I. Introduction
L'affaire qui a donné lieu à l'arrêt Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse (ci-après : KlimaSeniorinnen)[1] est « hors normes » à plusieurs égards : elle a fait l'objet d'un dessaisissement de la chambre initialement saisie au profit de la Grande Chambre au sens de l'art. 30 CEDH[2],[3] elle a été sélectionnée avec deux autres affaires comme leading cases en matière climatique - affaires qui ont été confiées à la même formation de la Grande Chambre et ont été mises au bénéfice d'un traitement prioritaire au sens de l'art. 41 du règlement de la Cour[4] -, elle a été l'occasion de nombreuses tierces interventions (dont huit autres États parties à la Convention et un nombre considérable d'entités onusiennes ou issues de la société civile et académique)[5] et elle a donné lieu à un arrêt de 260 pages[6]. Ces éléments confirment que l'arrêt KlimaSeniorinnen est un arrêt de principe d'une haute importance symbolique et juridique.
Fondamentalement, l'enjeu de l'arrêt peut être formulé de la manière suivante : est-ce qu'une association et/ou quelques-unes de ses membres sont en droit de faire examiner par des tribunaux l'action d'un État en matière climatique à l'aune de la CEDH ?
La première question soulevée concerne la qualité pour agir ou, pour utiliser la terminologie de la Convention, la qualité de victime des requérantes. Cette question est essentielle, car, en vertu de l'art. 34 CEDH, elle conditionne la recevabilité de la requête[7]. Comme nous le verrons ci-dessous, la Cour lui a donné une réponse (partiellement) positive, ce qui l'a conduite à examiner le fond de l'affaire[8]. En réalité, il s'avère que c'est sur ce point que l'arrêt KlimaSeniorinnen peut être considéré comme le plus innovant[9].
Dans le présent commentaire, nous nous proposons d'examiner les arguments et motifs développés par la Cour, en les replaçant dans leur contexte jurisprudentiel et historique. Dans un premier temps nous reviendrons sur l'ensemble des faits pertinents pour l'analyse des questions procédurales, notamment la qualité pour agir/de victime (N 5 ss). Puis nous présenterons le raisonnement juridique de la Cour (N 11 ss). Pour finir, la contribution proposera des réflexions critiques sur la portée de l'arrêt (N 33 ss) et se terminera par une brève conclusion (N 51 ss).
II. Les faits pertinents et la procédure nationale
L'association « Aînées pour le climat Suisse / KlimaSeniorinnen Schweiz / Anziane per il climat Svizzera » (ci-après : « l'association »), association au sens des art. 60 ss CC[10], a été créée en août 2016. Selon l'art. 2 de ses statuts[11], l'association a pour but « la promotion et la mise en œuvre d'une protection du climat efficace, ceci dans l'intérêt de ses membres, toutes des aînées, représentant un groupe de la population particulièrement touché par le réchauffement climatique au niveau de sa santé » et s'engage « en faveur d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre suffisamment pour prévenir un changement climatique anthropique dangereux de la part de la Suisse ». Conformément à l'art. 4 des statuts, les femmes qui se reconnaissent dans ses buts, sont âgées de 64 ans au moins et sont domiciliées en Suisse peuvent devenir membres de l'association. Cette dernière est composée de plus de deux mille cinq cents adhérentes âgées en moyenne de 73 ans[12].
Le 25 novembre 2016, l'association et quatre de ses membres - âgées de 82 à 93 ans et résidant en Suisse - ont déposé une demande auprès du Conseil fédéral, du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après : DETEC), de l'Office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) et de l'Office fédéral de l'énergie (ci-après : OFEN). Invoquant diverses omissions dans le domaine de la politique climatique de la Confédération, les requérantes demandaient aux autorités de rendre une décision au sens de l'art. 25a de la PA[13]. À l'appui de cette demande, les requérantes faisaient valoir que l'inaction de la Confédération en matière climatique mettait en péril le respect de l'objectif consistant à limiter l'augmentation des températures moyennes de la planète à 2 °C par rapport à l'ère préindustrielle et qu'il en résultait une violation des obligations positives de la Suisse en matière de protection individuelle découlant du droit à la vie (art. 10 al. 1 Cst.[14] et 8 CEDH) et du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH)[15]. Elles estimaient qu'en raison de leur âge et de leur sexe, elles appartenaient à un groupe particulièrement vulnérable au changement climatique, notamment en raison d'un risque de décès plus important en cas de vagues de chaleur et de canicules. Les requérantes faisaient enfin valoir que leur droit de faire examiner leur requête découlait également des art. 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) CEDH.
