plus fréquents[30],
sans qu'une raison ne semble l'expliquer. A Neuchâtel et dans le Jura,
ils sont notamment utilisés à la demande des patients qui
souhaitent ainsi soutenir leur motivation à diminuer ou arrêter
les consommations parallèles (cf. infra point IV). A l'évidence,
la consultation menée ne fournit qu'un aperçu à la
fiabilité restreinte ; malheureusement, sonder un échantillon représentatif de tous les centres et de tous les
médecins prescripteurs aurait nécessité des moyens trop
importants, tout particuliè mie de SARS-CoV-2 (Covid-19). C'est rement
en période de pandé pourquoi il est prévu de mener cet
approfondissement sur les deux prochaines années[31].
Le contraste relevé entre la théorie et la pratique et les
différences cantonales amènent à s'interroger sur les
mérites et les inconvénients de ces tests, tant en début de
TAO (point III) qu'en cours de traitement (point IV).
III. Les tests urinaires en début de TAO
Le TU initial[32] est
typiquement requis pour éviter de prescrire de la méthadone ou de
la buprénorphine à des personnes qui ne consomment pas (ou plus)
d'héroïne ou de dérivés opiacés[33]. Toutefois, le TU en
lui-même ne permet pas de savoir si la personne souffre d'un syndrome
de dépendance aux opioïdes, mais uniquement si elle a
consommé un opioïde - prescrit ou non - dans les jours
précédents[34].
Il ne permet pas non plus d'avoir une idée de la dose
consommée ni de la fréquence et ne fait évidemment pas de
différence quant à la forme de la consommation
(injectée, avalée, sniffée), ni si celle-ci était
éventuellement liée à une co-médication prescrite mais
détournée (par ex. opioïde pharmaceutique prescrit par un
autre médecin). Le TU ne se substitue donc en aucun cas à un
diagnostic clinique. Ce diagnostic requiert une anamnèse[35]; le professionnel de
la santé procédera également à un examen physique,
constatera éventuellement des traces d'injection, des signes de manque
ou d'intoxication aux opioïdes. Certains patients ont déjà
des dossiers médicaux détaillés issus des hospitalisations
ou des consultations antérieures, lesquels attestent sans doute
possible de consommations antérieures.
Quelle est alors la pertinence d'ajouter un TU lorsque la rencontre entre
le soignant et le patient aboutit, avec un haut degré de
fiabilité, à un diagnostic de dépendance aux opioïdes ?
Le danger que le test est censé écarter n'est pas clair, ce
d'autant plus que le TU peut être perçu comme intrusif, alors que
le risque d'une d'interruption précoce du traitement par le patient
est, lui, bien documenté par la littérature (de l'ordre de 20%
à plus de 65% selon les études[36]).
Les deux risques principaux pouvant être invoqués pour justifier
ce TU initial seraient que la personne débuterait un TAO afin
d'accéder à de la méthadone dans un but récréatif ou qu'elle entendrait détourner
la méthadone prescrite pour l'offrir ou la vendre à des tiers.
Ces deux risques sont à notre avis extrêmement faibles en Suisse,
compte tenu des contraintes auxquelles les patients doivent se plier en
début de TAO et de la facilité d'obtention de substances de toute
sorte sur le marché noir helvétique.
Ainsi, les modalités pratiques d'un TAO rendent hautement improbable
un but récréatif initial. Les exigences «
bureaucratiques » qui vont de pair avec un TAO n'incitent pas à commencer un usage « récréatif » de
méthadone par ce biais. En effet, pendant les premières semaines
ou mois de traitement, la personne en traitement est invitée à se
rendre auprès du centre ou de la pharmacie, chaque jour à heure
fixe, pour prendre l'opioïde prescrit (méthadone ou autre) sous
contrôle visuel. De telles modalités diminuent le plaisir
ordinairement associé aux consommations. Ensuite, la personne n'est
autorisée à emporter les doses que progressivement, une fois
achevée la période dite de stabilisation. Le temps consacré
au suivi du traitement peut restreindre leurs déplacements, leurs
opportunités professionnelles et même leur vie familiale. Dans
certains cantons, les patients sous TAO encourent le risque de devoir
rendre leur permis de conduire[37].
Enfin, ils doivent divulguer leur identité, y compris à
l'autorité publique cantonale.
Par ailleurs, une personne qui voudrait débuter un usage «
récréatif » d'opioïdes trouvera plus facile
d'acquérir au marché noir le produit de son choix, plutôt
que de tenter d'obtenir de la méthadone ou de la buprénorphine
via un TAO. Hormis son coût plus élevé et son risque - en
pratique assez faible[38] -
de sanctions pénales, la consommation occasionnelle de substances
« de rue » est moins contraignante. Par ailleurs, la
méthadone est certes une substance qui provoque une dépendance
physique, mais, du fait de sa longue demi-vie, elle n'est
généralement pas privilégiée dans un but
récréatif / non-médical. En effet, achetée sur le
marché noir, ce produit est plutôt utilisé pour gérer
en « auto-médication » les symptômes d'un manque
d'héroïne[39].
Enfin, aucun des professionnels et autorités[40] avec lesquels nous
avons discuté n'a fait état d'un TAO débuté
volontairement à des fins récréatives. La littérature
médicale suisse n'en fait pas état non plus.
