Le nouveau droit suisse de la prescription

Présentation et analyse critique au regard des objectifs visés

Blaise Carron

Cette contribution offre à la fois une présentation du nouveau droit suisse de la prescription entrant en vigueur le 1er janvier 2020, et une analyse critique de celui-ci au regard des buts poursuivis lors de la révision. La première section de l’article identifie les objectifs visés par les auteurs du projet législatif et par le parlement (I.). La deuxième section décrit les principaux aspects de la révision dans la partie générale du Code des obligations, en particulier les nouveautés concernant la fixation (durée et point de départ) des délais, les causes de prolongation et le droit transitoire (II.). La troisième et dernière section propose une analyse critique du texte révisé à l’aune des objectifs identifiés (III.).

Citation: Blaise Carron, Le nouveau droit suisse de la prescription, dans: sui-generis 2019, S. 318

URL: sui-generis.ch/112

DOI: https://doi.org/10.21257/sg.112


I. Introduction

La prescription est un droit formateur qui, après l'écoulement d'un certain délai, permet au débiteur de paralyser le droit d'action du créancier[1]. Si le débiteur refuse d'exécuter la créance en faisant valoir à juste titre l'exception de prescription et s'il allègue et prouve cela correctement en cours de procédure, une demande en justice ayant pour objet la créance prescrite doit être rejetée[2]. La créance subsiste certes, mais sans pouvoir être protégée dans le cadre d'une action, faute d'intérêt reconnu par le droit[3].

La prescription vise plusieurs finalités[4]. Elle sert d'abord des intérêts publics, en particulier la sécurité du droit, la clarté et la paix juridique[5]. Elle protège ensuite l'intérêt privé du débiteur qui peut, après l'écoulement d'un certain temps, dormir sur ses deux oreilles sans crainte de devoir exécuter une obligation ou conserver des preuves pour se défendre[6]. La prescription incite enfin le créancier à exiger sa prestation dans un délai raisonnable[7].

Le nouveau droit de la prescription a connu une gestation législative longue et mouvementée. Il trouve sa source dans plusieurs initiatives parlementaires et une motion[8]. Se fondant sur une première esquisse établie par l'OFJ, le CF a d'abord adopté et mis en consultation un avant-projet en 2011[9]. Ayant pris acte des résultats de cette démarche, le CF a ensuite chargé le DFJP d'élaborer un message, qui a été soumis au Parlement en 2013, accompagné d'un projet de modification du CO[10]. Enfin, le Parlement s'est saisi du dossier dès 2014, non sans avoir dû tenir compte en cours de route d'un arrêt de la CourEDH: il s'agit de l'affaire Moor, qui a entraîné la condamnation de la Suisse parce que les délais de prescription du CO ont limité l'accès du créancier à un tribunal à un tel point que cela a constitué une violation de l'art. 6 § 1 CEDH[11].

La révision du droit de la prescription entrera en vigueur le 1er janvier 2020[12], après avoir été adoptée par le Parlement fédéral le 15 juin 2018[13].

II. Objectifs de la révision

Selon le CF, la révision vise trois buts principaux: l'harmonisation du droit de la prescription (1.), l'allongement des délais (2.) et l'élimination des incertitudes dans l'ancien droit (3.)[14]. On peut également déceler d'autres objectifs (4.).

1. Harmonisation du droit de la prescription

L'ancien droit se caractérise par son hétérogénéité, tant pour la durée des délais que pour leur point de départ. Les régimes diffèrent selon le fondement - contrat, responsabilité civile, enrichissement illégitime - de la créance. S'y ajoutent plusieurs règles spécifiques dans le Code civil, le Code des obligations ainsi que des lois spéciales.

Alors que l'Avant-Projet visait encore une unification en introduisant un double délai - relatif de trois ans et objectif de dix ou trente ans - applicable à toutes les créances de droit privé[15], le nouveau droit a abandonné ce but ambitieux pour se contenter d'une harmonisation[16].

2. Allongement des délais de prescription

Une des critiques principales de l'ancien droit concernait la trop courte durée des délais. Les nouvelles règles visent donc un allongement, qui repose tant sur une comparaison avec les régimes juridiques étrangers[17] que sur la volonté de résoudre les problèmes posés par l'interprétation de l'ancien droit en lien avec les dommages différés, situation qui a notamment donné lieu à la condamnation de la Suisse par la CourEDH (N 3). Par dommage différé, on entend un préjudice qui n'apparaît que de nombreuses années après le fait qui l'a causé[18], de telle sorte que les créances peuvent se prescrire avant même que la victime ait conscience de l'existence du dommage et puisse ne serait-ce qu'envisager d'interrompre la prescription.

L'allongement des délais concerne tant le délai absolu en cas de préjudice corporel (N 18 ss) que les délais relatifs des actions découlant d'un acte illicite (N 22 ss) ou d'un enrichissement illégitime (N 24)[19]. On peut y rattacher l'effet du délai de prescription extraordinaire relatif aux créances découlant d'un acte punissable (N 22).

3. Élimination des défauts et des incertitudes de l'ancien droit

L'ancien droit se distingue par une série de défauts et d'incertitudes[20]. Celles-ci découlent de lacunes ou d'imprécisions de la loi (p.ex. l'art. 60 al. 2 CO, N 47), de jurisprudences ne réglant que partiellement une question (p.ex. l'ATF 133 III 6 qui a donné lieu au nouvel art. 139 CO, N 25 et 47), voire de controverses doctrinales (p.ex. la portée de l'interruption de la prescription pour les débiteurs solidaires de l'art. 136 al. 1 CO, N 33 et 47).

La révision a pour but de favoriser la sécurité juridique et la clarté du régime légal en supprimant ces incertitudes et ces défauts[21].

4. Autres objectifs

La révision poursuit d'autres objectifs, tant généraux que spécifiques. Dans la première catégorie, on trouve la volonté d'assurer une transition efficace entre l'ancien et le nouveau droit au moyen de l'art. 49 Tf Code civil; dans la seconde, la volonté de garantir la compatibilité du droit suisse avec les exigences de l'art. 6 CEDH, explicitées notamment par la CourEDH dans l'arrêt Moor (N 3)[22].

III. Principaux aspects de la révision

La révision concerne principalement la fixation de nouveaux délais (1.), c'est-à-dire la durée et/ou leur point de départ, les causes de prolongation (2.) et le régime transitoire (3.).

1. Fixation de nouveaux délais

Après quelques généralités sur les délais de la partie générale (a.), nous aborderons successivement les modifications de l'art. 60 al. 1bis et 128a CO (b.), de l'art. 60 CO (c.), de l'art. 67 CO (d.), de l'art. 139 CO (e.) et des délais spéciaux (f.).

a) Généralités concernant les délais de la partie générale

Plusieurs délais de la partie générale du droit des obligations voient leur durée modifiée. La révision allonge d'abord les délais relatifs extracontractuels (art. 60 al. 1 et art. 67 al. 1 CO). Le législateur introduit ensuite un régime unifié pour les créances en indemnisation des préjudices corporels, aux art. 60 al. 1bis et 128a CO. Ces deux dispositions prévoient désormais un double délai: relatif de trois ans et absolu de vingt ans. Enfin, le Parlement a adopté un nouvel art. 139 CO pour régler la prescription de l'action récursoire, sans que le Projet n'y fît allusion.

