Le NFT : de l'œuvre d'art à l'instrument financier

Enzo Bastian *

Depuis quelques années, les Non-Fungible Tokens font l'objet d'un intérêt croissant notamment sur le marché de l'art. Ils suscitent des opérations spéculatives importantes, mais ne sont appréhendés juridiquement que de manière lacunaire. Ce manque d'encadrement présente des risques notamment sous l'angle du droit des marchés financiers et favorise des comportements criminels tels que le blanchiment d'argent. Dans l'attente d'une nécessaire modification législative, une solution pour réduire ces risques consisterait à catégoriser le NFT comme un instrument financier. Cet article aspire à illustrer comment une telle qualification serait envisageable ainsi que les conséquences y relatives.

Das Interesse an Non-Fungible Token ist in den letzten Jahren insbesondere auf dem Kunstmarkt gestiegen. Sie führen zu beträchtlichen Spekulationsgeschäften, werden aber rechtlich nur lückenhaft erfasst. Dieser fehlende Rahmen birgt insbesondere unter dem Gesichtspunkt des Finanzmarktrechts Risiken und begünstigt kriminelle Verhaltensweisen wie Geldwäsche. Bis zu einer notwendigen Gesetzesänderung könnte eine Lösung zur Verringerung dieser Risiken darin bestehen, die NFT als Finanzinstrument zu kategorisieren. Dieser Artikel will aufzeigen, wie eine solche Einstufung aussehen könnte und welche Konsequenzen damit verbunden sind.

Citation: Enzo Bastian, Le NFT : de l'œuvre d'art à l'instrument financier, sui generis 2023, S. 13

URL: sui-generis.ch/224

DOI: https://doi.org/10.21257/sg.224

* Enzo Bastian, Assistant-diplômé au CEDIDAC, Ph.D. Candidate, Université de Lausanne. L'auteur souhaite remercier le Prof. Carlo Lombardini pour ses précieux commentaires ainsi que les documents partagés pour la rédaction de cet article.


I. Introduction

Le 11 mars 2021, la maison Christie's a réalisé la plus grande vente enregistrée pour une œuvre d'art numérique en attribuant l'œuvre Everydays : The First 5000 Days de l'artiste Beeple pour un montant dépassant les USD 69.3 Mios[1]. Ce montant place cette réalisation dans le top 100 des œuvres les plus chères vendues en 2021[2]. Aucune peinture n'a été utilisée pour réaliser ce collage numérique, l'acheteur est devenu propriétaire d'un certificat numérique attestant de la titularité des droits sur l'œuvre sous la forme d'un Non Fungible Token (NFT)[3]. Les NFTs sont devenus de plus en plus populaires auprès des artistes et plus généralement des acteurs du marché de l'art qui les utilisent pour promouvoir et vendre des réalisations.

Il peut apparaître irraisonné de payer autant pour une « non-peinture » à laquelle tout le monde a gratuitement accès sur internet. Pour comprendre cet engouement, il convient de rappeler un point central du marché de l'art : il ne s'agit pas d'un marché qui récompense nécessairement la créativité de l'artiste. Ce marché agit davantage comme un baromètre mesurant l'importance sociale d'un artiste ou d'une œuvre et reflète parfois des effets de mode, entrainant par‑là, une forte spéculation[4].

À cet égard, le marché des NFTs n'est pas si différent du marché de l'art. Il fonctionne de manière similaire, à cela s'ajoute que son caractère spéculatif est même exacerbé par le recours aux cryptoactifs en proie depuis quelques années à une bulle spéculative. Le marché des NFTs n'est pas réglementé à l'heure actuelle, ce qui comporte des risques réels pour les investisseurs, mais aussi des failles susceptibles d'être exploitées à des fins de blanchiment d'argent ou d'autres activités criminelles. En l'absence d'une réglementation spécifique consacrée aux NFTs, une solution permettant un meilleur encadrement de ce marché consisterait à définir les NFTs comme des instruments financiers puisqu'ils seraient alors assujettis aux règles y relatives.

Pour comprendre comment il serait possible de qualifier un NFT en instrument financier, il conviendra d'exposer les notions en cause (N 5 ss) avant de pouvoir apporter une esquisse de réponse à cette question (N 24 ss).

II. Les notions

Préalablement à toute réflexion, il est nécessaire de rappeler ce qu'est un NFT (N 6 ss) ainsi qu'un instrument financier (N 20 ss).