Le deuxième risque, celui de détournement en faveur de tiers, est limité, tant que la
prise du TAO se fait sous surveillance. La personne qui aurait menti sur
l'existence d'une consommation d'héroïne devrait accepter de
vouloir prendre régulièrement, pendant la phase initiale de
stabilisation, de la méthadone ou de la buprénorphine dans le
but, à plus long terme, de pouvoir approvisionner des tiers. De
nouveau, il s'agit là d'un stratagème contraignant.
Un troisième objectif des TU, de nature bien distincte,
résiderait dans la protection du médecin : celui-ci craindrait un
procès en responsabilité s'il devait prescrire un TAO à une
personne qui n'en consommerait pas[41] - ou consommerait une
autre substance que - des opioïdes. Il arrive en effet que des
personnes pensent à tort consommer un opioïde, alors qu'il s'agit
par exemple d'une benzodiazépine. En administrant un TU au début
du traitement, le médecin écarte ce risque de débuter à
tort un TAO. Toutefois, ce genre d'erreurs du côté des
consommateurs est très rare. En toute hypothèse, le soignant
expérimenté se rend compte rapidement qu'une personne est en
réalité « naïve » d'opioïde. En effet, il
réalisera l'absence de symptômes de manque quand la personne se
présente pour la dose initiale de son traitement[42]. Si la première
dose est tout de même administrée, l'extrême somnolence
qu'elle induira obligera le soignant à modifier le traitement. Il est
par ailleurs souligné que la première dose du TAO est toujours
basse, en deçà du seuil dangereux chez une personne naïve
d'opioïdes (par ex. 20 à 30 mg pour la méthadone) ; il
s'agit justement de déterminer progressivement et en toute
sécurité ce dont la personne en traitement a besoin[43].
Finalement, les possibilités de falsification des TUs plaident en leur
défaveur. En effet, la fiabilité du résultat peut être
altérée de multiples manières, notamment en soumettant
l'urine d'un tiers, en ingérant ou rajoutant dans les urines des
substances faussant les résultats, en situant ou en planifiant les
consommations dans ou hors de la période de détection[44]. De nombreux sites
internet fournissent des conseils à cet égard[45]. Finalement, vouloir
prévenir certains des risques de falsification du TU en ordonnant la
prise d'urine sous contrôle visuel permanent implique une
atteinte significative à la sphère privée. De nouveau, le
risque est alors de décourager des personnes ayant réellement
besoin d'être soutenues, avec les conséquences sérieuses
pour la santé individuelle et publique que cela implique.
IV. Les tests urinaires en cours de TAO
A l'encontre des directives nationales de la Société Suisse de
Médecine de l'Addiction (SSMA) ou des directives internationales de
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)[46], et comme mis en
lumière par le Tableau ci-dessus, les TUs en cours de TAO demeurent
requis en Valais, et recommandés dans les cantons de Neuchâtel,
de Fribourg et du Jura. A ce stade, le but principal est de contrôler
si la personne poursuit un usage « récréatif » (hors
cadre médical) de substances opioïdes (ou autres) en
parallèle de son TAO.
La raison qui sous-tend ces contrôles repose largement sur le concept
traditionnel selon lequel le TAO viserait à remplacer ou substituer la
drogue de rue, principalement l'héroïne, par le médicament
contenant une substance analogue, la méthadone ou la
buprénorphine[47]. Dans cette optique,
le traitement serait réussi si la substitution est en quelque sorte
complète[48]; la
personne devrait devenir abstinente de toute autre substance que celle
prescrite[49].
Un TU négatif attesterait le succès recherché[50]. A l'inverse, en cas
de TU positif, des mesures correctives devraient alors être prises,
par exemple la remise du médicament dans un cadre plus strict. Dans
certains pays encore, la « correction » peut aller jusqu'à
l'exclusion du programme de TAO, puisque la personne en traitement
n'atteint pas l'objectif d'abstinence[51], l'exclusion devant la
« motiver » à mieux y revenir. Fort heureusement, à
notre connaissance, de telles pratiques n'existent plus en Suisse[52]. Au contraire,
l'exclusion du TAO en raison de consommations parallèles est
susceptible d'engager la responsabilité civile du médecin,
même des directives ou des conventions cantonales ambigües
subsistent (cf. la convention imposée par le canton du Valais)[53].
Selon la compréhension actuelle du TAO, l'abstinence - que ce soit
l'abstinence d'autres substances ou, à terme, la fin du TAO
lui-même - n'est plus considérée comme un but prioritaire[54]. Il est admis que les
meilleurs résultats, sur le plan clinique et social, sont obtenus si
la personne reste le plus longtemps possible sous traitement[55]. En effet, les
arrêts de traitement, même voulus par le patient, occasionnent
des rechutes qui peuvent être mortelles (overdoses) et qui
découragent la reprise assidue du TAO[56].
Un second motif sous-tendant des TUs périodiques serait de
déterminer, de manière indirecte, si la dose administrée de
méthadone ou de buprénorphine est suffisante. Dans cette logique,
un résultat positif du TU suggère une dose insuffisante et donc
à augmenter, puisque le patient continue justement à consommer
hors traitement médical. Les Guidelines de l'OFSP - certes anciennes -
recourent d'ailleurs à cet argument[57]. Toutefois, une
consommation parallèle d'opioïdes, en elle-même, ne permet
pas de déterminer la dose adéquate. Une personne peut souhaiter
poursuivre une consommation « récréative » de
substances illicites, que sa dose de TAO soit ou non suffisante. Par
ailleurs, il est bien plus adéquat de se renseigner directement
auprès de la personne en traitement pour savoir si elle est
(in)satisfaite du dosage de méthadone/buprénorphine prescrit.