En revanche, le délai général de dix ans de l'art. 127 CO ne change pas. Il en va de même pour le délai spécial de cinq ans de l'art. 128 CO, malgré le fait que le Projet consacrait son abrogation[23]. Le régime général de la prescription contractuelle demeure donc partiellement hétérogène.

Quant au point de départ général, il reste inchangé: la prescription court dès que la créance est exigible (art. 130 al. 1 CO), c'est-à-dire dès que le créancier a le droit d'exiger la prestation du débiteur[24]. En revanche, le nouveau droit précise le point de départ des délais particuliers figurant aux art. 60 al. 1, 1bis et 2, ainsi qu'à l'art. 128a CO.

b) Art. 60 al. 1bis et 128a CO: nouveau régime en cas de préjudice corporel

Le nouveau droit de la prescription introduit un régime harmonisé pour les créances en réparation d'un préjudice corporel, quel que soit leur fondement. Ce parallélisme concerne tant la durée des délais que leur point de départ[25].

Pour les créances extracontractuelles, l'art. 60 al. 1bis CO contient un délai relatif de trois ans et un délai absolu de vingt ans. Le système du double délai (relatif et absolu), déjà connu en responsabilité civile, subsiste, mais le législateur rallonge la durée, pour tenir compte notamment des dommages différés[26].

Pour les créances contractuelles et en vertu du parallélisme voulu avec l'art. 60 al. 1bis CO, l'art. 128a CO introduit un délai relatif de trois ans et un délai absolu de vingt ans. Cette nouveauté modifie profondément le système, dans la mesure où le double délai était inconnu en droit des contrats[27]. En dépit d'une note marginale anodine ne mentionnant que «vingt ans», l'art. 128a CO fait donc figure de véritable révolution.

Le nouveau droit précise le point de départ à deux égards. D'une part, le délai relatif débute lorsque le lésé a connaissance de «la personne tenue à réparation». Cette modification permet d'accorder le texte français aux versions allemande et italienne en supprimant la mention imprécise de l'«auteur». D'autre part, l'ajout de l'expression «ou a cessé» codifie la jurisprudence[28], pour tenir compte des actes dommageables survenant de manière répétée ou consistant en une action se prolongeant dans le temps.

c) Art. 60 CO: prolongation des délais et précision du point de départ

Le nouveau droit modifie triplement la durée de la prescription de l'art. 60 CO:

  1. Le délai relatif passe d'un à troisans (al. 1 et 1bis).
  2. La révision introduit un nouveau délai absolu devingt ans en cas de préjudice corporel (al. 1bis). Pour les préjudices non corporels, le délai absolu reste dix ans.
  3. Le délai extraordinaire de prescription civile d'une créance découlant d'un acte pénalement punissable est enrichie d'une précision indiquant que, si la prescription de l'action pénale ne court plus parce qu'un jugement pénal de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt trois ans à compter de la notification dudit jugement (al. 2). En revanche, si aucun jugement pénal n'est rendu (p.ex. en l'absence d'une procédure pénale ouverte), l'action civile se prescrit au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale (qui n'est lui-même plus interruptible depuis 2002[29])[30].

S'agissant du point de départ des délais, il faut distinguer trois hypothèses:

  1. Le point de départ du délai relatif de trois ans (art. 60 al. 1 CO) exige une connaissance de la «personne tenue à réparation». La jurisprudence actuelle demeurera applicable: le lésé devra donc avoir en outre une connaissance effective de son préjudice propre à fonder et à motiver une action en justice[31].
  2. Les délais absolus de dix ans (art. 60 al. 1 CO) etde vingt ans (art. 60 al. 1bis CO) commencent à courir lorsque le «fait dommageable s'est produit ou a cessé»[32].
  3. Lorsque le délai de trois ans de l'art. 60 al. 2 CO est applicable en cas d'acte punissable (N 22 i.f.), il débute lors de la notification de ce jugement.

d) Art. 67 CO: prolongation du délai relatif

Le délai relatif de l'art. 67 al. 1 CO passe d'un à trois ans, comme pour l'art. 60 CO (N 22).

e) Art. 139 CO: délais de l'action récursoire

L'art. 139 CO est une règle spéciale s'appliquant à la prescription des créances récursoires en cas de solidarité parfaite et imparfaite[33]. Il s'agit d'un nouveau délai de trois ans courant à compter du jour où le débiteur a indemnisé le créancier et où il connaît l'identité du codébiteur. A notre sens, le devoir d'avis aux coobligés imposé au débiteur recherché par la jurisprudence[34] devrait subsister, même si le législateur n'a pas jugé opportun de le faire figurer dans le texte légal[35].

f) Délais spéciaux

Outre les modifications de la partie générale, la révision concerne certaines dispositions de la partie spéciale du CO, du CC ou de lois spéciales[36].

Pour ces dispositions, la révision évite principalement des contradictions et harmonise ces dispositions avec celles de la partie générale du CO, tout en respectant les éventuelles spécificités[37]. Par exemple, le législateur a renoncé à modifier l'art. 46 LCA en raison de la révision en cours du contrat d'assurance[38], de même que les art. 9 et 10 LRFP car le législateur historique voulait avoir un texte compatible avec le droit européen[39].

2. Causes de prolongation des délais

La révision a entraîné des modifications pour chacune des trois causes de prolongation: la suspension (a.), l'interruption (b.) et la renonciation (c.).

a) Art. 134 CO: nouveaux motifs de suspension

L'art. 134 CO contient une liste exhaustive des motifs de suspension[40]. La révision y apporte une précision (ch. 6) et deux ajouts (ch. 7 et 8).

L'art. 134 al. 1 ch. 6 CO voit sa formulation modifiée à deux points de vue.

  1. La suppression du mot «suisse» s'explique par l'évolution du droit national et international, qui permet un accès facilité aux tribunaux étrangers[41]. Sous le nouveau droit, un créancier ne pourra invoquer ce motif de suspension que s'il n'a accès à aucun tribunal suisse ou international. En faisant ce choix, le législateur était conscient des éventuelles difficultés du créancier pour mettre en œuvre ses droits à l'étranger, mais il a toutefois considéré qu'elles étaient surmontables[42].
  2. L'ajout de l'expression «pour des raisons objectives» codifie d'une part la jurisprudence. Par le passé, le TF a en effet précisé que cette disposition n'est invocable que dans la mesure où le créancier ne peut pas faire valoir ses droits pour des motifs objectifs, indépendants de sa volonté[43], p.ex. si le débiteur est sans domicile fixe en Suisse et ses actifs sont impossibles à localiser en Suisse ou à l'étranger[44]. D'autre part, la nouvelle formulation de l'art. 134 al. 1 ch. 6 CO rejette indirectement la critique d'une partie de la doctrine, qui souhaitait étendre l'interprétation de cette disposition à d'autres situations[45].