Le 25 avril 2017, le DETEC a rejeté la demande au nom de l'ensemble des autorités saisies, au motif que les requérantes ne disposaient pas de la qualité pour agir[16]. Selon le Département, une demande au sens de l'art. 25a PA suppose entre autres que l'acte matériel litigieux touche à des droits et à des obligations, condition selon lui non remplie en l'espèce[17]. L'objectif principal de la requête consistait, en réalité, à engager l'adoption de dispositions législatives visant à la réduction des émissions de CO2, ce qui correspondait à l'exercice de droits politiques et n'entrait donc pas dans le champ d'application de l'art. 25a PA[18]. Le DETEC a également écarté les arguments tirés de la Convention, au motif que les requérantes poursuivaient un intérêt public général incompatible avec la qualité de victime au sens de la Convention[19].
Le 26 mai 2017, les recourantes ont recouru auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) et demandé l'annulation de la décision du DETEC. Les requérantes reprenaient les arguments développés dans leur demande et alléguaient, au surplus, que le DETEC avait violé leur droit d'être entendu en ne traitant pas leur requête dans le détail, en particulier sous l'angle de la CEDH[20]. Dans son arrêt du 27 novembre 2018, le TAF a considéré que les quatre requérantes individuelles avaient un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de la décision du DETEC et n'a donc pas jugé nécessaire d'examiner la qualité pour agir de l'association[21]. Il a toutefois estimé que la question de la qualité pour recourir de l'association dans le cadre d'un recours associatif égoïste pouvait demeurer ouverte[22]. Si le Tribunal a relevé que la motivation de la décision était sommaire, car elle se contentait d'indiquer que l'action des recourantes relevait du recours populaire en raison de l'absence d'intérêt digne de protection. Il a estimé que les requérantes disposaient néanmoins des éléments nécessaires pour l'attaquer, de sorte que leur droit d'être entendu n'avait pas été violé[23]. Selon le TAF, l'art. 25a PA vise à répondre à un besoin de protection juridique individuelle et non à ouvrir la voie à une action populaire (actio popularis)[24]. Dès lors, l'application de cette disposition exige que l'intérêt des recourantes puisse être nettement distingué de l'intérêt général[25]. Le TAF a estimé que ce critère n'était pas rempli, car les effets du changement climatique sont « de nature générale » et, bien qu'ils puissent toucher certains groupes de la population plus que d'autres (par exemple, les nourrissons, les jeunes enfants et les habitants des villes en ce qui concerne la dangerosité des vagues de chaleur), les femmes âgées ne constituent pas une population plus vulnérable que les autres en matière de changement climatique[26]. Le TAF a aussi conclu que les requérantes ne pouvaient déduire aucun droit non plus des art. 2, 6 § 1 ou 8 CEDH[27]. Concernant l'art. 6 § 1 CEDH, le TAF a estimé que cette disposition n'était applicable que lorsqu'il existe un « litige de nature sérieuse et dont l'issue s'avère directement décisive pour la prétention civile » et rappelé qu'au regard de l'art. 34 CEDH, le recours populaire n'est pas admissible[28]. Le TAF a contesté ici l'existence d'un litige, car les recourantes estimaient que les objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre ne permettaient pas d'atteindre les objectifs de la loi sur le CO2, mais cela n'est pas contesté par le législateur. Le TAF a d'ailleurs rappelé que le législateur devait encore mettre en œuvre la loi sur le CO2. En outre, il a estimé que les mesures législatives demandées par les recourantes (mise en place de la procédure législative préliminaire et information du public) n'étaient pas de nature à réduire le risque de canicule estivale, tandis que les mesures demandées comme la taxe CO2 sur le carburant non prévues dans une loi ne relevaient pas de l'exécution du droit en vigueur. Dès lors, il n'existait pas de litige au sens de l'art. 6 § 1 CEDH dans cette affaire[29]. Le TAF a donc rejeté le recours au motif que la démarche des requérantes devait être qualifiée d'action populaire irrecevable et que le Département n'était pas entré en matière à bon droit[30].
Le 21 janvier 2019, les recourantes ont recouru auprès du Tribunal fédéral (ci-après : TF)[31]. Elles alléguaient les mêmes violations qu'auparavant tout en ajoutant plusieurs arguments, dont le fait que, selon elles, l'établissement des faits par le TAF était trop sommaire quant à la vulnérabilité accrue des femmes âgées lors de canicules[32]. À l'instar du TAF, le Tribunal fédéral a admis la qualité pour recourir des quatre requérantes individuelles et a laissé ouverte celle de l'association[33]. Le TF a par ailleurs estimé que les requérantes n'étaient à ce jour pas touchées avec une intensité suffisante dans leurs droits protégés par la Convention - les seuils fixés dans l'Accord de Paris n'étant supposés être atteints qu'à moyen ou long terme -, que leur démarche s'apparentait, en réalité, à l'exercice de droits politiques et qu'elle devait donc être déclarée irrecevable en raison de sa nature d'actio popularis[34]. Le TF a considéré qu'en conséquence, les arguments tirés des art. 6 § 1 et 13 CEDH avaient également été écartés à juste titre par les instances précédentes[35].