De manière intéressante, un troisième objectif parfois
assigné au TU en cours de TAO est la motivation de la
personne en traitement[58]. En effet, certaines
personnes demandent à être testées pour « se
motiver » à ne pas consommer hors TAO, percevant le résultat
négatif du test comme une réussite, dont ils peuvent au demeurant
faire état. Ces personnes conviennent avec leurs soignants d'effectuer
des TUs, soit à intervalles prédéfinis, soit à
l'improviste. A cet égard, une étude de 2013 portant sur la
perception subjective des TUs par cent personnes recevant un TAO à
Neuchâtel a révélé que 58% de celles-ci pensaient que
les TUs doivent être poursuivis, 32% estimant qu'ils doivent être
diminués ou supprimés[59].
Un quatrième objectif du TU serait de faciliter la discussion avec le
soignant[60]. Sachant qu'un
tel test peut être effectué à l'improviste, la personne en
TAO serait incitée à annoncer spontanément ses
consommations, puisque cette annonce la dispense du TU. Ceci favoriserait
un dialogue productif entre soignant et soigné, dialogue pouvant
déboucher sur une adaptation des modalités du traitement,
notamment en fournissant un soutien psycho-social plus ciblé.
A ces deux avantages invoqués, on peut opposer différents
inconvénients. D'abord, si la personne perçoit le résultat
négatif du TU comme signe de victoire, elle risque de perdre sa
motivation en cas de rechute mise en lumière par le test positif.
L'outil est donc à double tranchant. En mettant l'accent sur un
paramètre qui n'est pas réellement prioritaire, on communique le
mauvais message : un TAO réussi est forcément le TAO d'une
personne qui présente un TU négatif. Les médecins
addictologues insistent pourtant pour souligner que les mérites du TAO
sont d'abord d'assurer le meilleur état de santé physique et
psychique du patient, ainsi que sa (ré)intégration sociale et
professionnelle[61].
Ensuite, la discussion avec l'équipe soignante devrait être
conçue d'emblée de manière franche, sans risque de sanctions
via le TU. Dans le cas contraire, si la personne sait qu'elle risque de
subir un test, elle hésitera à respecter ses rendez-vous
lorsqu'elle a consommé auparavant[62]; de même, elle
taira aux médecins les problèmes associés à sa
consommation (par ex. une infection) - ou simplement elle falsifiera le
test. Le dialogue en ressort biaisé[63].
Enfin, si l'équipe soignante tient vraiment à savoir si la
personne consomme en dehors du TAO, elle dispose d'autres moyens pour
être renseignée. En particulier, elle peut, avec l'accord du
patient, établir une relation avec le pharmacien qui remet le
traitement[64]. Celui-ci
recevant régulièrement (au moins une fois par semaine pendant des
mois ou des années) la personne, il la connaît et discute avec
elle ; il est donc à même d'indiquer à l'équipe les
éventuels problèmes constatés lors de la visite (par ex.
état d'agitation inhabituel). Par l'intermédiaire du pharmacien,
l'équipe soignante assure un suivi beaucoup plus rapproché que
des TU à intervalles même mensuels. Il en va de même et a fortiori pour les centres spécialisés qui remettent
eux-mêmes les traitements[65].
V. Aspects d'éthique médicale
Du point de vue éthique, s'il est imposé, le test repose
sur une logique de menace : « si tu rates ton test, gare à toi
». Le principe de bienfaisance veut que l'intérêt
à la santé physique et psychique de la personne soit au centre
des préoccupations des soignants[66]. Or, l'exclusion,
l'interruption du TAO ou toute mesure décourageant son suivi
régulier n'est clairement pas dans l'intérêt de la personne
en traitement. Elle n'est d'ailleurs pas non plus dans l'intérêt
de l'entourage du patient ou dans l'intérêt de la
société. Sous l'angle du principe d'autonomie, la
personne doit pouvoir décider comment « structurer » son TAO[67]: un TU imposé
contre sa volonté ou sous la menace d'un refus de traitement[68] viole le droit à
décider librement, dont elle dispose malgré sa dépendance[69]. Sous l'angle de la justice, le TU imposé révèle une approche
discriminatoire à l'égard d'un groupe de personnes déjà
fortement stigmatisé.
Ethiquement, le traitement des addictions doit reposer sur une relation
thérapeutique coopérative (principe d'autonomie),
compréhensive (principe de bienveillance) et ouverte (principe de
justice). La personne doit pouvoir faire confiance à son
équipe soignante[70].
Les résultats, à court comme à long terme, sont bien
meilleurs si la personne peut s'ouvrir et discuter franchement des
difficultés rencontrées. Si elle sait qu'elle ne risque rien en
disant la vérité, elle n'a aucune raison de dissimuler ses
consommations parallèles ; au contraire, elle sait qu'elle peut ainsi
obtenir l'aide dont elle a éventuellement besoin.
Si le test est présenté comme un outil motivationnel, encore
faudrait-il que cet effet supposé soit démontré par la
recherche clinique. Les revues des connaissances les plus récentes
à ce sujet n'apportent aucun élément tangible[71]. En d'autres termes,
rien ne prouve que les personnes régulièrement testées
restent plus longtemps en traitement et/ou deviennent plus vite abstinentes
et/ou se portent mieux. De surcroît, nous pensons qu'une approche
motivationnelle d'emblée basée sur un paramètre non
pertinent tel l'abandon de toute consommation parallèle risque
d'être contre-productive pour les personnes ayant besoin d'un soutien
à long terme.