L'art. 134 al. 1 ch. 7 CO introduit un nouveau motif de suspension pendant l'inventaire de la succession. Cette disposition correspond à l'ancien art. 586 al. 2 CC, qui est abrogé.

L'art. 134 al. 1 ch. 8 CO prévoit une suspension du délai en cas de tentative de règlement extrajudiciaire des litiges. Il s'agit d'un motif présentant la particularité de ne dépendre que de la volonté des parties[46]. La loi exige une convention écrite. A notre sens, il suffit que l'accord écrit prévoie que les parties tentent de résoudre leur litige de façon extrajudiciaire, sans qu'il soit nécessaire que l'effet suspensif de prescription figure expressément dans la convention[47].

b) Art. 136 CO: précision des effets de l'interruption pour les co-obligés

Les art. 135 ss CO traitent de l'interruption de la prescription. La révision touche à deux points de vue l'art. 136 CO, qui régit les effets de l'interruption à l'égard des coobligés.

  1. L'ajout de l'expression «si l'interruption découle d'un acte du créancier» précise la portée des alinéas 1 et 2: l'interruption contre un débiteur ne produit des effets, à l'égard des autres coobligés (débiteurs solidaires[48] ou collectifs, caution) que si elle découle d'un acte du créancier. On pense notamment à une requête en conciliation ou un commandement de payer (art. 138 al. 1 et 2 CO). En revanche, si l'interruption découle d'une reconnaissance de dette au sens de l'art. 135 ch. 1 CO en provenance d'un des coobligés, elle ne vaudra que pour celui-ci[49].
  2. L'art. 136 al. 4 CO, qui fait écho à l'art. 141 al. 4 CO, précise que l'interruption contre l'assureur vaut contre le débiteur[50], et que l'inverse est également vrai dans la mesure où il existe un droit d'action direct. Cette disposition généralise une règle se trouvant dans plusieurs dispositions spéciales que la révision abroge[51].

c) Art. 141 CO: nouvelles modalités de la renonciation à soulever l'exception de prescription

Selon le Message, l'art. 141 CO constitue avant tout une codification de la jurisprudence du TF[52]. Par exemple, une renonciation vaut également si le délai de prescription est déjà échu[53]. Les principales modifications sont les suivantes:

  1. Le législateur précise le titre marginal, délaissant l'expression «renonciation à la prescription» pour la remplacer par «renonciation à soulever l'exception de prescription».
  2. La durée maximale de la renonciation est expressément limitée à «dix ans au plus» (art. 141 al. 1 CO)[54]. Tout dépassement est réduit à la limite autorisée[55]. L'expression «à chaque fois» démontre que la durée maximale ne vaut que pour une renonciation en question et que cette disposition n'interdit pas son renouvellement[56].
  3. La révision codifie le moment à partir duquel le débiteur peut renoncer: c'est «à compter du début du délai» (art. 141 al. 1 CO) et pas déjà lors de la conclusion du contrat[57].
  4. La renonciation doit revêtir la forme écrite (art. 141 Ibis 1e phr. CO, qui renvoie aux art. 13 ss CO). Cette nouveauté s'explique par «intérêt de la sécurité juridique et pour des questions de preuve»[58].
  5. Le nouvel art. 141 al. 1bis 2e phr. concerne les conditions générales: celui à l'origine de leur intégration - le plus souvent leur auteur - ne pourra pas y prévoir, de façon standardisée, que le cocontractant renonce à soulever l'exception de prescription[59].
  6. La révision prévoit désormais l'opposabilité de la renonciation du débiteur contre l'assureur et inversement, s'il existe un droit d'action direct contre ce dernier. On souligne le parallélisme entre cette disposition et l'art. 136 al. 4 CO, consacré à l'interruption de la prescription (N 33).

3. Droit transitoire: art. 49 Tf CC

Le nouveau droit entre en vigueur le 1er janvier 2020. L'art. 49 Tf CC contient le nouveau régime transitoire[60].

L'art. 49 al. 1 Tf CC prévoit d'une part que le champ d'application temporel du nouveau droit s'étend aux délais encore en cours selon l'ancien droit au 1er janvier 2020, à savoir: pour les délais relatifs des art. 60 al. 1 et 67 al. 1 CO, ceux qui ont commencé à courir entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019; pour les délais absolus des art. 60 al. 1 et al. 1bis CO, ceux qui ont commencé à courir entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019; pour les délais de l'art. 127 CO qui tombent dorénavant sous le coup de l'art. 128a CO, ceux qui ont commencé à courir entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019.

L'art. 49 al. 1 Tf CC précise que, pour les délais énoncés ci-dessus, le nouveau droit s'applique s'il prévoit des délais de prescription plus longs que l'ancien droit. A l'inverse, l'art. 49 al. 2 Tf CC dispose que l'ancien droit continue à s'appliquer si la novelle prévoit des délais plus courts. La combinaison de ces deux alinéas impose de distinguer diverses hypothèses, en particulier lorsque l'art. 128a CO s'applique en cas de préjudices corporels[61].

Il faut déduire de l'art. 49 al. 3 Tf CC que le temps déjà écoulé avant l'entrée en vigueur du nouveau droit doit être pris en compte et que le délai, même s'il est soumis au nouveau droit, ne recommence pas à courir le 1er janvier 2020. La détermination du point de départ reste donc soumise à l'ancien droit.

Pour les questions ne concernant ni le point de départ ni la durée (telles que les nouveaux motifs de suspension, d'interruption, la renonciation ou le droit transitoire), le nouveau droit est applicable, mais uniquement pour la période suivant son entrée en vigueur et non rétroactivement, indépendamment du moment où la prescription a commencé à courir (art. 49 al. 4 Tf CC). Par exemple, les déclarations de renonciation à invoquer l'exception de prescription valablement faites sous l'ancien droit demeureront opérantes après l'entrée en vigueur de la révision, mais devront respecter la forme écrite si elles sont renouvelées.

IV. Analyse critique au regard des objectifs visés

Après avoir identifié les buts visés par la révision (N 5 ss) et présenté les principaux aspects de celle-ci (N 13 ss), la troisième partie comprend une analyse critique. Il s'agit d'apprécier si, effectivement, le nouveau droit conduit à une harmonisation du droit de la prescription (1.), entraîne un allongement des délais (2.), élimine les défauts et les incertitudes de l'ancien droit (3.) et permet d'atteindre les autres objectifs identifiés (4.).