1. Les NFTs

Il n'existe pas de définition juridique des Non-Fungible Tokens ou jetons non-fongibles. Ces derniers sont considérés comme une catégorie de cryptoactifs qui ont pour objectif (sans le garantir juridiquement) d'identifier et d'attester de la propriété et de l'authenticité d'un actif sous-jacent (physique ou numérique) sur une blockchain[5]. Pour saisir leur fonctionnement, il convient de revenir sur le processus de création (N 7 ss) et d'échanges de ces NFTs (N 14 ss).

a) La création de NFTs

Les NFTs sont une catégorie de cryptoactifs qui se distinguent des cryptomonnaies par le fait qu'ils sont uniques et non divisibles, chaque jeton a sa propre valeur et utilisation, ils sont donc appelés non‑fongibles[6].

Toutefois, certains auteurs considèrent, à juste titre, que l'appellation jeton non‑fongible n'est pas adéquate puisqu'il s'agit en réalité d'une caractéristique commune à l'ensemble des jetons liés aux technologies de registres distribués (TRD)[7]. En effet, même une cryptomonnaie est d'une certaine manière unique, car elle est individuellement identifiable grâce à son propre historique de transactions. Il est ainsi possible de l'individualiser parmi les autres cryptomonnaies du même type, à l'image d'un billet de banque qui le serait grâce à son numéro de série[8]. La particularité du NFT réside plutôt dans sa fonction d'intégration d'un actif unique, déterminé et déterminable. Il serait ainsi préférable de faire référence à des tokenized assets ou jetons intégratifs[9]. Toutefois, dans la suite de cet article, il sera fait référence au terme de jeton non‑fongible pour éviter toute confusion. La question de la fongibilité d'un NFT sera abordée plus bas (cf. infra N 32 ss).

Les NFTs se créent et s'échangent principalement sur la blockchain Ethereum qui occupe 76% du marché en 2021[10]. N'importe quel utilisateur d'une blockchain compatible peut créer un NFT, il s'agit d'un processus extrêmement simple, à la portée de tous[11]. Il existe des normes spécifiques de smart contracts[12] pour créer ces jetons ; les plus répandues sont les normes ERC‑721 et ERC‑1155[13].

Le processus de création d'un NFT est appelé estampillage (minting), il s'agit du processus par lequel l'utilisateur procédera à la tokenisation d'un actif sous‑jacent pouvant être physique (voiture, tableau, vin, etc.) ou numérique (créature virtuelle, œuvre digitale, créance, titre, etc.) contre paiement de frais de transactions (gas fees)[14]. Ce processus de numérisation, décrit ci-dessous, revient à associer des droits sur la blockchain à l'actif sous-jacent. Il faut distinguer lorsque l'actif sous-jacent est physique ou numérique.

  • Lorsque l'actif sous-jacent est physique, par exemple, une œuvre d'art (tableau, sculpture, etc.), il s'agit concrètement de numériser l'actif en prenant une photo de celui-ci, de remplir un fichier de métadonnées sur un site internet disposant d'un accès à la blockchain pour ensuite émettre un certificat (i.e. le token) attestant que le détenteur de ce jeton dispose des droits de propriété sur l'œuvre d'art sous-jacente. En principe, selon les conditions générales de la plateforme sur laquelle le NFT est émis, le détenteur du jeton devient titulaire des droits sur le tableau (sous sa représentation numérique sur la blockchain)[15].

  • Lorsque l'actif sous-jacent est numérique, il peut être stocké directement sur la blockchain (on‑chain storage), mais cette solution se révèle coûteuse en termes de gas fees. C'est pourquoi, l'autre solution retenue, plus populaire, le off‑chain storage, consiste à ne pas directement déposer le fichier sur la blockchain, mais à créer un lien URL en remplissant également un fichier de métadonnées. Sommairement résumé, ce lien agira comme une passerelle entre la blockchain et un site internet (une plateforme comme Opensea.io, par exemple) où l'utilisateur pourra visualiser l'actif sous-jacent. Il existera ainsi : le sous-jacent, le fichier numérique et le NFT.
  • Le off‑chain storage est également apprécié en raison du fait qu'il crée une situation similaire à celle existante lorsque l'actif sous-jacent est physique : l'existence du NFT et de l'actif sous-jacent sont indépendantes[16]. Le jeton n'exerce donc aucune influence sur le sort de l'actif sous‑jacent, celui‑ci peut être détruit, le NFT demeurera et inversement.