On verrait très mal dans d'autres contextes médicaux, par exemple
la prise de traitement à long terme contre le diabète ou le
cholestérol, qu'on menace le patient pour l'amener à un meilleur
engagement (adhérence). Il est donc surprenant qu'on le fasse ici,
alors que, comme déjà répété, la population en
cause est vulnérable et particulièrement encline à se
détourner des professionnels de la santé - avec la menace pour la
santé individuelle et publique qui va de pair[72].
VI. Aspects
juridiques
Nous avons choisi d'aborder les aspects juridiques seulement après avoir examiné les arguments médicaux et
éthiques pour et contre les TUs. En effet, pour peser les
intérêts qui interviennent dans l'appréciation des
conditions de l'art. 36 Cst., il
faut pouvoir s'appuyer sur les savoirs de la médecine, voire des
autres disciplines associées (pharmacie, sociologie, éthique). En
d'autres termes, les chapitres précédents ont fourni la substance
à même de servir de base à la présente conclusion
juridique.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a considéré,
en lien avec l'art. 8 CEDH,
qu'« une intervention médicale forcée, même mineure, en
l'espèce l'obligation faite à un détenu de se soumettre
à une analyse d'urine, est une atteinte au droit au respect de la vie
privée »[73].
Dès lors, les TUs imposés par l'autorité publique - comme c'est le cas dans le Valais -
constituent, à notre avis, des restrictions à la vie privée
protégée par l'art. 13 al. 1 Cst.[74], voire à la
liberté personnelle (droit à la liberté de choix) garantie
par l'art. 10 al. 2 Cst.[75]. L'intégrité
psychique des patients est également atteinte, ces tests pouvant
être considérés comme des « intrusions dans l'espace
psychique du patient ayant pour effet de contourner sa volonté
individuelle »[76]. En
effet, à la différence des analyses réalisées dans le
cadre d'autres traitements médicaux, les TUs servent ici à
vérifier que le patient n'a pas menti à son médecin.
Les tests imposés par l'autorité ne remplissent pas les
conditions de l'art. 36 Cst. pour
admettre une restriction aux droits fondamentaux. Ils ne respectent donc
pas non plus les principes de l'activité de l'Etat consacrés
à l'art. 5 Cst.
(légalité, intérêt public et proportionnalité).
D'abord, l'obligation de se soumettre à ces tests figure dans des
directives, c'est-à-dire des ordonnances administratives qui n'ont pas
valeur de loi, même au sens matériel[77]. Ensuite, à notre
avis, quel que soit le but qu'on assigne au TAO, les tests urinaires ne
constituent pas l'outil adéquat pour l'atteindre. En particulier,
comme détaillé aux chapitres III et IV, les TUs ne sont pas une
mesure apte à encourager l'abandon de consommations
parallèles ou la limitation de la revente de substances au marché
noir[78]. Ainsi, le recours
à ces tests apparaît de toute façon contraire au principe de proportionnalité[79].
En outre, les TUs imposés par l'autorité ou par les médecins, par
exemple par le biais des contrats thérapeutiques que le patient est
obligé de signer, soulèvent la question de laliberté du consentement de la personne en traitement[80]. L'exigence d'un tel
consentement libre et éclairé découle de l'art. 10 al. 2 Cst. dans les
relations régies par le droit public. En droit privé, le
fondement se trouve à l'art. 28 CC (protection de la
personnalité)[81] et
à l'art. 398 CO qui impose au
médecin un devoir de diligence[82]. Dans le cas des TUs,
si une menace est émise pour exiger un TU, qu'elle concerne le refus
d'entamer un TAO ou l'altération du cadre de remise, le consentement
du patient ne saurait à notre avis être qualifié delibre[83]. En effet, le patient n'a pas l'option d'être
soigné ailleurs (autre institution/autre médecin) sans TU. On
peut comparer avec l'hypothèse (fictive) d'un patient diabétique
qui se verrait obligé, s'il veut être soigné, de porter un
bracelet mesurant ses exercices physiques ; ou d'un témoin de
Jéhovah qui serait contraint d'accepter une transfusion sanguine,
quand bien même l'opération est médicalement faisable sans[84]. En résumé,
en l'absence de consentement valable, imposer un test - qui de
surcroît n'est pas médicalement indispensable - constitue une atteinte illicite à la
personnalité[85].
Enfin, la diversité des pratiques cantonales mise à jour ici nuit
à la cohérence du système, puisque les
justifications médicales et éthiques des TAO devraient être
les mêmes dans chaque canton. Cependant, à teneur des directives
cantonales, une personne en traitement à Genève voit son
intimité protégée, tandis qu'une autre dans le Valais doit
tolérer des atteintes par le biais de tests aléatoires[86]. On conçoit mal
qu'un contexte culturel propre à un canton puisse fonder des
différences d'approches aussi marquées.
VII. Nos recommandations
Nous sommes d'avis que les TUs reflètent une vision paternaliste de la
médecine à l'égard de personnes perçues comme
réfractaires à l'autorité médicale et sociale.