Le 26 novembre 2020, les requérantes ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme d'une requête individuelle au sens de l'art. 34 CEDH[36].
III. En droit
À titre préalable, il convient de relever le soin extrême avec lequel la Cour européenne des droits de l'homme pose le cadre de son raisonnement. La Cour introduit ainsi le cœur de ses réflexions par des remarques préliminaires[37], qui portent notamment sur l'importance de la question du changement climatique, le rôle central du processus démocratique et le fait qu'il ne serait pas approprié de transposer telle quelle sa jurisprudence antérieure en matière d'atteinte à l'environnement à la question climatique, en raison des spécificités de cette dernière. Ensuite, la Cour aborde certaines considérations générales sur les litiges relatifs au changement climatique[38]. Cela lui fournit notamment l'occasion de réfuter l'argument de la Suisse relatif au faible rôle joué, au niveau mondial, par ses émissions de gaz à effet de serre, en jugeant que « chaque État a sa propre part de responsabilité s'agissant de prendre des mesures pour faire face au changement climatique, et que l'adoption de ces mesures est déterminée par les capacités propres de l'État concerné, et non par une action (ou omission) particulière de tout autre État »[39]. Il s'agit là, en réalité, d'un simple rappel de la nature objective des traités de protection des droits humains[40].
La Cour se penche ensuite sur la question de la recevabilité et, plus particulièrement, sur la qualité de victime. Elle considère cependant que, cette question étant en « lien étroit » avec celle de l'applicabilité des dispositions pertinentes de la Convention, il convient de les examiner en même temps[41]. Comme cela sera exposé plus en détail dans le deuxième article de cette série, la Cour choisit d'examiner l'affaire, du point de vue matériel, sous l'angle du seul art. 8 CEDH, même si les requérantes avaient aussi invoqué l'art. 2 CEDH[42]. En conséquence, elle analyse séparément la qualité de victime dans le cadre de l'art. 8 CEDH (N 13ss) et de l'art. 6 CEDH (N 25 ss).
1. La qualité de victime dans le contexte de l'art. 8 CEDH
Suivant la systématique adoptée par la Cour, nous commencerons par évoquer les principes généraux retenus par la Cour (N 14 ss) puis leur application au cas d'espèce (N 22 ss).
a) Les principes généraux
La Cour commence son raisonnement en rappelant deux grands principes de sa jurisprudence. Premièrement, la Convention ne reconnaît pas l'action populaire (actio popularis), de sorte qu'une personne doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention pour pouvoir saisir la Cour[43]. Deuxièmement, l'examen de la qualité de victime ne doit pas être effectué de façon « rigide, mécanique et inflexible », car une telle approche, « trop formaliste », rendrait inefficace et illusoire la protection des droits garantis par la Convention[44]. La Cour ajoute que la notion de victime doit être interprétée de façon autonome, c'est-à-dire indépendante des notions et concepts internes[45].
La Cour rappelle ensuite les principes qu'elle a développés en lien avec les trois catégories de « victimes » au sens de l'art. 34 CEDH : les victimes directes, les victimes indirectes et les victimes potentielles[46]. Elle aborde également la qualité pour agir des associations, en relevant que, dans certaines circonstances, elle a estimé que des « considérations spéciales » justifiaient qu'une association dispose de la qualité de victime même si elle n'est pas touchée directement[47].
aa) La qualité pour agir des individus
Selon la Cour, la qualité de victime doit être appréciée spécifiquement dans le contexte du changement climatique, car le nombre de personnes touchées par le changement climatique est indéterminé et les atteintes découlent d'actes ou omissions relatifs à différents types de mesures générales dont les conséquences touchent l'ensemble de la population[48]. En conséquence, le défi consiste à concilier la notion de qualité de victime avec l'exclusion de l'actio popularis[49], raison pour laquelle, dans le domaine du changement climatique, il n'est pas possible de reprendre sans autre la jurisprudence relative aux « victimes potentielles »[50].