    Tout ce processus de création pose juridiquement quelques questions, notamment de droit réel. Tout d'abord, il faut relever qu'il est possible de créer plusieurs NFTs à partir d'un seul et même actif sous-jacent[17]. Une telle possibilité exclut ainsi toute forme d'exclusivité ou d'unicité, contrairement à une œuvre d'art physique qui est, en principe, unique (sauf reproductions). Par conséquent, aucune garantie ne peut être fournie quant au fait qu'il n'existe qu'un seul et unique NFT de l'œuvre sous-jacente. Dès lors, une même œuvre sous-jacente pourrait être la propriété au même moment de plusieurs détenteurs de NFTs, ce qui interroge sur le pouvoir de disposition de ces derniers sur l'actif sous-jacent.

    Une autre interrogation essentielle réside dans le fait que vu que n'importe qui peut créer un NFT, rien n'indique que celui qui mint le NFT est effectivement l'artiste ou le titulaire des droits (not. de propriété et/ou d'auteur) sur l'actif sous‑jacent[18]. Il serait parfaitement possible de photographier un tableau dans un musée et d'en créer un NFT afin de le vendre sur la blockchain, ceci alors même que la personne créant le NFT n'est pas propriétaire du tableau. De ce fait, l'acquéreur du NFT ne peut notamment pas valablement devenir propriétaire du tableau sous-jacent[19]. Pour pallier ce risque, tout en prévoyant des clauses exonératives de responsabilité, certains vendeurs de NFTs prévoient dans leurs conditions générales que le créateur du NFT atteste de la titularité de ses droits sur le sous-jacent et qu'il confirme ne pas porter atteinte aux droits d'auteur d'un tiers[20]. Ce point soulève encore une fois des doutes quant à la validité des transferts de propriété effectués avec ces jetons. Ces questions ne sont cependant pas pertinentes pour l'objet de cet article, raison pour laquelle elles ne seront pas davantage développées[21].

    b) L'échange et les catégories de NFTs

    Une fois créé au travers du processus décrit ci-dessus, le smart contract rend le NFT identifiable sur la blockchain, un registre de transactions pourra lui être attaché et le détenteur du token deviendra identifiable grâce à sa clé publique[22]. Le NFT est alors échangeable sur la blockchain et peut être acquis contre paiement d'une somme d'argent (en monnaie fiduciaire ou en cryptomonnaie).

    L'échange est facile, rapide et peu couteux sur la blockchain, contrairement à l'achat d'une œuvre d'art qui implique souvent de multiples démarches (assurance, transport, conservation, etc.) et entraine davantage de frais de transactions vu l'intervention de nombreux intermédiaires[23].

    Bien que majoritairement plébiscité par le monde de l'art, les possibilités de ces jetons ne se limitent pas à ce domaine[24]. Différentes catégories de NFTs peuvent être échangées, il existe les Collectibles (œuvres d'art, objets de collections numériques, etc.), les objets pour les mondes virtuels (Metaverses), les jeux en ligne et les utilitaires. Ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives, un jeton peut se retrouver dans plusieurs de ces catégories en même temps.

    La catégorie des Collectibles est la plus vaste tant elle regroupe des NFTs dont les sous-jacents sont de nature différente et variée. Il peut s'agir d'une création des beaux-arts (tableau[25], sculpture[26], etc.), d'une œuvre numérique comme une image (Cryptopunk, Bored Ape Yacht Club, etc.). Il peut également s'agir d'une chanson, d'une vidéo[27], d'une carte numérique, d'un tweet, etc.

    Il convient de souligner un autre point important : la valeur de marché du NFT n'est pas nécessairement corrélée à la valeur de son actif sous-jacent, mais plutôt à la valeur que les utilisateurs de la blockchain lui confèrent[28]. La valeur d'un NFT est donc particulièrement difficile à estimer, comme pour une œuvre d'art[29]. Il est par exemple possible de créer de la valeur à un sous-jacent qui n'en aurait initialement aucune[30]. La majorité des sous-jacents vendus sous forme de NFTs n'ont d'ailleurs pas nécessairement de véritable valeur dans le monde réel. Par exemple, un tweet n'a pas de valeur particulière, il est créé et est accessible gratuitement sur le réseau social éponyme. Pourtant, sur la blockchain, il est possible d'acquérir un tweet en échange d'une somme d'argent. Comme le relève Legeais, c'est un phénomène étonnant, car en dehors de ce milieu, le certificat d'authenticité ou le titre de propriété n'a pas de valeur en lui-même, c'est uniquement le sous-jacent qui en a une[31].