L'expérience clinique tout comme la recherche suggèrent que cette
approche historique n'aboutit pas - dans la plupart des cas - aux
résultats escomptés. Peu probants sur le plan scientifique,
douteux sur le plan éthique et non-conformes au droit supérieur,
les TUs devraient tout simplement être abandonnés dans le
contexte des TAO. D'ailleurs, les recommandations internationales les plus
récentes ne les mentionnent plus[87].
Nous préconisons que les références au TUs soient
supprimées des directives cantonales et des « contrats
thérapeutiques » imposés aux personnes en traitement. En
début de traitement, le médecin qui aurait des doutes sur la
réalité d'une consommation préexistante d'opioïdes doit
demeurer libre de demander ce test diagnostic, à l'instar de n'importe
quel examen diagnostic utile à la prise en charge de la personne qu'il
soigne. En cours de traitement, ce n'est que si le patient en fait la
demande que le TU peut être introduit selon les modalités qui lui
conviennent, tout en lui précisant les limites de ce test en tant
qu'outil motivationnel. Dans les deux cas, il s'agit d'une option à
disposition, et non d'une obligation. Les directives cantonales devraient
confirmer qu'une consommation parallèle peut toujours être
annoncée spontanément sans aucun risque pour la personne en
traitement, ni aucune conséquence négative sur son TAO.
Il est temps que le droit et les pratiques s'adaptent aux connaissances
médicales et éthiques les plus récentes en matière
d'addictions, quand bien même ce sujet demeure sensible compte tenu
des nombreux préjugés qui subsistent[88].
[2]
Sur les définitions : Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime, World Drug Report 2020, fascicule 3, p. 91.
[6]
Nous utilisons ici pour l'unique fois le terme « drogues
». Par la suite, nous privilégions le terme plus neutre
« substances sous contrôle ».
[7]
Les tests urinaires destinés à détecter des
substances soumises à contrôle sont également
utilisés dans d'autres contextes, notamment scolaire,
professionnel, routier, judiciaire, voire assécurologique, en
particulier en matière d'assurance invalidité. Nous
n'abordons pas ces aspects. Voir toutefois Olivier Simon,
Refus du dépistage urinaire ou salivaire des drogues
à l'école : la position de la SSAM,
Revue Médicale Suisse 2008, p. 1172 ss. ; Préposé
fédéral à la protection des données,
Rapport sur les tests de dépistage de la consommation de
drogues durant l'apprentissage,
2001 ; Els Jackson et al.,
Does random drug and alcohol testing prevent injuries in
workers ?,
Cochrane Database of Systematic Reviews 2020 ; Valérie Junod
et al.,
Rente AI et addiction : du mieux ?,
Bulletin des médecins suisses 2020, p. 913 ss., et l'
art. 55 al. 2 de la loi fédérale
du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR ; RS 741.01).
[8]
Jasmine McEachern et al.,
Lacking evidence for the association between frequent urine
drug screening and health outcomes of persons on opioid agonist
therapy,
International Journal of Drug Policy 2019, p. 30 ss. ; Bhanu
Prakash Kolla, Utility of urine Drug Testing in Outpatient
Addiction Evaluations, Journal of Addiction Medicine 2019, p. 188
ss. ; Julie Dupouy et al.,
Does urine drug abuse screening help for managing patients? A
systematic review,
Drug and Alcohol Dependance 2014, p. 11 ss. ; Alan D. Kaye et
al.,
Ethical Perspectives on Urine Drug Screening for Pain
Physicians,
Pain Physician 2014, p. e561 ss. ; Gary M. Reisfield / Karen J.
Maschke, Urine Drug Testing in Long-term Opioid Therapy-Ethical
Considerations, The Clinical Journal of Pain 2014, p. 680 ss. ;
Carmen Aceijas,
The Ethics in Substitution Treatment and Harm Reduction - An
Analytical Review,
Public Health Reviews 2012, p. 6.
[9]
Art. 10 al. 2
et
13 al. 1 de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse
(Cst. ; RS 101). Dans une
étude effectuée en 2013 par Dr Marie-Claude Blaser et Dr
Anne Pelet, environ 30% des personnes en traitement sondées
à Neuchâtel (au total 100) ont déclaré
s'être senties parfois ou souvent gênées, mal à
l'aise ou fâchées en raison des TUs. L'étude a
été présentée à la 13ème
journée d'addictologie du 20 mars 2014 des HUG. Au regard du
présent article, une des limites de cette étude est
qu'elle n'interroge que les personnes qui poursuivent leur
TAO, et non pas celles qui auraient arrêté leur
traitement ou auraient renoncé à se faire traiter,
précisément en raison des exigences intrusives en
matière de TU. Elle ne concerne en outre qu'un canton et un
nombre limité de patients.
[10]
Dans le cadre du projet de recherche cité dans la page du
titre à la note de base de page, nous avons mené des
entretiens avec tous les Médecins et Pharmaciens cantonaux de
cette région pour comprendre leur pratique. L'analyse de la
réglementation et de la pratique administrative en Suisse
alémanique et au Tessin fait l'objet de recherches et
d'entretiens qui seront complétées d'ici fin 2022.
[12]
Les articles à l'étranger abordent les TU sous l'angle
médical, mais non pour apprécier leur conformité au
droit. Voir les références citées à la n. 8 et
11.
[13]
Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances
psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup ; RS 812.121).
[15]
Voir par ex. : Daniel Z. Buchman / Anita Ho, What's trust got to do
with it? Revisiting opioid contracts, Journal of Medical Ethics
2013, p. 673 ss.