1. Harmonisation du droit de la prescription

A titre liminaire, rappelons que l'on est passé d'une volonté d'unification à celle, moins ambitieuse, d'harmonisation (N 7). On peut donc observer une dilution de l'objectif initial, en particulier entre l'Avant-Projet et le Projet. Nous cautionnons toutefois le fait que l'unification du droit ne doit pas être une fin en soi, en particulier lorsque les inconvénients d'une telle ambition l'emportent sur ses avantages.

Plusieurs aspects de la révision illustrent l'harmonisation plus poussée du droit de la prescription:

  1. Instauration d'un régime général unique en cas de préjudice corporel . Dorénavant, un double délai - relatif de trois ans et absolu de vingt ans - s'applique quel que soit le fondement, contractuel ou extracontractuel, de la créance (art. 128a et art. 60 al. 1bis CO; N 18 ss). Cette harmonisation reste néanmoins partielle (N 43). En outre, vouloir traiter de façon identique toutes les créances découlant d'un préjudice corporel nous semble relever plus d'une posture axiomatique que d'une réflexion pertinente[62], alors que le CF se défend pourtant de faire de l'unification un but en soi[63].
  2. Suppression des spécificités contenues dans certaines lois spéciales. Le législateur a sacrifié plusieurs régimes spécifiques au profit de règles cohérentes avec celles de la Partie générale. Il a même été plus loin en introduisant parfois des renvois dynamiques aux dispositions du CO. Par exemple, en matière de circulation routière, l'art. 83 al. 1 LCR contient dorénavant un renvoi plus large aux dispositions du CO sur les actes illicites[64]. En outre, l'art. 83 al. 2 LCR est supprimé, car l'art. 136 al. 4 CO apporte une réponse générale à cette question. L'art. 83 al. 3 LCR harmonise enfin la durée du délai de l'action récursoire, qui passe de deux à trois ans (cf. art. 139 CO; N 25). Autre exemple: dans le domaine de l'approvisionnement du pays, les créances de la Confédération en restitution d'une aide accordée ou en paiement d'une peine conventionnelle connaissaient un double délai relatif d'un an et absolu de cinq ans. Ce régime est aboli et le nouveau droit reprend la formulation de l'art. 60 al. 1 et 2 CO, y compris les durées du délai relatif (3 ans) et du délai absolu (dix ans; art. 44 al. 1 LAP).

En dépit de ces avancées, nous regrettons que la révision n'achève que si partiellement l'objectif d'harmonisation. Ce manque d'ambition porte atteinte à la sécurité du droit et à la clarté juridique, en particulier dans les domaines suivants:

  1. Unification (trop) partielle du régime en cas de préjudice corporel . Si les dispositions de la partie générale sont unifiées (art. 60 al. 1bis et 128a CO; N 42), la révision ne concerne pas la prescription des créances découlant de la garantie pour les défauts dans le contrat de vente (art. 210 CO) et d'entreprise (art. 371 CO)[65], qui prévoient des délais d'une durée de deux ou cinq ans. Or, la garantie pour les défauts permet aussi d'obtenir la réparation d'un préjudice corporel au titre de dommage consécutif au défaut[66]. Si le législateur avait voulu être parfaitement cohérent[67], il aurait dû harmoniser ces délais également[68].
  2. Nouvelle division des délais contractuels. La volonté du législateur d'harmoniser d'un côté les délais applicables aux actions en réparation d'un préjudice corporel (N 42), entraîne de l'autre une nouvelle division regrettable des délais contractuels. En effet, sous l'ancien droit, l'ensemble des créances contractuelles se prescrivent en vertu d'un délai simple de dix ans (art. 127 CO) ou de cinq ans (art. 128 CO), tandis que la révision introduit le double délai (relatif de trois ans et absolu de vingt ans) de l'art. 128a CO pour les créances découlant de préjudices corporels. Cette complexification - en particulier l'introduction d'un délai relatif jusqu'alors totalement inconnu de la responsabilité contractuelle - crée, de notre point de vue, des difficultés plus importantes que celles résultant, sous l'ancien droit, de l'absence de régime unifié pour les créances découlant d'un préjudice corporel[69].
  3. Hétérogénéité maintenue de la durée des délais contractuels . Le Parlement a refusé d'abolir la durée extraordinaire de cinq ans pour les créances mentionnées à l'art. 128 CO (N 16)[70]. Comme le CF[71], nous considérons que l'évolution de la société ne justifie plus ce régime, source d'incertitudes et de confusions[72]. La jurisprudence du TF, qui limite la portée de l'art. 128 CO en l'interprétant de façon étroite, confirme notre point de vue[73]. Les arguments des parlementaires - notamment le fait qu'il n'y a «pas lieu de compliquer ce qui a l'air certes compliqué sur le papier, mais que la pratique a fini par rendre simple en s'en accommodant»[74] - ne convainquent pas: il est par exemple tout sauf évident de déterminer si une créance découle du travail d'un artisan ou non (art. 128 ch. 3 CO) ou d'expliquer à un justiciable pourquoi les créances d'un travailleur se prescrivent par cinq ans alors que celles de son employeur sont soumises à un délai décennal. Adopter une durée harmonisée aurait certes nécessité à court terme un effort d'information de la population mais, à long terme, aurait favorisé la clarté et la sécurité du droit.

2. Allongement des délais de prescription

Le nouveau droit provoque un allongement des délais de prescription. Le délai relatif applicable aux créances fondées sur un acte illicite (art. 60 al. 1 et 1bis CO) ou en restitution d'un enrichissement illégitime (art. 67 al. 1 CO) augmente d'un à trois ans (N 19, 22 et 24). Le délai de prescription absolu passe de dix à vingt ans en cas de préjudice corporel (N 19 s.). Enfin, si le débiteur d'une créance a provoqué le préjudice en commettant un acte pénalement punissable, la prescription civile est acquise au plus tôt lorsqu'intervient la prescription de l'action pénale; si ce délai ne court plus parce qu'un jugement pénal de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt trois ans à compter de la notification du jugement (N 22).

De manière générale, l'allongement des délais emporte notre approbation, notamment parce qu'il tient compte de la tendance observée tant dans les législations étrangères des pays limitrophes que des projets d'harmonisation au niveau européen ou du droit international (N 8). L'instauration de délais plus longs ne devrait en outre ni entraîner des difficultés insurmontables en lien avec la conservation des preuves, ni porter atteinte à la sécurité juridique.