    Il peut dès lors être surprenant et difficile de saisir pourquoi il existe autant de spéculations sur ces objets[32]. Un nouveau parallèle avec le commerce d'œuvres d'art peut être mentionné ici puisqu'il arrive que sur le marché de l'art, des œuvres soient vendues à des prix astronomiques sans raison particulière. Cet élément spéculatif du marché de l'art rejoint celui des cryptoactifs pour créer l'explosion et la forte volatilité du marché actuel des NFTs[33]. Pour prévenir des risques de dérives, l'ensemble de ces points conduisent à envisager le NFT comme un instrument financier. Toutefois, avant de vérifier si une telle qualification est possible, il convient de rappeler ce qu'est un instrument financier.

    2. Les instruments financiers

    Un instrument financier est une notion abstraite, il n'existe pas de définition précise en droit suisse, il peut s'agir d'un papier-valeur, un droit-valeur, un titre intermédié ou un simple contrat (transaction sur dérivés par exemple)[34]. Cette notion abstraite laisse ainsi de la place à l'innovation financière et offre une plus grande possibilité pour inclure de nouveaux types d'instruments financiers.

    Une valeur mobilière est une forme d'instrument financier conformément à l'art. 3 let. b LSFin[35]. Selon l'art. 2 let. b LIMF[36], sont considérées comme valeurs mobilières (et donc comme instruments financiers), les papiers‑valeurs, les droits‑valeurs, les produits dérivés, les titres intermédiés, qui sont standardisés et susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché[37]. La valeur mobilière est une des formes les plus répandues d'instrument financier.

    Le critère principal pour attester d'une valeur mobilière se réfère à la fongibilité du produit, soit la possibilité de négocier en grand nombre l'instrument sur un marché. Le produit doit être standardisé, en adoptant une approche fonctionnelle[38]. Il s'agit d'analyser la capacité de circulation et la négociabilité du bien sur un marché[39]. Ainsi, l'individualisation d'un bien n'est pas un obstacle à sa fongibilité, par exemple un billet de banque est unique grâce à son numéro de série, pourtant il s'agit du bien fongible par excellence[40].

    Il existe une présomption de fongibilité à l'art. 2 OIMF[41], lorsque le produit est uniformisé et offert au public de la même façon ou lorsque le produit peut être vendu à plus de 20 clients.

    III. Les NFTs comme instruments financiers

    Les notions techniques ayant été abordées, il convient de déterminer si un NFT peut être considéré comme un instrument financier. Tout d'abord, il sera nécessaire de présenter la classification prudentielle la plus répandue en matière de jetons (N 25 ss). Ensuite, il faudra identifier les catégories de jetons qui peuvent être admis comme valeur mobilière et donc comme instrument financier (N 28 ss). Enfin, il s'agira de vérifier à quelle catégorie de jetons un NFT peut être attaché afin de constater s'il peut être reconnu comme un instrument financier (N 31 ss).

    1. La catégorisation des jetons FINMA

    Il n'existe actuellement aucune classification universelle des tokens en droit suisse ou étranger[42]. Toutefois, dans une perspective d'encadrement prudentiel des Initial Coin Offerings (ICOs)[43], la FINMA a établi une typologie de ces jetons qui semble s'être imposée en doctrine[44]. La FINMA distingue ainsi :

  • Le jeton de paiement (Payment Tokens) : synonyme de cryptomonnaie pure, il s'agit de tous les jetons acceptés comme moyen de paiement pour l'achat de marchandises ou de services (dans les faits ou dans l'intention de l'organisateur de l'ICO) ou qui peuvent servir à la transmission de fonds et de valeurs[45].

  • Le jeton d'utilité (Utility Tokens) : il s'agit des jetons accordant un accès à un usage ou à un service numérique et qui s'appuient sur l'utilisation d'une blockchain[46].