[16]
Même s'ils sont appelés « contrats », on peut
sérieusement douter de la qualification, dès lors que la
personne qui souhaite accéder au traitement (et en a
médicalement besoin) n'a ni le choix de les refuser ni celui
de les modifier. En d'autres termes, lorsque le canton impose leur
usage, la personne doit les signer si elle entend être
traitée. Notre groupe de recherche FNS publiera prochainement
son analyse de ces contrats.
[17]
Le contrat est imposé dans les cantons de Fribourg et du
Valais et recommandé dans le canton du Jura et à
Neuchâtel. Cf. Etat de Fribourg (FR),
Directives sur les traitements basés sur la substitution
(TBS) en cas de dépendance aux opiacés (traitement
des toxicomanes avec des stupéfiants),
21 août 2018, point 22 ; Canton du Valais (VS),
Directives du département de la santé, des affaires
sociales et de la culture - Traitements de substitution pour
personnes dépendantes d'opiacés,
7 janvier 2016, point b ; République et Canton du Jura (JU),
Directives du médecin cantonal sur les traitements
basés sur la substitution (TBS) avec méthadone,
buprénorphine ou autres opioïdes en cas de
dépendance aux opiacés,
mai 2013, point 5 ; République et Canton de Neuchâtel
(NE),
Recommandations du médecin cantonal concernant la
prescription de stupéfiants destinés au traitement de
personnes dépendantes,
version 2017, point 3.2.
[18]
A Genève, Prof. Barbara Broers pour l'Unité des
dépendances des HUG, ainsi que Dr Anne François, Dr Eric
Bierens de Haan et Dr Jacques Lederrey pour le suivi en pratique
privée ; dans le canton de Vaud : Dr Olivier Simon du service
de médecine des addictions du CHUV ; à Neuchâtel :
Dr Anne Pelet pour la pratique privée ; à Fribourg, un
médecin pratiquant dans un centre spécialisé du
canton ;dans le Jura Dr Raluca Brazdes Tapin du centre
médico-psychologique pour adultes ; en Valais Dr François
Pilet pour la pratique privée.
[19]
A chaque fois avec notre mise en évidence.
[21]
État de Vaud (VD), Projet de Directives du Médecin
cantonal concernant la prescription, la dispensation et
l'administration des médicaments soumis à la
législation sur les stupéfiants destinés à la
prise en charge de personnes présentant un syndrome de
dépendance, projet du 17 mai 2021, p. 7. Au moment de la
soumission de cet article, la directive n'était pas encore
publiée.
[30]
Les pratiques cantonales sont encore différentes s'agissant de
personnes en traitement déjà depuis des années
auprès du même médecin, par rapport à celles
qui débutent le TAO et que le médecin connaît encore
peu.
[31]
Dans le cadre de notre projet FNS, une soixantaine d'entretiens
avec un échantillon plus représentatif des médecins
suisses sera mené et devrait permettre de mieux comprendre la
situation et les raisons du (non/)recours aux TUs.
[32]
Chaque test diagnostic coûte une vingtaine de francs. Cf. par
ex : site du laboratoire Viollier, Drogues, screening (urine).
Au prix du test, s'ajoutent les honoraires - nettement plus
élevés - du soignant ou du centre qui s'est occupé
de gérer le prélèvement.
[34]
Suivant l'importance de la consommation, l'héroïne se
détecte entre 24-48 heures pour une consommation
légère et jusqu'à cinq jours pour une consommation
importante.
[35]
Le professionnel de la santé cherchera à connaître
l'histoire de la personne qui consulte : quand celui-ci a
consommé, dans quel contexte, pour quelles raisons, à
quel rythme, avec quels effets, avec quelles tentatives de
traitement, et avec quelles motivations et quels autres
problèmes de santé somatique ou psychiatrique, quels
facteurs de crises, quel réseau de soutien préexistant.
[37]
Art. 15d al. 1 LCR
; Groupe d'experts Sécurité routière,
Guide aptitude à la conduite,
27 novembre 2020, p. 14 ; Arrêt du Tribunal
fédéral 1C_593/2012 du 28 mars
2013 c. 3.3 ; par ex. en Argovie :
Richtlinien zur betäubungsmittelgestützten
Substitutionsbehandlung bei Opioidabhängigkeit,
septembre 2019. Cf. également Cédric Mizel, La preuve
de l'aptitude à la conduite et les motifs autorisant une
expertise, Circulation routière 2019, p. 27 ss. ou Melissa
Vetsch et al.,
Aptitude au volant : comment ne pas perdre les pédales?,
Revue Médicale Suisse 2014, p. 1746 ss.
[38]
L'Office fédéral de la statistique (OFS) recense 3'322
infractions de consommation de stupéfiants impliquant de
l'héroïne enregistrées par la police, pour toute la
Suisse et sur une année (2020). OFS, Loi sur les
stupéfiants : Infractions de consommation par substance et
répartition des substances consommées pour l'année
2020, 15 février 2021. Ces infractions ne débouchent pas
toutes sur une condamnation. A titre de comparaison, une étude
d'Addiction Suisse, de l'UNIL et du CHUV estime entre 1'327 et
2'808 le nombre d'épisodes de consommation
d'héroïne, chaque jour, uniquement dans le canton de
Vaud. Frank Zobel et al.,
Le marché des stupéfiants dans le canton de Vaud :
Les opioïdes,
2017, p. 55.
