70[19]. La surface de l'appartement se montait à 101 m2, et la surface locative totale se montait à 14'443 m2. Par conséquent, le loyer annuel admissible de l'appartement litigieux se montait à CHF 2'380'478.70 x (101/14'443) = CHF 16'646.70, soit un loyer mensuel de CHF 1'387.25, arrondi à CHF 1'390 [20].

Mais si on admet que les fonds propres se montent réellement à CHF 91'753'126, l'état locatif admissible s'élève à CHF 91'753'126 x 3,5% + CHF 490'287 = CHF 3'701'646. Par conséquent, le loyer annuel de l'appartement litigieux se monte à CHF 3'701'646 x (101/14'443) = CHF 25'885.64, soit un loyer mensuel de CHF 2'157.13, arrondi à CHF 2'160[21]. Autrement dit, avec une valeur réaliste des fonds propres, le loyer admissible est 55% plus élevé qu'avec l'approche du Tribunal fédéral[22].

A noter qu'en cas d'augmentation de la valeur d'un immeuble, le propriétaire ne peut pas augmenter le loyer admissible en augmentant les fonds étrangers. En effet, selon le Tribunal fédéral, « il convient de limiter les emprunts à prendre en considération pour le calcul des charges financières au prix de revient de l'immeuble calculé selon la méthode usuelle, c'est-à-dire à la valeur réactualisée des fonds propres investis par le bailleur, augmentée des fonds étrangers initiaux. Demeure réservée l'hypothèse où les emprunts excédant ce plafond ont servi à financer des prestations supplémentaires du bailleur, au sens des art. 269a let. b CO et 14 OBLF[23] »[24].

L'idée du Tribunal fédéral est d'éviter que le bailleur puisse réaliser une « plus-value aux dépens des locataires en utilisant une partie du crédit octroyé par la banque sur la base de cette [augmentation de] valeur pour acheter un autre immeuble, tout en faisant assumer par les locataires de l'immeuble grevé le service de la dette hypothécaire »[25].

La valeur des immeubles peut parfois aussi diminuer, surtout en termes réels, comme le montre le graphique 1, qui présente l'évolution de la valeur réelle, c'est-à-dire corrigée de l'inflation, des maisons individuelles en Suisse entre 1985 et 2021[26].

Graphique 1: Valeur réelle des maisons individuelles 1985–2021

En période de baisse de la valeur des immeubles, la jurisprudence du Tribunal fédéral peut entraîner une surestimation de la valeur des fonds propres. Supposons à nouveau qu'un immeuble est acquis pour CHF 51'546'700 exclusivement à l'aide de fonds propres, et que dix ans plus tard, au moment d'un nouveau calcul du rendement, la valeur nominale de l'immeuble est restée à peu près constante. Cette constance correspond à l'évolution du prix de vente des maisons individuelles intervenue en Suisse entre 1990 et 2000[27].

Supposons également qu'au moment du nouveau calcul, l'immeuble est toujours financé exclusivement par des fonds propres, et qu'il n'y a pas eu d'investissements créant des plus-values. Par conséquent, au moment du nouveau calcul, la valeur des fonds propres se monte toujours à CHF 51'546'700. Admettons enfin qu'entre l'acquisition de l'immeuble et le nouveau calcul, l'indice suisse des prix à la consommation a augmenté de 21,2%, soit l'augmentation observée entre 1990 et 2000[28].

Par conséquent, les fonds propres réévalués selon la jurisprudence du Tribunal fédéral se monteraient alors à CHF 51'546'700 x 121,2% = CHF 62'474'600. Autrement dit, la valeur des fonds propres calculée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral dépasserait de 21,2% la valeur réelle des fonds propres.

Cet exemple montre qu'en cas de baisse de la valeur réelle des immeubles, la jurisprudence du Tribunal fédéral peut entraîner une surestimation de la valeur des fonds propres. Cette surestimation de la valeur des fonds propres entraîne une sous-estimation du rendement, et par conséquent une surestimation des loyers admissibles.

En résumé, la jurisprudence du Tribunal fédéral peut entraîner une sous-estimation ou une surestimation de la valeur des fonds propres. Par conséquent, un rendement raisonnable risque d'être jugé excessif, et un rendement excessif risque d'être jugé raisonnable. Il s'agit d'une situation clairement insatisfaisante, qui justifie un changement de jurisprudence[29].

2. L'approche proposée

Lors de l'adoption de l'art. 269 CO, le législateur était conscient qu'il fallait calculer le rendement net en se fondant sur une valeur des fonds propres correspondant à la réalité. C'est pourquoi il a prévu expressément à l'art. 269 CO qu'un « prix d'achat manifestement exagéré » devait, le cas échéant, être réduit lors du calcul du rendement[30].