Sur ces bases, la Cour considère que, dans le contexte du changement climatique, la qualité de victime est soumise à la condition que la personne requérante puisse démontrer qu'elle a été « personnellement et directement touché[e] par les manquements qu'[elle] dénonce »[51]. Ceci suppose que la personne en cause soit exposée de manière intense aux effets néfastes du changement climatique et qu'il existe un besoin impérieux d'assurer sa protection individuelle, « en raison de l'absence de mesures raisonnables ou adéquates de réduction du dommage »[52]. La Cour insiste encore sur le fait que « [l]e seuil à atteindre pour satisfaire à ces critères est particulièrement élevé »[53].
bb) La qualité pour agir des associations
La Cour examine ensuite la qualité pour agir des associations dans des domaines où les citoyennes et citoyens sont confrontés à des actes administratifs particulièrement complexes[54]. La Cour ajoute que l'action par le biais d'associations peut être l'un des seuls moyens pour les personnes « nettement défavorisées sur le plan de la représentation » de faire entendre leur voix, ce qui est l'occasion pour la Cour d'introduire la notion de « répartition de l'effort entre générations »[55].
Pour étayer ce rôle confié aux associations, la Cour évoque la Convention d'Aarhus, qui porte sur le droit de l'environnement classique[56], et analyse la qualité pour agir des associations dans plusieurs États européens - en se fondant notamment sur une étude menée spécialement par la Cour dans le cadre de la procédure[57]. Soucieuse cependant de respecter le principe de l'exclusion de l'actio popularis, la Cour considère que la Convention d'Aarhus est pertinente, mais qu'elle ne peut être reprise telle quelle, car cela irait au-delà de ce que la Convention permet[58].
À la lumière de ces considérations, la Cour juge que, pour remplir les conditions de l'art. 34 CEDH, une association doit : (a) être légalement constituée dans le pays concerné ou y disposer de la qualité pour agir, (b) poursuivre un but spécifique conforme à ses statuts de défense des droits fondamentaux exclusivement ou non contre les menaces du changement climatique et (c) être considérée comme véritablement représentative »[59].
La Cour ajoute qu'elle tiendra compte, dans son analyse, du but de l'association, de son caractère non lucratif, de la nature et de l'étendue de ses activités, de ses effectifs et de sa représentativité, des principes et de la transparence de sa gouvernance et du point de savoir « si, de manière générale, dans les circonstances particulières d'une affaire, l'octroi à l'association de la qualité pour agir sert l'intérêt d'une bonne administration de la justice »[60]. La Cour précise enfin que, compte tenu des spécificités du domaine du changement climatique, il n'est pas nécessaire que l'association soit en mesure de démontrer que les personnes au nom desquelles elle agit auraient elles-mêmes disposé de la qualité pour agir à titre individuel[61].
b) L'application au cas d'espèce
Conformément aux développements qui précèdent, la Cour distingue l'analyse de la qualité de victime de l'association et celle de la qualité de victime des quatre requérantes individuelles[62].
En ce qui concerne l'association, la Cour observe que les critères qu'elle a fixés sont remplis, ce d'autant que l'association défend aussi les intérêts de la population en général et des générations futures et que l'octroi de la qualité pour agir devant la Cour sert « l'intérêt d'une bonne administration de la justice »[63]. Elle regrette toutefois que, le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral n'ayant pas jugé utile d'examiner sa qualité pour agir, elle ne puisse « tirer profit d'une appréciation qui aurait porté sur le statut juridique de l'association au regard du droit interne ou sur la nature et l'étendue de ses activités au sein de l'État défendeur »[64].
En ce qui concerne les quatre requérantes individuelles, la Cour analyse les critères qu'elle a développés plus haut dans son arrêt[65]. Si elle admet que les requérantes ont été affectées par le changement climatique, qu'elles appartiennent, en tant que personnes âgées, à une catégorie vulnérable et que les vagues de chaleur ont un impact sur leur qualité de vie[66]. La Cour considère cependant que les requérantes n'ont pas démontré une exposition au changement climatique « propre à faire naître un besoin impérieux d'assurer leur protection individuelle »[67]. La Cour ajoute que les requérantes n'ont pas souffert d'un problème de santé critique dont l'aggravation possible ne pourrait être atténuée par les mesures d'adaptation disponibles en Suisse ou au moyen de mesures raisonnables d'adaptation individuelle[68]. En conséquence, la Cour considère que les requérantes individuelles ne disposent pas de la qualité de victime au sens de l'art. 34 CEDH et déclare leurs griefs irrecevables pour incompatibilité ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l'art. 35 § 3 CEDH[69].