[40]
Nous avons mené des entretiens avec les Médecins
cantonaux et Pharmaciens cantonaux des six cantons romands.
[41]
Evidemment, la personne qui a délibérément menti
à son médecin afin d'obtenir un stupéfiant ne peut
ensuite invoquer la responsabilité civile (voire pénale)
de celui-ci, à supposer que l'administration dudit
stupéfiant nuise ensuite à sa santé. En effet, elle
a consenti à - et même provoqué - la lésion.
[43]
SSAM (n. 20), p. 42 ss.
[46]
Les directives de la SSAM et de l'OMS recommandent ou mentionnent
les TUs comme option, mais uniquement en phase
d'induction. SSAM (n. 20), p. 41 ; OMS (n. 33), p. 24.
[48]
Dans ce sens pourtant (!), mais dans le cadre spécifique des
conditions d'accès au traitement à base de
diacétylmorphine : SSAM (n. 19), p. 27, affirmation d'ailleurs
tempérée à la p. 5.
[50]
Pour des exemples d'utilisation des TUs pour évaluer le
succès d'un traitement : Dennis M. Donovan et al.,
Primary outcome indices in illicit drug dependence treatment
research : systematic approach to selection and measurement of
drug use end‐points in clinical trials,
Addiction 2012, p. 694 ss. ; Mary Ann Chutuape,
Effects of urine testing frequency on outcome in a methadone
take-home contingency program,
Drug and Alcohol Dependance 2001, p. 69 ss. ; American Society of
addiction Medicine (ASAM),
Appropriate Use of Drug Testing in Clinical Addiction Medicine,
Consensus Statement, 5 avril 2017, p. 5.
[52]
Du moins selon les réponses des personnes interrogées
citées à la n. 18.
[53]
Il n'est pas exclu que les patients craignent l'exclusion en cas
d'écart. En outre, des autorités judiciaires ou
administratives (notamment en matière de circulation
routière et de protection de l'enfance) s'appuient sur cette
ambiguïté pour solliciter la communication des
résultats des TUs. L'ambiguïté des directives
occasionne des erreurs récurrentes tant du côté des
médecins que des autorités.
[54]
SSAM (n. 20), p. 5 ; OMS (n. 33), p. 28 ; WHO/UNODC/UNAIDS,
Position paper - Substitution maintenance therapy in the
management of opioid dependence and HIV/AIDS prevention, 2004, p. 8. Les articles 6 let. e et 8 al. 1 let. d OAStup
mentionnent l'abstinence parmi d'autres objectifs des traitements
de la dépendance ; l'OFSP précise ce but « n'occupe
pas le premier plan ». OFSP, commentaire relatif à
l'ordonnance sur le contrôle des stupéfiants (OCStup) et
à l'OAStup, 2010, p. 28. Gustav Hug-Beeli,
Betäubungsmittelgesetz (BetmG) : Kommentar zum Bundesgesetz
über die Betäubungsmittel und die psychotropen Stoffe vom
3. Oktober 1951, Bâle 2016, art. 3e N 13 estime néanmoins
que l'abstinence constitue l'objectif final à atteindre. Pour
une critique de tout objectif d'abstinence ancré dans la loi :
Commission fédérale pour les questions liées aux
addictions (CFLA),
La LStup a dix ans, Une analyse de la CFLA,
septembre 2019, p. 11.
[55]
SSAM (n. 20), p. 4 et 12 ; OFSP (n. 54), p. 27 ; OMS (n. 33), p. 28 et 37 ;
WHO/UNODC/UNAIDS(n. 54), p. 9.
[56]
SSAM (n. 20), p. 82 ; OMS (n. 33), p. 15 ; WHO/UNODC/UNAIDS (n.
54), p. 9.
[57]
OFSP (n. 47), p. 12.
[59]
Présentation susmentionnée de Dr Marie Claude Blaser et
Dr Anne Pelet, dont les limitations ont été exposées
(n. 9).
[61]
SSAM (n. 20), p. 11.
[62]
Dans l'étude réalisée sur les personnes en
traitement à Neuchâtel, 87 % des patients ont
déclaré que, dans le passé, les TUs les poussaient
parfois à manquer leur rendez-vous. Voir n. 9 et 59.
[65]
Le site Praticien Addiction Suisse contient une page avec toutes les
étapes réalisées par pharmacien lors de la remise
d'un TAO. L'étape « Sécurité de la remise des
TAO » indique « la remise d'un TAO en officine
nécessite une attention particulière, liée au profil
de risque des substances administrées et des
caractéristiques particulières de la patientèle
».
[66]
En général : Tom L. Beauchamp / James F. Childress,
Principles of Medical Ethics, 8ème ed., New York
2019, p. 217 ; en matière de TAO : Aceijas (n. 8), p. 6.
[67]
Beauchamp/Childress (n. 66), p. 99 ; Aceijas (n. 8), p. 6.
[68]
Pour rappel, la personne qui refuse de signer le contrat
thérapeutique que lui soumet le médecin se voit refuser
l'accès au traitement. Voir n. 16.
[69]
Susanne Uusitalo / Yvette van der Eijk, Scientific and conceptual
flaws of coercive treatment models in addiction, Journal of Medical
Ethics 2016, p. 18 ss. ; Bennett Foddy / Julian Savulescu,
Addiction and autonomy : can addicted people consent to the
prescription of their drug of addiction, Bioethics 2006, p. 1 ss.