Afin de régler le problème posé par la jurisprudence du Tribunal fédéral, il faudrait généraliser cette règle en admettant que ce n'est pas seulement la valeur initiale de l'immeuble qui doit le cas échéant être corrigée lorsqu'elle ne correspond manifestement pas à la réalité, mais aussi la valeur ultérieure[31].

Concrètement, il s'agirait tout d'abord d'estimer la valeur actuelle des fonds propres selon la jurisprudence en vigueur du Tribunal fédéral[32], puis d'ajouter le montant actuel des fonds étrangers, afin de déterminer l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble qui découle implicitement de l'estimation de la valeur des fonds propres[33].

Puis, il s'agirait de comparer cette estimation de la valeur actuelle de l'investissement avec la valeur actuelle réelle de l'immeuble. Si l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble n'est pas manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble, il faudrait s'en tenir à l'estimation de la valeur des fonds propres selon la jurisprudence en vigueur.

En revanche, si l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble est manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble, il faudrait retenir comme valeur des fonds propres la différence entre la valeur actuelle réelle de l'immeuble et le montant actuel des fonds étrangers[34].

En se basant sur la valeur actuelle réelle de l'immeuble seulement si l'estimation de la valeur de l'immeuble est manifestement supérieure ou inférieure à la valeur réelle, on évite d'avoir à déterminer la valeur actuelle réelle de l'immeuble s'il est clair que la valeur de l'immeuble n'a que peu changé depuis l'acquisition, notamment si l'acquisition est récente.

L'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble devrait être jugée manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble lorsque l'écart excède 10%[35], comme cela est généralement admis aujourd'hui s'agissant du prix initial manifestement exagéré[36].

En cas de désaccord entre les parties sur ce point, la valeur actuelle réelle de l'immeuble devrait être déterminée par une expertise appliquant les méthodes d'estimation reconnues, et tenant compte de toutes les spécificités de la situation[37]. C'est déjà cette approche qui est suivie aujourd'hui pour déterminer la valeur initiale lorsque l'immeuble a été acquis par donation ou à un prix de faveur[38].

Une approche qui consisterait à déterminer la valeur de l'immeuble en divisant simplement le loyer usuel par le rendement brut admissible, comme cela est en principe le cas pour déterminer si le prix initial est manifestement exagéré (cf. art. 10 OBLF), paraît en revanche trop schématique[39]. De plus, cette approche est difficile à appliquer, puisqu'elle suppose d'établir les loyers usuels pour des objets semblables [40].

Le fardeau de la preuve que l'estimation de la valeur de l'immeuble qui découle implicitement de la jurisprudence du Tribunal fédéral est manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble incomberait à la partie qui s'en prévaut (art. 8 CC[41]).

3. L'idée d'un loyer fondé sur le coût historique

A ce jour, le Tribunal fédéral a toujours refusé de tenir compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble afin de déterminer la valeur des fonds propres. Ainsi, dans l'arrêt de principe du 26 octobre 2020 précédemment évoqué, le Tribunal fédéral a confirmé, en accord avec une partie de la doctrine[42], qu'il ne fallait pas tenir compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble lors de la détermination du rendement net[43].

Pour justifier sa position, le Tribunal fédéral relève que le calcul du rendement net, qui est « fondé sur un calcul concret et individuel du coût », ne « peut pas être combiné avec des facteurs liés au marché, tels qu'une valeur objectivée de l'immeuble »[44]. Autrement dit, la valeur actuelle réelle de l'immeuble dépend des prix du marché, et notamment des loyers, que l'on cherche précisément à réguler[45].

Cette argumentation n'est pas convaincante. En effet, la valeur historique de l'immeuble, qui sert à calculer le rendement selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, dépend aussi des prix du marché, mais des prix du marché à l'époque de l'acquisition. D'ailleurs, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer que si un immeuble est acquis à un prix préférentiel, c'est la valeur de marché à l'époque de l'acquisition qui doit être prise en considération[46]. De même, comme déjà évoqué, pour déterminer si un prix initial est manifestement exagéré, il faut se baser sur la valeur de rendement l'immeuble, en divisant le loyer usuel par le rendement brut admissible, ce qui devrait en principe donner un résultat proche de la valeur de marché.