En revanche, nous formulons les deux réserves suivantes:

  1. Réduction possible de la durée de certains délais. Il est erroné de dire que tous les délais ont été rallongés, au minimum maintenus. En effet, le nouvel art. 128a CO introduit un nouveau délai relatif de trois ans qui raccourcit singulièrement le temps à disposition du créancier pour interrompre la prescription, lorsque celui-ci a rapidement connaissance du dommage et de la personne tenue à réparation. Ce choix législatif détériore significativement la situation de la victime d'un préjudice corporel. A notre avis, le législateur a minimisé à tort le problème en parlant d'un cas exceptionnel et d'une solution équitable et justifiée en raison du nouveau point de départ relatif[75]. En effet, en vertu de l'ancien droit, la créance de la victime se prescrit par dix ans, indépendamment du fait qu'elle ait connaissance ou non du préjudice. Or, selon le nouveau droit, si elle a rapidement connaissance du dommage, elle ne dispose que de trois ans. A cela s'ajoute le fait que les préjudices non corporels continuent de se prescrire par dix ans, en vertu de l'art. 127 CO. La victime d'un préjudice corporel risque donc d'être désavantagée par rapport à la personne qui subit une atteinte non corporelle, à moins qu'elle ne découvre son dommage ainsi que la personne tenue à réparation entre dix et vingt ans après la survenance du dommage[76].
  2. Absence de solution satisfaisante pour les dommages différés. Le traitement adéquat des créances en cas de dommages différés constituait un des buts principaux de la révision (N 8). Cette question a motivé l'adoption de la motion 07.3763 et a entraîné la condamnation de la Suisse par la CourEDH dans l'affaire Moor (N 3). Or cet objectif n'est pas atteint[77]. Tant la nouvelle durée du délai absolu (vingt ans) que la fixation du point de départ de ce délai risquent d'empêcher les futures victimes de dommages différés de bénéficier d'un procès équitable tel que défini par l'art. 6 § 1 CEDH[78]. La CourEDH a d'ailleurs critiqué le processus suisse de révision de la prescription en disant «que le projet […] suisse ne prévoit aucune solution équitable - ne serait-ce qu'à titre transitoire, sous la forme d'un 'délai de grâce' - au problème»[79]. En raison de l'allongement insuffisant des délais, une nouvelle condamnation de la Suisse pour violation du droit à un procès équitable n'est donc pas exclue[80].

3. Elimination des défauts et incertitudes de l'ancien droit

La révision a permis de corriger ou de préciser l'ancien droit à plusieurs reprises et de supprimer certains défauts ou imprécisions[81]. Voici, de notre point de vue, les aspects méritant une mention particulière:

  1. Clarification du délai (civil) extraordinaire de prescription des actions découlant d'un acte punissable (art. 60 al. 2 CO). La nouvelle formulation vise à éliminer les incertitudes de l'ancien droit[82]. Le législateur a clarifié le régime, en distinguant selon qu'un jugement pénal de première instance est rendu ou non (N 22)[83]. En outre, l'art. 60 al. 2 CO vaut tant pour le délai relatif qu'absolu, ce qu'établit l'ajout de l'expression «au plus tôt»[84]. Enfin, le nouveau texte («nonobstant les alinéas précédents») souligne que le délai de prescription de l'art. 60 al. 2 CO - qui échoit au plus tôt en même temps que le délai pénal (qui n'est lui-même plus interruptible depuis 2002[85]) - court parallèlement, et donc indépendamment des délais des alinéas 1 et 1bis. Cela signifie qu'une interruption de ces derniers déclenche un nouveau délai de durée en principe égale à leur durée initiale, conformément à l'art. 137 CO[86] et qu'en fin de compte, on retiendra le délai qui échoit le plus tardivement.
  2. Précision quant à l'auteur de l'acte entraînant l'interruption de la prescription envers des coobligés (autre débiteur solidaire ou collectif, caution; art. 136 CO). Les ajouts législatifs tranchent une controverse doctrinale[87], en précisant que seul un acte du créancier - à l'exclusion de celui d'un débiteur - interrompt la prescription pour les coobligés (N 33)[88].
  3. Suppression d'une lacune pour la prescription de l'action récursoire (art. 139 CO). Cette disposition, introduite en cours de débat parlementaire[89], comble une lacune légale en clarifiant le délai de prescription applicable à l'action récursoire (N 25)[90]. D'une part, elle généralise une jurisprudence du Tribunal fédéral[91]. D'autre part, elle l'adapte: l'action récursoire ne semble plus soumise à un délai absolu[92], contrairement à ce que prévoyait l'ATF 133 III 6[93]. Quant au devoir d'avis imposé au créancier récursoire à l'égard d'un coresponsable par la jurisprudence en vertu des règles de la bonne foi[94], il devrait subsister, même si le législateur n'a pas jugé opportun de le faire figurer à l'art. 139 CO en raison de la difficulté à fixer concrètement un délai légal[95].
  4. Clarification de la renonciation à soulever l'exception de prescription (art. 141 CO). La nouvelle formulation codifie en grande partie les questions tranchées dans l'ATF 132 III 226, en particulier la durée maximale de la renonciation, fixée à dix ans (N 34). Le nouveau titre marginal précise aussi la terminologie (renonciation à soulever l'exception de prescription). L'art. 141 CO clarifie enfin comment on peut renoncer (al. 1bis: «par écrit»).

Les corrections et précisions effectuées lors de la révision législative sont pour la plupart bienvenues; elles ne parviennent toutefois pas à satisfaire pleinement le juriste exigeant. En effet, la novelle contient encore plusieurs scories (ce qui est compréhensible), voire ajoute des défauts et crée des zones d'incertitude supplémentaires (ce qui l'est moins):