[70]
Buchman/Ho (n. 15), p. 674.
[71]
McEachern et al. (n. 8), p. 30 ss. ; Jin et al. (n. 11), p. 2252 ;
Dupouy et al. (n. 8). Une étude française en cours
(identifiant ClinicalTrials.gov : NCT02345655) s'intéresse
à l'impact des TUs dans la prise de décisions des
médecins en addictologie. L'étude citée en n. 9 et
59 souffre de plusieurs limitations (voir n. 9).
[73]
Arrêt de la CEDH 21132/93 du 6 avril 1994
(Peters c/ Pays-Bas) sur la recevabilité de la requête.
En revanche, sous l'angle de l'art. 3 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales
du 4 novembre 1950 (CEDH ; SR 0.101) sur les
traitements cruels ou inhumains, la Cour estime qu' « exiger
d'un détenu qu'il fournisse un échantillon d'urine en
présence d'un surveillant n'atteint pas le minimum de
gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain
ou dégradant ». Id. Plus récemment, un test urinaire
réalisé au moyen d'un cathéter a cependant
été considéré par la CEDH comme une violation
de l'art. 3 CEDH.
Arrêt de la CEDH 65290/14 du 2 juillet 2019
(R.S. c. Hongrie).
[74]
Voir aussi : Maya Hertig Randall / Julien Marquis, in :
Martenet/Dubey (édit.), Commentaire Romand, Constitution
fédérale, Bâle 2021, art. 10 N 38 (cit.
CR-Cst.-auteure).
[75]
« Cette disposition protège l'individu, dans l'exercice
de sa faculté d'apprécier une situation de fait
déterminée et d'agir selon cette appréciation».
Yves Donzallaz, Traité de droit médical - Volume I,
L'État, le médecin, les soignants et le patient : entre
droit, éthique et règles de l'art, Berne 2021, p. 586.
Dans un arrêt du 4 janvier 1983, le
Tribunal fédéral a rejeté la qualification
d'ingérence grave à la liberté personnelle
s'agissant de l'injonction de remettre un échantillon d'urine
(ZBl 1984, p. 46). Toutefois, cet arrêt ancien ne précise
pas si la prise d'urine s'effectuait sous ou sans contrôle
visuel.
[76]
CR-Cst.-Hertig Randall/Marquis, art. 10 N 40. Voir ATF 109 Ia 273 c. 7 ;
Arrêt du Tribunal fédéral 6B_708/2009 du 14
décembre 2009 c. 1.6 et Arrêt du Tribunal
fédéral 6B_586/2008 du 22
août 2008 c. 2 en matière de détecteurs de
mensonges.
[77]
Thierry Tanquerel, Manuel de droit administratif, Zurich 2018, N
477.
[79]
Sur cette notion, voir par ex. : Jacques Dubey, in :
Martenet/Dubey (édit.), Commentaire Romand, Constitution
fédérale, Bâle 2021, art. 36 N 116 ff.
[80]
Voir à ce sujet ; Olivier Guillod avec la collaboration de
Frédéric Erard, Droit médical, Bâle 2020,
chapitre 8.
[83]
Arrêt du Tribunal fédéral 4P.265/2002 du 28 avril
2003 c. 5.2 : « Le consentement éclairé du patient
doit être donné librement, et pour être valable, il
ne doit être entaché ni de tromperies (mensonges du
médecin), ni de pressions, et encore moins de menaces ».
[84]
Cf. par ex. Arrêt de la CEDH 302/02 du 10 juin 2010
(Jéhovah Witnesses of Moscow and others v. Russia), c. 136
(«
The freedom [..] to select an alternative form of treatment, is
vital to the principles of self-determination and personal
autonomy.
») ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2017 du 7 mars 2018
c. 2.6 dans lequel le témoin de Jéhovah s'est vu proposer
un traitement dans une autre institution, sans transfusion,
arrêt commenté par Dario Picecchi, Bundesgericht,
Strafrechtliche Abteilung, Urteil 6B_730/2017 vom 7. März
2018, A. gegen Generalstaatsanwaltschaft des Kantons Bern, PJA
2018, p. 753. Voir également Conseil d'Ethique Clinique des
HUG, Avis consultatif du Conseil d'Ethique Clinique (CEC) sur la
question du refus des transfusions de sang par les membres de
l'Association des Témoins de Jéhovah (ATJ), 2004 (et les
nombreuses références que cet avis cite).
[85]
Les conventions entre les patients et les médecins, dans
lesquels les personnes en traitement s'engagent, en tout temps,
à accepter des tests urinaires, peuvent d'ailleurs, à
notre avis, être considérés comme des engagements
excessifs au sens de l'art. 27 al. 2 du Code civile suisse
du 10 décembre 1907 (CC ; SR 210), dépourvus
d'effets juridiques. Sur les engagements excessifs en matière
médicale, cf. Guillod (n. 80), N 359.
[86]
Les questions que nous avons posées aux médecins
s'agissant de leur pratique de TUs ne nous permettent pas de
généraliser et donc de pouvoir affirmer que les tests
seraient plus systématiques ou plus stricts dans certains
cantons. Il semblerait toutefois que dans les cantons de
Genève et de Vaud, ils soient peu utilisés (n. 18).
[87]
Groupe Pompidou-Conseil de l'Europe (n. 5).