2. La qualité de victime dans le contexte de l'art. 6 CEDH
Suivant à nouveau la systématique adoptée dans l'arrêt commenté, nous commencerons par évoquer les principes généraux retenus par la Cour (N 26 s.) puis leur application au cas d'espèce (N 28 ss).
a) Les principes généraux
La Cour considère, comme pour l'art. 8 CEDH, que la question de la qualité de victime s'agissant de l'art. 6 § 1 CEDH doit être jointe à l'appréciation de l'applicabilité de cette disposition[70]. À cet égard, la Cour rappelle les conditions d'application de l'art. 6 § 1 CEDH sous son volet civil : la contestation doit porter sur un droit dont il est prétendu de manière défendable qu'il est reconnu en droit interne, elle doit être réelle, l'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question et ce droit doit revêtir un caractère « civil »[71]. La Cour synthétise ensuite les principaux éléments de sa jurisprudence relatifs à ces conditions[72]. S'agissant de l'applicabilité de l'art. 6 § 1 CEDH dans le contexte du changement climatique, la Cour relève que cette disposition ne permet pas de contraindre le Parlement à adopter une loi, mais qu'elle peut s'appliquer lorsque le droit interne prévoit un accès individuel à une procédure permettant de faire contrôler directement une loi[73]. Par ailleurs, un droit de caractère civil peut découler de la reconnaissance, dans la législation interne, des droits concernés ou de la participation du public et de l'accès à l'information en matière environnementale[74].
Pour ce qui est du caractère « déterminant » de la procédure, la Cour admet que les litiges climatiques interviennent dans des conditions particulières et peuvent donc porter sur des objets plus larges que l'exploitation d'une installation potentiellement problématique[75]. Elle estime également que le critère de l'imminence du dommage ou du danger doit être adapté pour tenir compte du caractère irréversible et grave des risques liés au changement climatique, ce d'autant que, dans ce domaine, le danger à venir est « réel et hautement probable (ou pratiquement certain) à défaut de mesure corrective adéquate » et ne doit donc pas être interprété de manière trop stricte[76]. La Cour estime que cette approche vaut particulièrement lorsque les litiges climatiques sont portés par des associations, puisque, pour les motifs qu'elle a exposés dans le cadre de l'art. 8 CEDH, celles-ci jouent un rôle important de défense des droits conventionnels des personnes « défavorisées sur le plan de la représentation »[77].
b) L'application au cas d'espèce
En ce qui concerne la requête de l'association, la Cour distingue entre les griefs concernant des « décisions politiques qui sont soumises aux processus démocratiques pertinents » et la demande qui porte sur « une mise en œuvre effective des mesures d'atténuation prévues par le droit en vigueur »[78]. Elle estime que les premiers ne relèvent pas du champ d'application de l'art. 6 § 1 CEDH, mais que la deuxième peut y entrer pour autant que ses conditions d'application soient remplies[79].
À cet égard, la Cour considère que le critère de droit à caractère « civil » est rempli[80], car les recourantes se plaignent notamment de la violation du droit à la vie protégé par l'art. 10 Cst. S'agissant de l'existence d'une « contestation réelle est sérieuse », la Cour désavoue le Tribunal fédéral et considère que la demande doit être tenue pour « défendable » et ne saurait être considérée comme « futile, vexatoire ou pour d'autres raisons mal fondée au regard du droit interne pertinent »[81]. Enfin, concernant le critère du caractère « déterminant » de l'issue de la procédure pour les droits des requérantes, la Cour estime que le lien entre la question au cœur du litige et les membres de l'association en quête de plus de protection contre les effets du changement climatique est « réel et suffisamment étroit »[82]. L'association s'est efforcée de défendre les droits civils de ses membres et a donc agi comme un « moyen » d'action pour les femmes âgées contre l'inaction de l'État suisse[83].
La Cour renvoie alors à ses développements sur la qualité pour agir relatifs à l'art. 8 CEDH et rappelle l'importance du rôle joué par les associations ainsi que « la pertinence particulière de l'action collective face au changement climatique »[84]. Sur la base de ces considérations, la Cour considère que l'art. 6 § 1 CEDH est applicable et que l'association peut être considérée comme ayant la qualité de victime en ce qui concerne son grief relatif au défaut de mise en œuvre effective des mesures d'atténuation prévues par le droit en vigueur[85].
S'agissant des requérantes individuelles, la Cour rejette leur qualité pour agir et déclare leur requête irrecevable en suivant un raisonnement similaire à celui développé en lien avec l'art. 8 CEDH. Elle estime en particulier qu'elles ne sont pas parvenues à établir un lien suffisant entre les mesures demandées et un hypothétique impact direct sur leurs droits, de sorte que « l'issue de la contestation n'était pas déterminante pour leurs droits de caractère civil »[86].
Enfin, on relèvera que les requérantes avaient également invoqué une violation de l'art. 13 CEDH. À cet égard, la Cour rappelle que l'art. 6 § 1 CEDH constitue une lex specialis, dont les exigences sont plus strictes et comprennent celles de l'art. 13 CEDH[87]. La Cour considère donc qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément ce grief en ce qui concerne l'association[88]. Elle déclare par ailleurs irrecevables les requêtes formées par les quatre personnes physiques, pour des motifs identiques à ceux qu'elle a développés sous l'angle des art. 8 et 6 CEDH[89].