  • Le jeton d'investissement (Asset Tokens) : il s'agit des jetons qui représentent des valeurs patrimoniales. Il peut s'agir d'une créance ou de parts d'une entreprise donnant le droit à des revenus futurs ou des dividendes. Il peut s'agir d'une action, d'une obligation ou encore d'un dérivé. Cette catégorie peut également inclure les jetons censés rendre négociables sur la blockchain des objets de valeur physiques[47].
  • Ces différentes catégories ne sont pas mutuellement exclusives, un jeton peut appartenir à différentes catégories ; il sera qualifié de jeton « hybride »[48]. Un jeton d'utilité peut par exemple remplir des fonctions d'investissement.

    Cette classification sommaire repose sur une analyse pragmatique. Elle offre une grande marge d'appréciation à l'autorité qui peut sur la base d'une approche « I know it when I see it » se prononcer au cas par cas[49]. Toutefois, cette situation entraine également une nécessaire incertitude juridique quant aux obligations relatives aux marchés financiers[50]. Il convient par ailleurs de souligner que cette classification n'a pas de valeur juridique, un juge administratif, civil ou pénal n'est pas lié par cette classification, il peut librement décider de s'en inspirer ou de s'en écarter.

    2. Les catégories de jetons admis comme valeurs mobilières

    Pour être considéré comme une valeur mobilière, un jeton doit notamment être fongible. Pour rappel, pour apprécier la fongibilité, il convient d'adopter une approche fonctionnelle en vérifiant si l'instrument en cause se prête à un négoce de masse. Les jetons n'ont donc pas besoin d'être impérativement identiques, il suffit qu'ils partagent des caractéristiques communes garantissant leur représentativité mutuelle et leur négociabilité sur le marché[51].

    La FINMA poursuivra vraisemblablement son approche pragmatique en recherchant la fonction économique derrière le jeton en cause. Il s'agira de s'interroger sur la fonction du jeton en examinant si celui‑ci sert comme moyen de paiement, d'investissement ou d'utilité[52].

    Dans ce sens, la pratique s'accorde à dire que les jetons de paiement ne sont pas des valeurs mobilières[53]. Les jetons d'utilité ne sont, en principe, pas non plus considérés comme des valeurs mobilières, pour autant qu'ils confèrent exclusivement un droit d'accès à un service ou à une prestation numérique[54]. Cependant, dès le moment où il existe, même partiellement, un but de financement ou d'investissement, le jeton (dit hybride) doit être qualifié comme une valeur mobilière, ce qui semble être la majorité des cas en pratique[55]. Enfin, les jetons d'investissement sont automatiquement traités comme des valeurs mobilières[56].

    3. Les NFTs comme valeurs mobilières

    Un NFT est un jeton, il reste toutefois à déterminer à quelle catégorie de jetons il doit être assimilé pour pouvoir examiner s'il peut être traité comme une valeur mobilière. La seule catégorie de jeton reconnue comme valeur mobilière est celle des jetons d'investissement (voire des jetons hybrides qui intègrent un aspect d'investissement). Ainsi, il convient d'analyser si un NFT peut être rattaché à cette catégorie de jetons. Pour se faire, deux critères principaux doivent être remplis : le NFT doit être fongible (N 32 ss) et inclure un aspect d'investissement (N 37 ss). Si ces deux critères sont effectivement confirmés, un certain nombre de conséquences vont découler de la qualification d'un NFT en jeton d'investissement (N 46 ss).

    a) La fongibilité des NFTs

    Malgré la terminologie jeton-non fongible[57], une majorité doctrinale reconnait, avec raison, un caractère fongible aux NFTs en considérant qu'ils peuvent se négocier en grand nombre au sens de l'art. 2 OIMF[58]. Cette fongibilité se manifeste sur plusieurs points.

    Tout d'abord, pour rappel, la fongibilité se rattache également au fait d'avoir un processus de création d'une catégorie homogène de droits qui rend ensuite possible la négociation des biens émis sur un même marché puisqu'ils deviennent comparables[59]. Or, les NFTs sont émis et commercialisés de manière similaire selon les mêmes normes de smart contracts (ERC‑721 et ERC‑1155) et sur des plateformes équivalentes. Les NFTs ont également un même rôle qui est celui d'attester de la titularité d'un droit sur un sous-jacent[60]. Ce processus de création et d'échange semblable rend les NFTs comparables entre eux, car ils octroient des droits similaires à leurs détenteurs (même catégorie de droits) bien qu'ils soient techniquement uniques[61].