Quant à l'idée que le rendement doit se fonder sur le coût de l'investissement, elle n'implique pas non plus un rejet de la prise en compte de la valeur actuelle de l'immeuble[47]. Au contraire, le coût d'un immeuble est précisément ce à quoi le propriétaire renonce pour le conserver, c'est-à-dire le prix auquel il pourrait le vendre[48]. Autrement dit, la valeur actuelle correspond au véritable coût de l'immeuble[49].

La réglementation en vigueur ne repose pas non plus sur l'idée que la valeur historique serait plus juste que la valeur actuelle. Autrement dit, la réglementation en vigueur n'est pas fondée sur l'idée que les prix du marché étaient justes à un certain moment, et qu'ils ne le seraient plus, par exemple en raison de la survenance d'une guerre ou d'une catastrophe naturelle. D'ailleurs, si l'immeuble est vendu, le Tribunal fédéral admet la prise en compte des prix du marché au moment de la vente[50]. Dans ce cas, le Tribunal fédéral admet même la possibilité pour le nouveau propriétaire et pour les locataires de se prévaloir des nouvelles bases de calcul en invoquant la méthode absolue en cours de bail[51]. Il est donc tout à fait conforme à la logique du système de calculer les fonds propres sur la base de la valeur actuelle de l'immeuble.

4. Les gains injustifiés des propriétaires

Dans des arrêts plus anciens, le Tribunal fédéral avait aussi justifié son refus de tenir compte de la valeur actuelle réelle des immeubles en invoquant que cela permettrait aux propriétaires de tirer profit de l'augmentation de la valeur des immeubles (faire des « gains d'inflation injustifiés »)[52].

L'objectif du droit en vigueur n'est toutefois pas d'empêcher les propriétaires de profiter de l'augmentation de la valeur des immeubles (ni d'ailleurs de les protéger en cas de pertes de valeur)[53]. En effet, comme déjà mentionné, la réglementation en vigueur permet à un propriétaire de profiter de l'augmentation de valeur de son immeuble en le vendant.

5. Le coût de la résolution des litiges

Le changement de jurisprudence proposé entraînerait vraisemblablement une augmentation des coûts et de la durée de certaines procédures[54].

Selon l'approche actuelle, une expertise n'est en effet nécessaire que dans des situations très particulières, notamment en cas de donation[55]. Avec l'approche proposée, une expertise serait aussi nécessaire lorsque les parties se disputent sur la valeur actuelle réelle de l'immeuble (art. 150 al. 1 CPC[56]).

Mais cela paraît inévitable, car il ne semble pas exister d'autre solution pour calculer correctement le rendement net des fonds propres.

On pourrait certes se demander si, plutôt que de se baser sur une expertise, il ne serait pas préférable d'indexer la valeur des immeubles sur un indice des prix de l'immobilier[57]. Une telle approche constituerait sans doute un progrès par rapport à la situation actuelle, mais elle ne paraît pas suffisamment précise. Il paraît nécessaire de tenir compte des spécificités de la situation.

III. Le rendement net admissible

Dans l'arrêt de principe du 26 octobre 2020, en plus de la modification des règles sur la réévaluation des fonds propres, le Tribunal fédéral a aussi décidé que le rendement net admissible ne devait pas dépasser de plus de 2 points de pourcentage le taux hypothécaire de référence, alors qu'il admettait précédemment que ce rendement ne devait pas dépasser de plus de 0,5 point de pourcentage le taux hypothécaire de référence[58]. Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que ce changement ne s'appliquait que lorsque le taux hypothécaire de référence ne dépassait pas 2%[59].

La prise en compte de la valeur réelle des fonds propres lors du calcul du rendement net faciliterait l'appréciation de ce changement de jurisprudence, et plus généralement le choix du rendement net admissible.

Il est en effet admis que le rendement net des fonds propres doit être raisonnable[60], c'est-à-dire correspondre au rendement qui pourrait être obtenu sur des placements comparables[61]. Mais pour un immeuble acquis relativement récemment, la valeur des fonds propres retenue est généralement proche de la réalité, et le rendement net calculé est donc vraisemblablement proche de la réalité. En revanche, comme déjà évoqué, si l'immeuble a été acquis il y a plusieurs années, la valeur des fonds propres retenue peut être très éloignée de la réalité, et le rendement largement surestimé ou sous-estimé.

Par conséquent, il est possible qu'un rendement admissible de 2 points de pourcentage au-dessus du taux hypothécaire de référence soit insuffisant pour un immeuble acquis il y a plusieurs années, pour lequel le rendement réel est largement surestimé, mais raisonnable, ou excessif, pour un immeuble acquis récemment, pour lequel le rendement retenu correspond approximativement au rendement réel.