IV. Commentaire
La densité et la longueur de l'arrêt de la CourEDH soulèvent de nombreuses interrogations quant à son impact et sa portée sur la politique climatique de la Suisse et les futurs litiges climatiques en Europe. Comme cela a été relevé plus haut, si, sur le fond, il était prévisible que la Cour étende le champ d'application de l'art. 8 CEDH au-delà du champ environnemental traditionnel pour y inclure également la dimension climatique[90], car une telle extension s'inscrit logiquement dans l'évolution de la jurisprudence de la Cour lors des dernières décennies[91], son approche des questions procédurales s'est avérée plus inattendue.
Dans ce premier article consacré aux enjeux procéduraux de l'arrêt et, plus particulièrement, à la qualité pour agir, nous nous concentrerons sur les trois questions suivantes : la limitation stricte de l'action individuelle dans le domaine climatique (N 35 ss), les critères retenus par la Cour pour reconnaître la qualité pour agir des associations (N 41 ss) et l'adéquation du cadre juridique helvétique actuel en matière de qualité pour agir des associations (N 47 ss). Nous nous limiterons à formuler et détailler les enjeux, sans chercher à leur apporter de réponses définitives.
1. L'exclusion de l'actio popularis : des droits pour toutes et tous, mais des voies pour qui ?
La Cour a pris très au sérieux le fait que le système conventionnel n'admet pas la figure de l'action populaire, conformément à une jurisprudence établie de longue date[92]. Selon celle-ci, en effet, il n'appartient pas à la Cour d'examiner dans l'abstrait la législation et la pratique pertinentes, mais de vérifier que la manière dont elles ont été appliquées à la personne requérante n'a pas violé les exigences de la Convention[93].
À cet égard, il est évident que les litiges du type KlimaSeniorinnen ne concernent pas des mesures individuelles, qui ne posent guère de problèmes du point de vue de la qualité de victime[94]. Cependant, la Cour a déjà eu l'occasion de développer des principes applicables lorsqu'une mesure législative générale est à l'origine d'une en l'absence d'acte d'exécution individuel et où, par la force des choses, cette violation est susceptible d'affecter plus d'une personne. Ainsi, dans l'arrêt Tănase c. Moldova[95], qui concernait une modification de la loi électorale moldave visant à interdire aux personnes possédant plusieurs nationalités de siéger au parlement national, la Cour a rappelé qu'« [i]l est (…) loisible à un particulier de soutenir qu'une loi viole ses droits, en l'absence d'acte individuel d'exécution, si l'intéressé est obligé de changer de comportement sous peine de poursuites ou s'il fait partie d'une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la législation »[96].
Dans l'arrêt KlimaSeniorinnen, la Cour a toutefois estimé que cette jurisprudence ne pouvait pas être suivie[97]. En conséquence, elle a développé deux critères spécifiques au contexte climatique particulièrement exigeants : une exposition intense aux effets néfastes du changement climatique et un besoin impérieux de protection individuelle, ces critères devant au surplus faire l'objet d'une interprétation restrictive[98]. Ces critères sont en réalité si sévères que l'on est en droit de se demander s'ils pourront être remplis un jour, sous réserve de situations (très) particulières[99].
Cette quasi-exclusion de l'action individuelle en matière climatique s'est accompagnée d'une ouverture de la qualité pour agir des associations, dont les conditions seront analysées ci-dessous (N 41 ss). Dans l'esprit de la Cour, cette « compensation » semble avoir été le résultat conscient et explicite d'une pesée des intérêts[100]. Toutefois, il est légitime de se demander si ce mode de procéder est conforme à l'esprit de la Convention. Cette dernière consacre, en effet, des droits individuels[101], dont l'invocation est en principe réservée aux personnes qui se prétendent victimes d'une violation, pour autant que les autres conditions de recevabilité fixées aux art. 34 et 35 CEDH soient remplies[102]. Or, l'arrêt KlimaSeniorinnen impose dans les faits, en matière climatique, une invocation collective des droits de la Convention. La Cour justifie ce choix en se référant à l'organisation constitutionnelle interne des Etats et à la séparation des pouvoirs[103]. Il n'est pas certain que ces éléments soient pertinents au stade de l'analyse de la recevabilité des requêtes. Ils semblent avoir davantage leur place dans l'analyse du fond de la requête et sont susceptibles d'inciter la Cour à faire preuve de retenue, par exemple en renonçant à exiger l'adoption de mesures spécifiques.