    Dans tous les cas, l'individualisation du NFT ne nuit pas non plus à sa fongibilité, car l'unicité n'est pas un facteur excluant le caractère fongible comme cela a pu être soulevé plus haut avec l'image du billet de banque qui est unique en raison de son numéro de série (cf. supra N 22).

    Enfin, la fongibilité se rattache aussi à la capacité de circulation du bien, soit à la possibilité de l'échanger en grand nombre (à plus de 20 clients selon le seuil de l'art. 2 OIMF). Dans ce sens, un NFT respecte également ce critère puisqu'il peut s'échanger de manière indéfinie à un nombre indéterminé de personnes sur un même marché.

    Par conséquent, il convient de rejoindre la doctrine précitée en reconnaissant le caractère fongible des NFTs. Ce premier critère étant rempli, il suffit de vérifier si ces jetons intègrent une composante d'investissement pour s'assurer qu'ils puissent être qualifiés de jetons d'investissement.

    b) La composante d'investissement des NFTs

    Ce point divise particulièrement la doctrine puisqu'il n'existe pas encore de pratique claire. Or, c'est précisément cette nature qui influencera la qualification en tant que valeurs mobilières.

    Certains auteurs estiment qu'il faut systématiquement procéder à une approche au cas par cas en recherchant préalablement la fonction du NFT. Plus particulièrement, concernant les Collectibles NFTs (catégorie dominante du marché des NFTs[62]), il ne serait pas possible, selon ces auteurs, d'apporter une réponse unique car ces jetons n'auraient pas tous une composante d'investissement. Selon eux, certains NFTs de cette catégorie serviraient uniquement un objectif de collection (qualifiés en jetons d'utilité) et ne pourraient, dès lors, pas être considérés comme jetons d'investissement et donc comme valeurs mobilières[63].

    Cette position ne peut être suivie puisque les NFTs, y compris ceux qualifiés de jetons d'utilité, contiennent systématiquement un aspect d'investissement et doivent ainsi être requalifiés en jetons hybrides.

    Cet avis semble en outre s'aligner avec la pratique de la FINMA décrite ci-dessus (cf. supra N 28 ss) et celles adoptées par l'Union européenne et les Etats-Unis (avec le test Howey[64])[65]. En effet, pour déterminer si un jeton contient une composante d'investissement, il s'agit d'apprécier l'ensemble des circonstances économiques, de vérifier la manière dont les émetteurs, sponsors et autres tiers se comportent sur le marché afin d'identifier une éventuelle volonté de susciter une attente d'investissement, voire de spéculation : il convient notamment d'identifier la manière dont le bien est commercialisé et les comportements qu'il suscite ou peut susciter auprès des acheteurs[66]. Car pour rappel, l'instrument financier n'a pas d'utilité propre et autonome pour son acquéreur, ce qui compte ce sont les expectatives économiques y relatives[67].

    En l'occurrence, le marché des NTFs témoigne de cet aspect spéculatif à plusieurs égards. Les premiers indicateurs sont la constante augmentation du nombre de transactions, la volatilité des prix et l'importance des montants[68].

    La durée de détention des jetons est un indicateur supplémentaire. Un NFT est conservé en moyenne 48 jours avant d'être revendu, cette durée est même réduite à 33 jours lorsqu'il s'agit d'un NFT dont le sous-jacent est une œuvre d'art[69]. Avec une durée si courte, le NFT ne semble pas acheté dans une optique de conservation comme le serait une œuvre d'art intégrant une collection, mais dans une optique spéculative.

    Un autre indicateur contredisant la simple création d'une collection réside dans le fait que même lorsque l'utilisateur achète un NFT pour un jeu en ligne ou pour collectionner des cartes virtuelles (jetons d'utilité), il peut le faire dans une perspective de gain, en cherchant à retirer un revenu futur lors d'une éventuelle revente (le jeton devient alors hybride puisqu'il incorpore un aspect d'investissement). La collection n'exclut certainement pas la spéculation[70] : l'acheteur d'un NFT investit vraisemblablement son argent dans l'espoir de voir son investissement prendre de la valeur. Ce phénomène n'est pas nouveau ni propre aux TRD, puisqu'il s'agit d'un comportement déjà observable dans le monde physique. Notamment dans les marchés de capitaux, mais aussi sur le marché des Collectibles, sur lequel des particuliers spéculent avec des biens courants comme des cartes de jeu ou des paires de chaussures, ou encore sur le marché de l'art, où l'art contemporain présente ces traits d'un marché spéculatif[71].