  1. Incertitudes relatives au maintien de l'art. 128 CO. Alors que le Message mettait de manière convaincante en garde contre les difficultés provoquées par le délai contractuel extraordinaire de cinq ans et proposait logiquement l'abrogation de ce régime, le Parlement a maintenu l'art. 128 CO pour des motifs juridiquement peu pertinents (N 43).
  2. Défauts du nouvel art. 128a CO. L'introduction de l'art. 128a CO nous paraît problématique à plusieurs égards. Outre le fait que cette disposition contredit partiellement l'objectif d'harmonisation en introduisant un nouveau type de délai (relatif) dans la prescription contractuelle (N 43) et n'allonge pas suffisamment les délais (N 46 s.), elle est lacunaire et défectueuse d'un point de vue légistique. En effet, son titre marginal («3. Vingt ans») ne mentionne que le délai absolu. Taire l'existence du délai relatif de trois ans, dont les effets pour le créancier sont parfois bien plus incisifs que le délai absolu, est regrettable[96].
  3. Incertitudes relatives au nouvel art. 134 ch. 8 CO. Selon cette disposition (N 32), l'empêchement ou la suspension de la prescription vaut «pendant les discussions en vue d'une transaction, pendant une médiation ou pendant toute autre procédure extrajudiciaire visant la résolution d'un litige». Si les parties abandonnent leurs efforts pour régler le litige à l'amiable, le délai (re)commence à courir, quand bien même l'accord écrit ne le prévoit pas[97]. Il peut donc y avoir une incertitude quant à la date exacte de la fin de la suspension. Certes, le Message prévoit que les parties devraient indiquer précisément les dates exactes du début et de la fin de l'empêchement ou de la suspension[98]. A notre sens toutefois, la convention écrite est valable même sans cette précision ; il suffit qu'elle mentionne la résolution extrajudiciaire du litige. En raison de cette incertitude, l'art. 134 ch. 8 CO pourrait demeurer lettre morte et on pourrait continuer à lui préférer l'institution de la renonciation à soulever l'exception de prescription (N 34)[99].
  4. Efforts inachevés de regrouper tous les motifs d'empêchement et de suspension à l'art. 134 CO . En dépit de l'effort louable de vouloir rassembler dans une seule disposition tous les motifs d'empêchement et de suspension[100], le succès n'est que partiel. Si le contenu de l'art. 586 al. 2 CC (abrogé par la révision) a dorénavant sa place dans l'art. 134 al. 1 ch. 7 CO (N 31), il n'en demeure pas moins que ce n'est pas le cas pour d'autres, p.ex. l'art. 1166 al. 3 CO (suspension de la prescription en faveur des créanciers d'un emprunt par obligations pendant la durée du sursis).
  5. Incertitudes relatives à l'art. 141 CO. Alors que, selon le Message, l'ambition de l'art. 141 CO est de concrétiser l'ATF 132 III 226, il s'en distingue sur un point essentiel: le moment à partir duquel le débiteur peut renoncer à invoquer l'exception (N 34). Le choix du «début du délai de prescription» est surprenant dans la mesure où, d'autres points de départ se laissent déterminer plus simplement[101]. En outre, le texte légal est source d'incertitudes car il ne précise pas, en cas de double délai, si c'est le début du délai relatif ou absolu qui est pertinent[102]. L'art. 141 al. 1bis in fine CO introduit enfin une règle particulière pour les conditions générales, à la portée ambiguë: si on ne peut pas renoncer à invoquer l'exception de prescription avant le début du délai, on ne devrait plus trouver de telles clauses dans des conditions générales, car celles-ci sont intégrées lors de la conclusion du contrat, soit avant le début du délai de prescription[103].
  6. Autres incertitudes ou défauts non supprimés par la révision. Premièrement, le législateur aurait pu corriger le champ d'application de l'art. 60 al. 1 CO dans la version française: il aurait été judicieux de ne plus parler d'«action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale», mais de reprendre la formulation allemande qui évoque un «Anspruch auf Schadenersatz oder Genutuung»[104]. En effet, d'une part, ce n'est pas l'action mais la créance (ou la prétention) qui se prescrit[105]. D'autre part, il n'y a pas que la somme d'argent mais aussi les autres modes de réparation du tort moral qui doivent être soumis à la prescription de l'art. 60 al. 1 CO[106]. Cette critique vaut également pour la formulation du nouvel art. 128a CO.
  7. Deuxièmement, la révision insiste sur l'utilisation de l'expression «renonciation à soulever l'exception de prescription», au lieu de «renonciation à la prescription». Cela explique d'ailleurs la modification du titre marginal de l'art. 141 CO (N 34). Outre le fait que la pertinence de cette précision est relative dans la mesure où le TF a déjà dit que les deux expressions avaient la même valeur en dépit de la discussion dogmatique à ce sujet[107], il nous paraît regrettable que, d'une part, le Message insiste sur cette précision, tout en continuant d'autre part de parler de «renonciation à la prescription» à de nombreuses reprises[108].

4. Transition efficace de l'ancien au nouveau droit

Nos développements précédents (N 35 ss) tendent à démontrer que le droit transitoire répond aux exigences de sécurité juridique et de préservation de la confiance des justiciables[109].

Le système retenu à l'art. 49 Tf CC a le mérite d'être efficace. D'abord, le nouveau droit ne s'applique pas aux délais déjà échus au 1er janvier 2020, même s'ils ne le seraient pas encore sous le nouveau droit (art. 49 al. 1 i.f. Tf CC). Ensuite, le nouveau droit ne concerne pas le point de départ des délais en cours (art. 49 al. 3 Tf CC, qui réserve les dispositions contraires), mais règle - uniquement pour la période suivant son entrée en vigueur et non rétroactivement - les autres aspects de la prescription (art. 49 al. 4 Tf CC). Enfin, pour la durée des délais en cours, on applique la solution la plus favorable au créancier, c'est-à-dire la version qui prévoit le délai le plus long (art. 49 al. 1 et 2 Tf CC).



[1] ATF 133 III 6, consid. 5.3.4 et réf. contenues.

[2] ATF 137 III 16, consid. 2. Eg. Gauch Peter/Schluep Walter R./Emmenegger Susan, Obligationenrecht, vol. II, 10e éd., Zurich et al. 2014, N 3269 (cité: Gauch/Schluep/Emmenegger, Obligationenrecht); Pichonnaz Pascal, CR-CO I, art. 127 à 142 CO in: Thévenoz Luc/Werro Franz (édit.), Commentaire romand, Code des obligations I, 2e éd., Genève/Bâle/Munich 2012, art. 127 N 1 (cité: Pichonnaz, CR-CO I).

[3] ATF 133 III 6, consid. 5.3.4, qui dit qu'elle subsiste en tant qu'obligation naturelle ou imparfaite.

[4] Message du 29 novembre 2013 relatif à la modification du Code des obligations (FF 2014 221), p. 225 et réf. contenues (cité: Message).

[5] ATF 137 III 16, consid. 2.1, JdT 2013 II 315; ATF 90 II 428, consid. 8, JdT 1965 I 243.

[6] Dans ce sens, BO 2014 N 1780, Schwaab.

[7] ATF 137 III 16, consid. 2.1, JdT 2013 II 315.

[8] Cf. Initiative parlementaire 06.404 («Délais de prescription en matière de responsabilité civile»), présentée le 15 mars 2006; initiative parlementaire 06.473 («Victimes de l'amiante. Combler les lacunes dans la législation actuelle»), présentée le 6 octobre 2006; motion de la Commission des affaires juridiques du CN 07.3763 («Délais de prescription en matière de responsabilité civile»), présentée le 11 octobre 2007 et adoptée par le CN le 12 mars 2008 (BO 2008 N 230 s.) et par le CE le 2 juin 2008 (BO 2008 E 365).

[9] Message (n. 4), p. 229.

[10] Message (n. 4), p. 221 ss; Projet de loi relatif à la modification du Code des obligations, (FF 2014 273) p. 273 ss (cité: Projet de loi).

[11] Arrêt de la CEDH 52067/10 et 41072/11 du 11 mars 2014 (Howald Moor c. Suisse), N 7 ss.

[12] RO 2018 5343, p. 5347, qui précise que le délai référendaire, échu le 4 octobre 2018, est resté inutilisé.

[13] Message du 1er juin 2018 (FF 2018 3855), qui reproduit le texte final soumis au vote du CN et du CE.

[14] Message (n. 4), p. 227.