Avec le changement de jurisprudence proposé, il serait possible de choisir un rendement admissible qui serait raisonnable tant pour les immeubles acquis récemment que pour les immeubles acquis il y a plus longtemps. Savoir à quoi devrait alors correspondre ce rendement sort du cadre de cette contribution.

IV. La relation entre le critère du rendement net et le critère des loyers usuels

Selon le Tribunal fédéral, le critère du rendement net a la priorité sur le critère des loyers usuels lorsque l'immeuble n'est pas ancien[62].

Si l'immeuble est ancien, c'est-à-dire construit ou acquis il y a plus de trente ans[63], le bailleur peut en revanche « se prévaloir de la prééminence du critère des loyers usuels ». Cela n'empêche toutefois pas le bailleur « d'établir que l'immeuble ne lui procure pas un rendement excessif à l'aide du critère du rendement net »[64].

L'idée est que, pour les immeubles anciens, « les pièces comptables nécessaires pour déterminer les fonds propres investis […] font fréquemment défaut ou font apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique actuelle »[65].

Avec le changement de jurisprudence proposé, la distinction entre les immeubles anciens et les autres ne se justifierait plus[66] : le critère du rendement net devrait toujours l'emporter sur le critère des loyers usuels[67]. Autrement dit, la conformité aux loyers usuels ne créerait qu'une présomption d'absence d'abus, que l'immeuble soit ancien ou non.

V. Conclusion

L'application de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la réévaluation des fonds propres a pour conséquence qu'un rendement net raisonnable risque d'être jugé excessif, et qu'un rendement net excessif risque d'être jugé raisonnable.

Afin de régler ce problème, il faudrait admettre que si l'estimation de la valeur de l'immeuble qui découle implicitement de la jurisprudence en vigueur est manifestement supérieure ou inférieure à la valeur actuelle réelle de l'immeuble, c'est la valeur actuelle réelle qui doit être prise en compte pour déterminer la valeur des fonds propres.

Ce changement de jurisprudence permettrait également de choisir un rendement admissible qui serait raisonnable pour tous les immeubles, alors qu'avec la jurisprudence en vigueur, un même rendement admissible peut être excessif pour certains immeubles et insuffisant pour d'autres.

Enfin, si le Tribunal fédéral admettait le changement de jurisprudence proposé, le critère du rendement net devrait toujours l'emporter sur le critère des loyers usuels, que l'immeuble soit ancien ou non.



[1] Code des obligations du 30 mars 1911 (CO ; RS 220).

[2] Sur le calcul du rendement net des fonds propres, voir ATF 147 III 14 c. 7 ; François Bohnet, in : Bohnet/Carron/Montini (édit.), Commentaire Pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2 ème éd., Bâle 2017, art. 269 CO N 6 ss (cit. CPra Bail-Bohnet) ; Peter Higi / Anton Bühlmann / Christoph Wildisen, in : Schmid (édit.), Zürcher Kommentar, Die Miete, Art. 269-273c OR, 5 ème éd., Zurich 2022, art. 269 N 28 ss (cit. ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen) ; David Lachat / Pierre Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 530 ss ; Beat Rohrer, in : Das schweizerische Mietrecht, Kommentar, 4 ème édit., Zurich 2018, art. 269 CO N 1 ss (cit. SVIT‑Rohrer) ; Roger Weber, in : Widmer Lüchinger/Oser (édit.), Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7ème éd., Bâle 2019, art. 269 N 1 ss (cit. BSK OR I-Weber). Pour une présentation des hypothèses dans lesquelles le critère du rendement net des fonds propres est applicable, cf. Lachat/Stastny (n. 2), p. 530 ss, et les références citées. À noter que le rendement visé à l'art. 269 CO ne prend pas en compte une éventuelle plus-value ou une éventuelle moins-value de l'immeuble. Ce n'est donc pas le rendement total des fonds propres qui est visé, mais seulement le rendement direct. Sur la distinction entre rendement total et rendement direct, voir par exemple Philippe Favarger / Philippe Thalmann, Les secrets de l'expertise immobilière, 5ème éd., Lausanne 2017, p. 37. Sur la situation en l'absence de fonds propres, voir ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 294 ss ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 N 3.8.