    De toute évidence, ces aspects ne sont pas ignorés des émetteurs de NFTs qui sont toujours plus nombreux. Ils pensent y trouver l'opportunité de générer des revenus en profitant de ces vagues spéculatives et des facilités d'échanges offertes par le marché des NFTs[72].

    Le NFT suscite par conséquent des expectatives économiques tant pour son émetteur que pour son acheteur (ou plutôt investisseur). Par conséquent, au vu des divers points susmentionnés, il sied de conclure à l'existence d'une composante d'investissement pour les NFTs, y compris ceux catégorisés en jetons d'utilité. L'argumentaire retenu par les auteurs précités relatif à l'aspect de collection ne paraît pas suffisant pour exclure la nature d'investissement. Le jeton doit au moins être considéré comme hybride. Partant, vu qu'un NFT est un jeton fongible qui intègre un aspect d'investissement, il doit être qualifié de jeton d'investissement ou au moins de jeton hybride.

    c) Quelques conséquences de la qualification des NFTs en valeurs mobilières

    Les jetons d'investissement et les jetons hybrides sont reconnus comme des valeurs mobilières. Par conséquent, les NFTs, étant rattachés à ces catégories de jetons doivent également être reconnus comme des valeurs mobilières. Or, une valeur mobilière étant une forme d'instrument financier, le NFT est donc plus largement, un instrument financier. Ils doivent donc se soumettre aux règles y relatives.

    Les émetteurs de NFTs seraient alors considérés comme producteurs d'instruments financiers (art. 3 let. i LSFin) et devraient notamment établir une feuille d'informations de base afin d'avertir les investisseurs des dangers liés à l'achat d'un tel instrument financier (art. 58 LSFin). En outre, le négoce de NFTs serait quant à lui soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation d'exercer à titre professionnel l'activité de maisons de titres puisqu'il s'agirait d'un commerce de valeurs mobilières (art. 5 ss LEFin[73]). Les obligations d'informations de la clientèle seront aussi applicables notamment l'obligation de fournir un prospectus d'offre (art. 35 ss LSFin). Pour rappel, un tel prospectus ne serait pas à produire si le NFT a par exemple une valeur nominale inférieure à CHF 100'000.- (cf. art. 36 al. 1 LSFin pour les exceptions). Se poseront encore des questions relatives au champ d'application territorial, car l'activité doit être exercée en ou depuis la Suisse (art. 2 OEFin[74]). Toutefois, il demeure délicat d'identifier l'émetteur ou le négociant pour l'assujettir à de telles règles et surtout, de déterminer quelle autorité aurait la charge de les surveiller. Par conséquent, il faut principalement souligner que les règles actuelles des marchés financiers ne sont pas adéquates pour encadrer ce nouveau type d'instrument financier et qu'une modification législative serait pertinente.

    À cet égard, l'Union européenne avait initialement souhaité soumettre dans son projet Réglementation MiCA, les NFTs et les autres cryptoactifs à une procédure d'autorisation complète (pour l'émission et le négoce) et à l'obligation de publier un prospectus d'informations à destination des investisseurs[75]. Toutefois, ce projet a récemment été mis en pause notamment en raison du manque de compatibilité de certaines dispositions avec le marché de l'art[76]. Le projet de réglementation européen n'a toutefois pas été complètement écarté puisqu'un mandat a été octroyé à la Commission européenne pour établir un rapport explicatif et apporter une proposition d'encadrement législatif[77]. Cette mise à l'écart provisoire reste regrettable puisque l'UE aurait pu faire figure de proue dans ce domaine et apporter un cadre à ce marché.

    Pour pallier le manque de pragmatisme de certaines de ces règles, il pourrait être proposé d'instaurer quelques mesures particulières qui seraient plus proportionnées. Il paraît en effet difficile d'exiger le respect de toutes les règles des marchés financiers, telles que la rédaction d'un prospectus d'offre, lorsqu'il s'agit d'un NFT unique[78], car celui‑ci serait, en théorie, moins facilement négociable en masse. En outre, une telle exigence demanderait des efforts disproportionnés pour un artiste qui souhaiterait simplement promouvoir ses réalisations sans aspiration à percevoir des gains importants. Ainsi, il pourrait être envisageable de fixer une valeur nominale minimale à partir de laquelle l'application de ces règles devrait être exigée[79]. Une telle solution permettrait de satisfaire les intérêts des artistes tout en protégeant les investisseurs et plus généralement, les marchés financiers.