Il nous semble que, dans le domaine climatique, la qualité de victime aurait pu être traitée à l'intérieur de la jurisprudence existante, en exigeant de la personne concernée qu'elle démontre, certificats médicaux à l'appui, que le changement climatique résultant de l'inaction de l'État viole ses droits protégés par la Convention. Une telle approche aurait été susceptible de mieux garantir que les droits conventionnels soient concrets et effectifs[104], sans pour autant ouvrir la voie à une actio popularis climatis. Par ailleurs, un éventuel risque de surcharge de la Cour par des requêtes individuelles répétitives[105] aurait pu être traité par la mise en œuvre, au besoin, de la procédure dite d'arrêt pilote[106].
D'ailleurs, la reconnaissance de l'actio popularis dans certains États ne semble pas poser de problème du point de vue de la séparation des pouvoirs. Ainsi, l'Inde en reconnaît l'utilité dans le cadre de ce que la Cour suprême de l'Inde qualifie de Public Interest Litigation (PIL)[107]. Il serait intéressant de voir comment le nouveau droit à la protection du climat consacré par la Cour suprême de l'Inde[108] sera utilisé par la société civile dans ce cadre[109].
2. Les critères de légitimation des associations de protection du climat
Si la question de la place de l'arrêt dans la jurisprudence environnementale de la Cour a fait l'objet de nombreux et riches débats dans les colonnes du Verfassungblog et du blog du Sabin Center for Climate Change Law de l'Université de Columbia, ces derniers se sont essentiellement concentrés sur l'étendue des obligations positives en matière de protection du climat[110] et sur la compatibilité[111] des remèdes avec le principe de séparation des pouvoirs[112]. Or, l'ouverture de la qualité pour agir des associations constitue, en réalité, l'avancée jurisprudentielle principale de l'arrêt KlimaSeniorinnen. Comme nous l'avons évoqué ci-dessus, la Cour s'est appuyée, pour ce faire, sur la Convention d'Aarhus. Ce mode de procéder est cohérent avec la jurisprudence strasbourgeoise. Ainsi, la Cour considère de longue date que la Convention est un « instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles »[113] et, si elle est exclusivement compétente pour contrôler le respect, par les États parties, des droits et libertés contenus dans la CEDH et dans ses protocoles (art. 19 CEDH), elle tient compte depuis longtemps, dans l'interprétation de ces droits et libertés, d'éléments de droit international autres que la Convention, qui reflètent les valeurs communes des États européens[114].
La Convention d'Aarhus, adoptée en 1998 dans le cadre de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et ratifiée par la Suisse le 3 mars 2014, traite de l'environnement au sens traditionnel du terme et repose sur trois piliers : l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice[115]. Dans ce cadre, elle garantit notamment un large accès à la justice pour les organisations non gouvernementales, pour autant qu'elles remplissent certaines conditions (art. 9 cum art. 2 § 5 Convention d'Aarhus). Nous avons relevé que cette vision s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour, qui valorise le recours à des entités collectives en présence d'actes administratifs spécialement complexes[116]. Nous avons aussi noté que, parmi les atouts que la Cour voit dans ce mode d'action, figure la possibilité que soient ainsi représentées des voix « nettement défavorisées du point de vue de la représentation », parmi lesquelles celles des générations futures.
La Cour se retrouve toutefois confrontée au même dilemme qu'en matière de requête individuelle, car une admission trop large de la notion d'organisation non gouvernementale aurait aussi pour effet de créer une forme d'actio popularis[117]. Elle précise donc devoir « garder à l'esprit la différence qui existe entre, d'une part, la nature et le but profonds de la Convention d'Aarhus, qui visent à renforcer la participation du public aux affaires environnementales, et, d'autre part, ceux de la Convention, qui visent à protéger les droits fondamentaux de la personne humaine »[118].
Sur la base de ces développements, la Cour énonce trois critères qui permettent à une association de se voir reconnaître la qualité de victime au sens de l'art. 34 CEDH (cf. ci-dessus). Parmi ceux-ci, le plus délicat est le troisième, qui a trait à la représentativité : « [L'association en question doit] être en mesure de démontrer qu'elle peut être considérée comme véritablement représentative et habilitée à agir pour le compte d'adhérents ou d'autres individus touchés dans le pays concerné dont la vie, la santé ou le bien-être, tels que protégés par la Convention, se trouvent exposés à des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au changement climatique »[119]. Il s'agit, en effet, d'une notion juridique (fortement) indéterminée que les éléments d'analyse supplémentaires évoqués par la Cour (« ses effectifs et sa représentativité, les principes et la transparence de sa gouvernance »[120]) ne permettent pas vraiment de délimiter.