[3] ATF 147 III 14 c. 8.4. Le Tribunal fédéral estimait précédemment que seule la part des fonds propres qui ne dépassait pas 40% du prix d'acquisition devait être indexée. Sur cet arrêt, voir Philippe Conod, Rendement net art. 269 CO ; réévaluation des fonds propres ; taux de rendement des fonds propres (arrêt du Tribunal fédéral 4A_554/2019 du 26. Octobre 2020), Newsletter Bail.ch 2020 ; Thomas Koller, Die mietrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2020, RJB 2021, p. 480 ss ; David Lachat, La fixation du loyer contesté : une jurisprudence à bout de souffle ?, sui generis 2021, p. 29 ss ; Beat Rohrer, Urteil des Bundesgerichts vom 26. Oktober 2020 (zur Publikation vorgesehen), MRA 2020, p. 163 ss ; Pierre Stastny, Rechtsprechung des Bundesgerichts zur Nettorendite : quo vadis ?, mietrechtspraxis 2021, p. 7 ss.

[4] Le Tribunal fédéral a pour l'instant laissé ouverte la question d'une éventuelle indexation du prix de revient pris en considération lors du calcul du rendement brut, et la question est controversée en doctrine. Voir notamment ATF 118 II 124 c. 5a ; ATF 116 II 594 c. 5d ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 618 N 6.3 ; SVIT-Rohrer, art. 269 a CO N 99 ; Beat Rohrer, Konsequenzen aus der Änderung der Rechtsprechung des Bundesgerichts betreffend die zulässige Nettorendite (BGE 147 III 14), MRA 2021, p. 113 ss et p. 124 s ; BSK OR I‑Weber, art. 269a N 14a. La question de la prise en considération d'une vente ultérieure lors du calcul du rendement brut est également controversée. Sur ce point, voir notamment Lachat/Stastny (n. 2), p. 621 N 6.8 ; SVIT‑Rohrer, art. 269a CO N 94.

[5] ATF 147 III 14 c. 7.1 ; ATF 122 III 257 c. 3a ; CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 17 ; ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 187.

[6] ZK-Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 64 et 187 ss. Sur le moment déterminant pour calculer le rendement net, voir BSK OR I‑Weber, art. 269 N 8a, et les références citées.

[7] ZK-Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 188 et 190. D'un point de vue économique, une valeur historique n'a pas de pertinence pour calculer un rendement. Voir par exemple Favarger/Thalmann (n. 2), p. 39, qui relèvent qu'un « prix historique n'a pas de pertinence pour l'avenir » et que le rendement d'un immeuble doit être calculé « par rapport au prix auquel le propriétaire pourrait le vendre ». Voir aussi Hal Varian, Intermediate Microeonomics, 6e éd., New York/Londres 2003, p. 407, qui relève que ce qui est déterminant pour déterminer un rendement, ce n'est pas le prix auquel un investisseur a acheté, mais le prix auquel il pourrait vendre (« What matters is not what you bought it for, but what you can sell it for - that's what determines opportunity cost ».). Voir toutefois Lachat/Stastny (n. 2), p. 548 N 5.4, qui semblent soutenir le contraire.

[8] Pour plus de détails sur la détermination de ce prix d'acquisition, voir ATF 147 III 14 c. 5.1.

[9] (91'753'126-51'546'700)/51'546'700 = 78%.

[10] Entre 2003 et 2017, l'indice des prix des immeubles locatifs de la société Fahrländer et Partner passe de 74,5 à 143,1, soit une augmentation de (143,1-74,5)/74,5 = 92,1%. Durant la même période, l'indice des prix des immeubles locatifs de la société CIFI passe de 79,8 à 131,4, soit une augmentation de (131,4-79,8)/79,8 = 64,7%. Si on prend la moyenne entre ces deux augmentations, on arrive à une augmentation d'environ 78%. Ces données se trouvent sur le site de la Banque nationale suisse.

[11] Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt de principe, l'immeuble se trouvait sur l'Arc lémanique, région qui a connu de très fortes hausses de valeur des immeubles durant la période considérée. Par conséquent, l'augmentation de valeur de l'immeuble était probablement plus importante.

[13] Il faut aussi, le cas échéant, tenir compte d'une « indemnité versée par le bailleur au locataire sortant qui a financé des travaux à plus-value » (art. 260a al. 3 CO), et d'indemnités pour expropriation versées au bailleur. Pour plus de détails sur la variation des fonds propres, voir Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 ss, et les références citées.

[14] Voir ATF 147 III 14 c. 8.5.

[15] Voir ATF 147 III 14 c. 8.5.

[16] 54'005'477.60/91'753'126 = 59%.

[17] Dans ce sens également, voir par exemple SVIT‑Rohrer, art. 269 CO N 8 ; BSK OR I‑Weber, art. 269 N 13.

[18] Voir ATF 147 III 14 c. 8.5.

[21] Ce loyer admissible est assez proche du loyer convenu par les parties, soit CHF 2'190, et également assez proche du loyer payé par le précédent locataire, soit CHF 2020. Voir ATF 147 III 14 A.a.