[15] Message (n. 4), p. 229.

[16] Critique à ce sujet, BO 2014 N 1766 , Markwalder.

[17] Pour une présentation de l'analyse comparative, réalisée par l'Office fédéral de la justice, concernant les délais en Allemagne, France, Angleterre et Danemark, cf. Message (n. 4), p. 232 ss.

[18] Message (n. 4), p. 222.

[20] Message (n. 4), p. 222 («[…] pour concentrer la révision sur l'élimination des défauts et des points incertains du droit actuel.»), ég. p. 230, 232.

[21] Message (n. 4), p. 227; BO 2014 N 1766, Markwalder.

[22] BO 2014 N 1761, von Graffendried; BO 2014 N 1767, Barrazone; BO 2014 N 1771, Sommaruga.

[23] Message (n. 4), p. 230; BO 2014 N 1783, Sommaruga.

[24] Gauch/Schluep/Emmenegger, Obligationenrecht (n. 2), N 3308.

[25] Message (n. 4), p. 243 s.

[26] Message (n. 4), p. 237.

[27] Message (n. 4), p. 244.

[28] ATF 127 III 257, consid. 2b/bb, JdT 2002 I 249; ATF 109 II 418, consid. 3, JdT 1984 I 630; ATF 92 II 1, consid. 5b. Eg. Moser Nicola, Verjährungsfristen der vertraglichen und ausservertraglichen Haftung, in: Krauskopf Frédéric (édit.), Die Verjährung - Antworten auf brennende Fragen zum alten und neuen Verjährungsrecht, Zurich 2018, p. 17 ss, p. 44 (cité: Moser, Verjährungsfristen).

[29] Message (n. 4), p. 240.

[30] On rappelle que, pour que l'art. 60 al. 2 CO s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur soit puni ou puisse l'être ou, pour les délits poursuivis sur plainte uniquement, qu'une plainte ait été déposée (Message [n. 4], p. 241 et réf. contenues).

[31] ATF 131 III 61, consid. 3.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_135/2017 du 23 novembre 2017, consid. 5.

[32] A ce sujet, cf. supra N 21.

[33] BO 2014 N 1788. Eg. Fornage Anne-Christine/ Fournier Jacques, Coobligés, action récursoire et prescription; avec des illustrations en droit de la construction, in: Bohnet François/Dupont Anne-Sylvie (édit.), Le nouveau droit de la prescription, Neuchâtel 2019, p. 129 ss, N 48 s. (cité: Fornage/Fournier, Coobligés et action récursoire). Eg. BO 2014 N 1788, avec l'exemple choisi par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et les précisions du rapporteur francophone de la Commission du CN, Jean-Christophe Schwaab, mentionnés par Pichonnaz Pascal, La solidarité et la prescription, REAS 2018, p. 79 ss, p. 82 (cité: Pichonnaz, solidarité).

[34] ATF 133 III 6, consid. 5.3.5.

[35] Dans le même sens, Fornage/Fournier, Coobligés et action récursoire (n. 33), N 50 s. et réf contenues.

[36] Pour une liste complète, cf. Carron Blaise/Favre Niels, La révision de la prescription dans la partie générale du Code des obligations: Ce qui change et ce qui reste, et la transition entre les deux…, in: Bohnet François/Dupont Anne-Sylvie (édit.), Le nouveau droit de la prescription, Neuchâtel 2019, p. 1 ss, N 22 nbp. 37 (cité: Carron/Favre, Révision de la prescription).

[37] Message (n. 4), p. 231.

[38] Message (n. 4), p. 250, qui évoque aussi les art. 678, 760 et 919 CO. Alors que les art. 760, 878 al. 2 et 919 CO ont fini par être inclus dans la présente révision, l'art. 678 CO (devenu art. 678a CO) fait toujours partie de la révision du droit de la société anonyme (FF 2017 625 ss, 645).

[39] Message (n. 4), p. 249 s. Eg. BO 2014 N 1794, Sommaruga.

[40] Tercier Pierre/Pichonnaz Pascal, Le droit des obligations, 6e éd., Genève, Zurich, Bâle 2019, N 1685.

[41] Message (n. 4), p. 244 et la nbp. 80, qui mentionne la LDIP en 1987, la Convention de Lugano en 2007 ainsi que la Convention de New York en 1958.

[42] Message (n. 4), p. 244. Eg. BO 2015 E 1298 s., Sommaruga.

[43] ATF 134 III 294, consid. 1.1, JdT 2010 I 75.

[44] Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 82.

[45] P.ex. Meier Philippe, L'incapacité civile et la prescription de la créance à la lumière de l'Arrêt de la CourEDH Stagno c. Belgique du 7 juillet 2009, in: Private Law - national - global - comparative - Festchrift für Ingeborg Schwenzer zum 60. Geburstag, Berne 2011, p. 1229 ss, p. 1239 s. et réf.

[46] Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 86 et les réf. contenues.

[47] Cf. toutefois dans le Message (n. 4), p. 245: le Conseil fédéral semble exiger que les parties indiquent précisément, dans leur convention écrite, la période d'empêchement ou de suspension (p. ex. en mentionnant les dates exactes), ainsi que les créances ou du moins, les rapports juridiques concernés.

[48] Pour les débiteurs solidaires, il ne s'agit que des cas de solidarité parfaite, conformément à la jurisprudence (ATF 133 III 6, consid. 5.1; ATF 127 III 257, consid. 6a, JdT 2002 I 249). Eg. Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 133.

[49] Message (n. 4), p. 245 s.

[50] Cette interruption ne vaut que jusqu'à hauteur du montant de couverture d'assurances (ATF 106 II 250, consid. 3, en lien avec l'art. 83 al. 2 LCR, cité dans Message [n. 4], p. 246).

[52] Message (n. 4), p. 246, en faisant référence à l'ATF 132 III 226.

[53] Message (n. 4), p. 247 et ATF 132 III 226, consid. 3.3.7.

[54] Cf. déjà ATF 132 III 226, consid. 3.3.8.

[55] Message (n. 4), p. 247.

[56] Message (n. 4), p. 247.

[57] Cela est pourtant permis par l'ATF 132 III 226, consid. 3.3.8.

[58] Message (n. 4), p. 247.

[59] Message (n. 4), p. 247 s.

[60] Pour plus de détails, cf. Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 167 ss.

[61] Pour plus de détails, cf. Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 173.

[62] Dans le même sens, Fellmann Walter, Verkürzung der Verjährungsfrist aus Vertragsverletzung bei Körperverletzung oder Tötung, REAS 2014, p. 73 ss, p. 73 (cité: Fellmann, Verkürzung); Krauskopf Frédéric/Märki Raphael, Wir haben ein neues Verjährungsrecht!, in: Jusletter 2 juillet 2018, N 15 (cité: Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht!).

[63] Message (n. 4), p. 231.

[64] La version de l'ancien droit ne traitait que de la durée.