La Cour devra donc à l'avenir affiner et détailler les éléments pertinents dans l'examen de ce critère. Est-il nécessaire, par exemple, qu'une association atteigne une taille critique et, si oui, comment celle-ci est-elle déterminée ? L'association doit-elle réunir parmi ses membres un certain pourcentage des personnes appartenant au groupe concerné ? Comment jauger les principes de gouvernance d'une association ? Le critère de « transparence » pourrait sembler plus facile à saisir, mais inclut-il par exemple aussi les sources de financement de l'association ? Et, enfin, comment appréhender l'association qui remplit certains de ces critères (par exemple, un grand nombre de membres), mais pas d'autres (par exemple, une gouvernance défaillante) ?
Il est également difficile de prédire la mise en œuvre du critère d'ensemble formulé par la Cour, qui consiste à « savoir si, de manière générale, dans les circonstances particulières d'une affaire, l'octroi à l'association de la qualité pour agir sert l'intérêt d'une bonne administration de la justice »[121]. Nous sommes enclins à penser que la « bonne administration de la justice » vise à garantir la possibilité à l'association d'ester en justice s'il semble prima facie qu'un droit protégé par la Convention est potentiellement atteint et que les voies de droit ne semblent ouvertes à aucune personne physique, afin de garantir un accès concret et effectif aux tribunaux.
3. La mise en œuvre en droit suisse
La dernière question que nous souhaitons aborder est celle de la nécessité de modifier le cadre normatif helvétique pour se conformer aux développements de la Cour en matière de qualité pour agir des associations.
Le droit suisse confère la qualité pour agir à des associations dans trois hypothèses[122]. Premièrement, lorsque l'association dispose d'un intérêt propre à agir. Deuxièmement, lorsque la loi confère une qualité pour agir spéciale à certaines organisations (cf. art. 89 al. 2 let. d LTF[123]), par exemple dans le domaine de l'environnement (art. 55 LPE[124]) ou de la protection de la nature (art. 12 LPN[125]) (recours associatif idéal). Troisièmement, lorsque l'association agit dans l'intérêt de ses membres et remplit les conditions fixées par la jurisprudence pour ce faire (recours associatif égoïste ou corporatif).
Or, la qualité pour agir des associations élaborée dans l'arrêt KlimaSeniorinnen ne correspond à aucune de ces catégories. En effet, les critères retenus par la Cour combinent des éléments des trois hypothèses qui viennent d'être évoquées, dans la mesure où la Cour admet qu'une association est en droit de poursuivre statutairement la défense des droits fondamentaux de ses adhérentes et adhérents ou d'autres individus touchés sans exiger qu'elle démontre que les personnes physiques au nom desquelles elle agit auraient elles-mêmes la qualité pour agir[126].
On doit donc s'interroger sur les manières d'ouvrir la qualité pour agir en droit suisse d'une manière conforme aux exigences de la Cour. Une première option pourrait consister à introduire un droit de recours idéal des associations dans les législations en matière de climat, comme en droit de l'environnement. Une telle modification pourrait être effectuée dans le cadre de la loi sur le CO2[127] ou de la LCl[128]. Dans la doctrine, cette solution a été préconisée déjà avant l'arrêt KlimaSeniorinnen[129]. Une deuxième option pourrait s'inscrire dans le cadre de la protection des consommateurs et consommatrices et la proposition du Conseil fédéral d'introduire dans le CPC[130] une forme d'action collective[131]. Le 12 avril 2024, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a précisément sollicité des « clarifications supplémentaires » sur le projet suite à l'arrêt KlimaSeniorinnen[132].
V. Conclusion
En matière procédurale, comme nous avons essayé de le montrer, l'arrêt KlimaSeniorinnen innove, tout en soulevant certaines questions et en en laissant d'autres ouvertes. Il n'en est pas moins indéniable que l'arrêt atteint son but, puisque la requête a passé le cap de la recevabilité, permettant à la Cour de se pencher sur le fond du litige et de garantir ainsi la mise en œuvre concrète et effective des droits protégés par la Convention.
A cela s'ajoute que, si la quasi-exclusion des requêtes individuelles en matière climatique peut sembler radicale, il fait sens, d'un point de vue philosophique, de valoriser dans ce domaine les modes d'action collectifs. Comme le relève à juste titre la Cour, en matière d'actes administratifs complexes, les personnes les plus affectées font généralement partie des membres les plus vulnérables de la société, de sorte que leur accès à la justice est limité.
Contrairement à l'avis exprimé par les deux Chambres fédérales[133], et par le Conseil fédéral[134] il incombe désormais aux autorités helvétiques et à celles de l'ensemble des États parties à la Convention de mettre en œuvre cet arrêt en ouvrant leurs voies de droit aux associations dans le cadre des litiges climatiques[135].