[22] (2'160-1'390)/1'390 = 55%.

[23] Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF ; RS 221.213.11).

[24] ATF 123 III 171 c. 6a. Sur ce point, voir CPra Bail‑Bohnet, art. 269 CO N 22 et 60 ; Sarah Brutschin, Mietrecht für die Praxis, 9 e éd., Zurich 2016, p. 479 s. N 18.6.1 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 541 n. 89 ; SVIT‑Rohrer, art. 269 CO N 21.

[26] Le graphique 1 se base sur l'indice des prix des maisons individuelles (prix de transaction) figurant sur le site de la Banque nationale suisse, et qui a été établi par la société Wüest Partner. Le graphique se base sur les prix des maisons individuelles plutôt que sur le prix des immeubles locatifs, car il n'existe apparemment pas d'indice des prix des immeubles locatifs prenant en compte des valeurs antérieures à 1996. L'indice de la société Wüest Partner se trouve sur le site de la Banque nationale suisse. L'indice de la société Wüest Partner se base sur des valeurs nominales, alors que le graphique 1 se fonde sur des valeurs réelles, c'est-à-dire corrigées de l'inflation. La correction se base sur l'indice suisse des prix à la consommation établi par l'Office fédéral de la statistique. Le code utilisé pour produire le graphique est annexé à cet article.

[27] Entre 1990 et 2000, l'indice de la société Wüest Partner (prix de transaction) évoqué ci-dessus (n. 26) est resté à peu près constant, passant de 100,5 à 100. Durant la même période, l'indice de la société Wüest Partner (prix de l'offre), également publié sur le site de la Banque nationale suisse, a en revanche fortement diminué, passant de 128,5 à 100.

[28] Entre 1990 et 2000, l'indice des prix à la consommation établi par l'Office fédéral de la statistique (base 1982) est passé de 121,6 à 147,4, soit une augmentation de (147,4-121,6)/121,6 = 21,2%.

[29] Selon le Tribunal fédéral, la possibilité pour les propriétaires d'obtenir un rendement raisonnable semble nécessaire pour que l'atteinte à la garantie de la propriété portée par les règles sur la protection contre les loyers abusifs (art. 269 ss CO) soit acceptable. Voir Arrêt du Tribunal fédéral 4P.45/2002 du 10 juin 2002 c. 1e (« Dès lors qu'un rendement non excessif demeure admis, il n'y a pas d'atteinte inacceptable à la garantie de la propriété »).

[30] L'expression « prix d'achat » figurant à l'art. 269 CO vise l'ensemble des coûts engendrés par l'acquisition de l'immeuble, y compris par exemple les droits de mutation et les honoraires de notaire. Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 43 ; SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 17.

[31] Dans le même sens notamment Ulf Walz, Die renditebezogene Missbrauchskontrolle nach Art. 269 OR, thèse Zurich 2001, N 226, qui semble admettre que le propriétaire a le choix de se baser sur l'indexation du prix d'achat, sur la valeur intrinsèque ou sur la valeur de rendement. Voir aussi SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 6 ss, spécialement N 6, qui admet la prise en compte de la valeur actuelle réelle de l'immeuble lorsque le coût historique de l'investissement n'est plus dans un rapport raisonnable avec la réalité économique actuelle (« in keinem verfnünftigen Verhältnis mehr zur aktuellen wirtschaftlichen Realität »). Ces auteurs ne semblent envisager que l'hypothèse où la jurisprudence du Tribunal fédéral entraîne une sous-estimation de la valeur réelle des fonds propres.

[32] A ce stade, plutôt qu'une indexation de l'entier des fonds propres sur l'indice des prix à la consommation, comme le préconise le Tribunal fédéral, il serait préférable d'admettre une indexation de l'entier de la valeur de l'immeuble, comme le suggèrent notamment ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 190 ss. Un tel changement n'aurait toutefois aucun effet dans l'hypothèse où l'investissement est financé exclusivement par des fonds propres, et n'aurait que peu d'effet dans les autres cas si l'inflation est faible durant la période pertinente.

[33] Vu que, par définition, les fonds propres sont égaux à la différence entre la valeur de l'immeuble et les fonds étrangers, en ajoutant les fonds étrangers à l'estimation des fonds propres, on obtient l'estimation de la valeur actuelle de l'immeuble qui découle implicitement de la jurisprudence en vigueur.