[65] Ces articles ont été modifiés en 2012 et sont entrés en vigueur au 1er janvier 2013, RO 2012 5415, FF 2011 2699, 3655.

[66] Carron Blaise/Férolles Yann, Le dommage consécutif au défaut, in: Werro Franz/Pichonnaz Pascal (édit.), Le dommage dans tous ses états - Sans le dommage corporel ni le tort moral, Berne 2013, p. 69 ss, p. 117 et réf. contenues.

[67] Cf. d'ailleurs BO 2014 N 1789, où la minorité «Barrazone» de la Commission du Conseil national, qui suggérait l'introduction de nouveaux art. 210 al. 7 et art. 371 al. 4 CO, a fini par retirer sa proposition.

[68] Pour plus de détails sur les conséquences de cette incohérence: cf. Krauskopf Frédéric, Neues Verjährungsrecht: Merkpunkte für das Bauen, in: Baurechtstagung 2019, p. 35 ss, p. 39 s. (cité: Krauskopf, BRT 2019) et Moser, Verjährungsfristen (n. 28), p. 55.

[69] Dans ce sens, Fellmann, Verkürzung (n. 62), p. 74; Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 15.

[71] Message (n. 4), p. 243.

[72] Dans ce sens, BO 2014 N 1783, Sommaruga; BO 2015 E 1297 s., Sommaruga.

[73] ATF 132 III 61, consid. 6, JdT 2007 I 257.

[75] Cf. Message (n. 4), p. 244. Eg. critiques, cf. Fiechter Jean-Rodolphe/Kirschmann Alexandre, La prescription en droit privé de la construction - Tour d' horizon et révision du droit de la prescription du 15 juin 2018, JDC 2019, p. 154 ss, p. 156 (cité: Fiechter/Kirschmann); Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 13 ss.

[76] Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 14; Moser, Verjährungsfristen (n 28), p. 54.

[77] Fiechter/Kirschmann, p. 156. Critiques ég., Gottini Melanie Catalina, Die Verjährung im schweizerischen Privatrecht: Grundlagen und ausgewählte Problembereiche, thèse, Zurich 2019, p. 223; Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 6 et 13.

[78] Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht ! (n. 62), N 6 ; Fiechter/Kirschmann, (n. 75), p. 156. Eg. BO 2015 E 1295, Levrat.

[79] Arrêt de la CEDH N 52067/10 et 41072/11 du 11 mars 2014, (Howald Moor c. Suisse), N 75.

[80] BO 2015 E 1295, Levrat citant Jametti, traduction littérale de l'auteur «Wir sind jedoch relativ sicher, dass eine Frist von 20 Jahren als zu wenig lang taxiert würde. Die Schweiz würde damit weiterhin Verurteilungen riskieren»; Moser, Verjährungsfristen (n. 28), p. 17 ss, p. 26.

[81] Le législateur a habilement profité de la révision pour éliminer des scories d'un autre temps, p.ex. les mentions à l'ancien Code des obligations du 14 juin 1881(!) qui se trouvaient dans la LIE ou encore l'art. 15 al. 3 LTN qui mentionnait encore la LFors.

[82] Message (n. 4), p. 232.

[83] Message (n. 4), p. 230.

[84] Message (n. 4), p. 240.

[85] Message (n. 4), p. 240.

[86] Cette nouvelle formulation pourrait donc avoir une influence sur la jurisprudence du Tribunal fédéral consignée aux ATF 131 III 430, consid. 1.2; ATF 137 III 481, consid. 2.5.

[87] Dans le sens du nouveau droit, cf. Däppen Robert K., BSK OR I, art. 126 à 142 CO in: Honsell Heinrich/Vogt Nedim Peter/ Wiegand Wolfgang (édit.), Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6e éd., Bâle 2015, art. 136 N 3 (cité: BSK-Däppen); Pichonnaz, CR-CO I (n. 2), art. 136 CO N 2a. Contra: Gauch/Schluep/Emmenegger, Obligationenrecht (n. 2), N 3721.

[88] Message (n. 4), p. 230.

[89] BO 2014 N 1788, Schwaab; BO 2015 E 1299, Sommaruga.

[90] Fornage/Fournier, Coobligés et action récursoire (n. 33), N 42 et réf. contenues.

[91] ATF 133 III 6, consid. 5. Eg. Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 162 s. et réf. contenues.

[92] Fornage/Fournier, Coobligés et action récursoire (n. 33), N 44 et 46 s. et réf contenues.

[93] ATF 133 III 6, consid. 5.3.5.

[94] ATF 133 III 6, consid. 5.3.5.

[95] A ce sujet, cf. Fornage/Fournier, Coobligés et action récursoire (n. 33), N 50 s. et réf. contenues.

[96] Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 39.

[97] Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 23; Krauskopf, BRT 2019 (n. 68), p. 44.

[98] Message (n. 4), p. 245.

[99] Dans le même sens, Krauskopf, BRT 2019 (n. 68), p. 44.

[100] Message (n. 4), p. 245.

[101] P.ex. la naissance d'une créance. Du même avis: Fellmann, Verkürzung (n. 62), p. 153 s.; Pichonnaz Pascal, La renonciation à la prescription selon le projet de réforme du droit de la prescription, REAS 2014, p. 84 ss, p. 86. (cité: Pichonnaz, La renonciation).

[102] Nous avons donc de la peine à comprendre comment le CF peut parler d'un avantage à ce sujet, cf. Message (n. 4), p. 247.

[103] Message (n. 4), p. 247 s.; ég. Krauskopf Frédéric, Das Management der privatrechtlichen Verjährung: Ausgewählte Fragen, in: Le insidie della prescripzione, CFPG Lugano 2019, p. 23 ss, p. 40.

[104] Le texte légal aurait pu être clarifié ainsi: «[…] la créance en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral […]».

[105] Ce commentaire critique vaut d'ailleurs pour l'ensemble des dispositions en français relatives à la prescription, en particulier les art. 67 al. 1 et 127 s. CO.

[106] Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 17 et réf. contenues.

[107] ATF 132 III 226 , consid. 3.3.7; ATF 99 II 185, consid. 3a, JdT 1974 I 46.

[108] A titre d'illustration comparer, d'une part, Message (n. 4), p. 246 («le débiteur ne renonce pas à la prescription en elle-même […] mais à soulever l'exception de prescription») et, d'autre part, Message (n. 4), p. 230 («seul l'utilisateur des conditions générales pourra renoncer à la prescription»), p. 246 i.f. («possibilité de renoncer à la prescription»), p. 247 («renonce à la prescription par une déclaration au créancier»), p. 254 («la renonciation à la prescription»). Dans le même sens, pour la version allemande, cf. Krauskopf/Märki, neues Verjährungsrecht! (n. 62), N 27 nbp. 93.

[109] Carron/Favre, Révision de la prescription (n. 36), N 167 ss et réf. contenues.