[34] Il paraît préférable de ne pas tenir compte de la marge de tolérance, afin d'éviter que le montant retenu des fonds propres soit différent selon que la règle est invoquée par le bailleur ou le locataire. La question est controversée s'agissant du prix initial manifestement exagéré. Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 53, qui estime qu'il faut tenir compte de la marge de tolérance, et Lachat/Stastny (n. 2), p. 551 n. 149, qui soutiennent le contraire.

[35] Walz (n. 31), N 41 s, préconise une limite fixée à 15%.

[36] Voir par exemple CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 49 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 551 N 6.3.

[37] Sur ces méthodes, voir notamment Blaise Carron/Placidus Plattner, Contrat de bail et valorisation immobilière, in : Bohnet/Carron (édit.), 18e séminaire sur le droit du bail, Bâle/Neuchâtel 2014, p. 1 ss ; Favarger/Thalmann (n. 2), p. 1 ss ; Martin Hoesli, Investissement Immobilier, Paris 2018, p. 46 ss.

[38] Voir Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4, et les références citées.

[39] Selon l'art. 10 OBLF, « Un prix d'achat est manifestement exagéré au sens de l'art. 269 CO lorsqu'il dépasse considérablement la valeur de rendement d'un immeuble calculée sur la base des loyers usuels dans la localité ou le quartier, pour des objets semblables ». Sur l'art. 10 OBLF, voir notamment CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 47 s ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 548 n. 129 et p. 551 n. 146. Sur le rendement brut admissible, voir Laurent Bieri, Le rendement brut de la chose louée, PJA 2021, p. 437 ss. Le recours à une expertise est déjà préconisé aujourd'hui par une partie de la doctrine pour déterminer si le prix initial est manifestement exagéré. Voir Maja Blumer, Gebrauchsüberlassungsverträge (Miete, Pacht), Bâle 2012, p. 134 N 432. Certains auteurs s'interrogent sur la compatibilité de l'art. 10 OBLF avec l'art. 269 CO. Voir notamment Lachat/Stastny (n. 2), p. 550 n. 142.

[40] S'agissant de la détermination du prix initial manifestement exagéré, CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 48 soutient qu'il « convient de ne pas être excessivement sévère » lors de la détermination des loyers usuels. D'un autre avis Isabelle Salomé Daïna, L'OBLF comme ordonnance d'exécution - conformité au cadre légal, Cahiers du bail 2021, p. 10 N 55, qui relève que « rien n'indique que les loyers usuels au sens de l'art. 10 OBLF puissent être déterminés de manière différente de ceux de l'art. 11 OBLF. Au contraire, l'art. 10 OBLF se réfère à la notion d'objets semblables, et non comparables, ce qui suggère une approche encore plus restrictive qu'à l'article 11 OBLF ». Il est parfois défendu que la valeur intrinsèque de l'immeuble pourrait aussi être prise en compte afin de déterminer si le coût initial de l'investissement est exagéré. Voir notamment CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 48 et Lachat/Stastny (n. 2), p. 552 N 6.4. D'un autre avis notamment SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 18.

[41] Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC ; RS 210).

[42] Voir par exemple Philippe Conod / François Bohnet, Droit du bail, 2e éd., Bâle 2021, p. 148 N 613 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 547 N 5.4. Pour déterminer la valeur des fonds propres des immeubles anciens, Lachat/Stastny (n. 2), p. 549 N 5.8, semblent toutefois recommander la prise en compte du « coût de construction actuel » de l'immeuble, adapté selon l'âge et l'état d'entretien de celui-ci, auquel serait ajouté 20%, pour tenir compte de la valeur du terrain, et dont seraient déduits les emprunts du bailleur. Le Tribunal fédéral a rejeté cette approche car elle n'est pas fondée sur un calcul individuel des coûts. Voir ATF 127 III 257 c. 3b/bb. Cette approche présente l'inconvénient de ne pas tenir compte du fait que, selon l'emplacement de l'immeuble, le rapport entre la valeur du terrain et les coûts de construction peut être très différent.

[43] ATF 147 III 14 c. 4.1, et les références citées.

[44] ATF 147 III 14 c. 4.1. Voir aussi ATF 122 III 257 c. 3 ; ATF 112 II 149 c. 3.

[46] Arrêt du Tribunal fédéral 4A_147/2016 du 12 septembre 2016 c. 2.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2014 du 17 juillet 2014 c. 4.4. Voir aussi CPra Bail-Bohnet, art. 269 CO N 31 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4.

[47] Dans ce sens également Philippe Richard, Critique de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur les articles 269, 269a let. a et 270 CO, Cahiers du bail 2019 p. 33 ss, spécialement N 80 ss.

[48] Voir les références citées ci-dessus (n. 7).

[49] Le coût historique, qui est irrécupérable, ne joue pas de rôle pour un investisseur rationnel. L'erreur qui consiste à croire qu'un coût irrécupérable doit être pris en compte lors de la prise d'une décision (the sunk-cost fallacy) est fréquemment mise en évidence par les psychologues et les économistes. Pour les psychologues, voir par exemple Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow, Londres 2011, p. 345. Pour les économistes, voir par exemple Paul Krugman/Robin Wells, Economics, New York 2006, p. 172.

[50] ATF 116 II 594 c. 6 ss. Voir aussi Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 N 5.3.4, qui relèvent que « la genèse de l'AMSL démontre d'ailleurs que le législateur a voulu permettre à l'acquéreur d'un immeuble ancien de rentabiliser son investissement, pour autant qu'il ne soit pas manifestement exagéré », et Lachat/Stastny (n. 2), p. 699 N 5.4.2, qui précisent que le locataire peut aussi se prévaloir de la vente pour obtenir une baisse de loyer. A noter que Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 n. 132, soutiennent qu'une indemnité pour expropriation peut aussi être prise en compte en cours de bail.

[51] ATF 116 II 594 c. 6 ss ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 696 N 5.3.4 et p. 699 N 5.4.2. En fait, en l'état de la jurisprudence, un propriétaire est incité à vendre son immeuble afin de pouvoir tirer profit de la plus-value. Voir aussi SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 8, et les références citées.

[52] Voir notamment ATF 122 III 257 c. 3b/bb (« zu ungerechtfertigten Inflationsgewinnen führen könnte »). Voir aussi par exemple CPra Bail‑Bohnet, art. 269 CO N 37.

[53] Dans ce sens également Elmar Gratz, Mietzinsgestaltung, St-Gall 1995, p. 70 s ; SVIT‑Rohrer, art. 269 CO N 7, qui relèvent qu'il est douteux que le législateur ait eu l'intention de forcer le propriétaire à vendre son immeuble pour tirer profit de la plus-value. Voir aussi Walz (n. 31), N 29, qui évoque le risque de perte de valeur. Apparemment d'un autre avis notamment Brutschin (n. 24), p. 472 N 18.3.6, qui estime que le but de la réglementation est de combattre la spéculation.

[54] Dans ce sens ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 186 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 547 N 5.4.

[55] Voir par exemple Lachat/Stastny (n. 2), p. 539 N 3.4.

[56] Code de procédure civil du 19 décembre 2008 (CPC ; RS 272).

[57] Comme déjà évoqué ci-dessus (n. 32), une indexation de l'entier de la valeur de l'immeuble sur l'indice des prix à la consommation, plutôt qu'une indexation de l'entier des fonds propres, comme le préconise le Tribunal fédéral, n'aurait en général que peu d'effet.

[60] Voir par exemple ATF 147 III 14 c. 4.1.1 (« Le loyer doit, d'une part, offrir un rendement raisonnable par rapport aux fonds propres investis et, d'autre part, couvrir les charges immobilières »). Voir aussi ZK‑Higi/Bühlmann/Wildisen, art. 269 CO N 38 ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 531 N 2.1.1 (« procurer au bailleur un revenu équitable, pas davantage »).

[61] Voir en particulier ATF 112 II 149 c. 2b (« Ce taux [de l'intérêt hypothécaire de premier rang] correspond en effet au revenu de placements de capitaux comparables à l'investissement immobilier, et une faible majoration peut être admise au regard du caractère de la législation, qui se limite à sanctionner les abus »). Dans ce sens également Stastny (n. 3), p. 20 ss, et les références citées.

[62] ATF 124 III 310 c. 2b ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_28/2020 du 13 janvier 2021 c. 4.

[64] ATF 147 III 14 c. 4.2. Le cas échéant, le Tribunal fédéral semble admettre la possibilité de déterminer la valeur de l'immeuble en se basant sur la capitalisation des loyers usuels. Voir ATF 122 III 257 c. 4; ATF 112 II 149 c. 3e ; Lachat/Stastny (n. 2), p. 548 N 5.6.

[65] ATF 147 III 14 c. 4.2 ; ATF 139 III 13 c. 3.1.2.

[66] Dans ce sens également SVIT-Rohrer, art. 269 CO N 13.

[67] Voir toutefois Richard (n. 47), p. 43 N 67 ; SVIT-Rohrer, Vorbemerkungen zu Art. 269‑270e N 21, qui estiment qu'on ne devrait jamais admettre une priorité du critère du rendement net (art. 269 CO) sur le critère des loyers usuels (art. 269a let. a CO).