    Dans tous les cas, avant d'envisager un régime d'exception, la règle devrait être clarifiée en considérant les NFTs comme des jetons d'investissement (ou au minimum des jetons hybrides) et donc comme des valeurs mobilières. Or, en étant qualifiés de valeurs mobilières, les NFTs seront aussi reconnus comme instruments financiers.

    IV. Conclusion

    Les NFTs suscitent un engouement particulier pour le marché de l'art, ils représentent près de 16% de la valeur totale du marché mondial en 2021, soit près de USD 11,1 Mias[80]. Or, au vu des aspects hautement spéculatifs de ces jetons et de leur nature incertaine due à une appréhension encore incomplète du droit, il convient d'apporter une réponse au moins sous l'angle du droit des marchés financiers.

    Une approche prudente, soucieuse de s'aligner avec les buts poursuivis par les réglementations relatives aux marchés financiers (cf. not. art. 1 LSFin), chercherait à protéger les investisseurs et donc à qualifier ces NFTs comme des instruments financiers. En effet, cette qualification résulte du fait qu'un NFT doit être reconnu comme une valeur mobilière puisqu'il s'agit d'un jeton d'investissement (ou au minimum d'un jeton hybride) en raison de son caractère fongible et de sa composante d'investissement. De surcroit, cette qualification s'alignerait avec les pratiques retenues par les autorités suisses, européennes et américaines. Enfin, elle aurait surtout le mérite d'apporter une réponse claire à une situation encore trouble et permettrait un meilleur encadrement de ce marché visiblement profitable.

    Une telle qualification emporte également d'autres conséquences, plus particulièrement en matière de lutte contre le blanchiment d'argent[81]. En effet, si ce point de vue venait à être confirmé, les émetteurs et les négociants de NFTs devraient être assujettis au dispositif préventif de lutte contre le blanchiment d'argent prévu notamment dans la LBA[82]. En outre, le NFT, en tant que valeur patrimoniale, pourrait aussi faire l'objet d'une infraction de blanchiment d'argent au sens des art. 305bis et 305ter CP[83].

    Cet assujettissement serait bienvenu puisque le marché des NFTs est particulièrement sujet à un risque de blanchiment d'argent au vu de son opacité (dû à l'usage des TRD) ; mais aussi, en raison de sa valeur totale et de la nature hautement volatile des NFTs (vu la difficulté d'appréciation de la valeur de ces jetons). Dans ce sens, en l'absence d'une pratique claire de l'autorité ou d'une réponse législative, il peut être recommandé aux émetteurs ou négociants de tels jetons d'être prudents et de spontanément remplir ces obligations anti‑blanchiment pour éviter un risque de sanctions[84]. Ce dernier point est d'autant plus important que, pour rappel, la FINMA dispose d'une large marge d'appréciation et peut librement décider du caractère hybride d'un jeton.



    [2] Artprice.com by Artmarket, Le Marché de l'Art en 2021, p. 58 ; Art Basel/UBS, The Art Market 2022, An Art Basel & UBS Report, prepared by Dr. Clare McAndrew, p. 49 ; Eliane Spirig, « Kunst-Token » - Eine anregende Tagung über Sinn und Unsinn der Blockchain-Technologie in der Kunstwelt, sic! 2022, p. 139.

    [3] Markus Kaulartz / Alexander Schmid, Rechtliche Aspekte sogenannter Non-Fungible Tokens (NFTs), CB 2021, p. 298 ; Daniel S. Weber, Finanzmarktrechtliche Aspekte von Non-Fungible Tokens, iusNet Bank- und Kapitalmarktrecht, 31 mars 2022.

    [4] Raymonde Moulin, Le marché de l'art. Mondialisation et nouvelles technologies, Paris 2003, p. 45 ss ; Judith Benhamou-Huet, Art Business, Le marché de l'art ou l'art du marché, Paris 2001, p. 109 ; Kaulartz/Schmid (n. 3), p. 298.

    [5] Michel José Reymond, Mises au point sur la notion de Non Fungible Token, Jusletter du 31 mai 2021, p. 4 ; Magda Aref / Luca Fábián / Simon Weber, Digitale Originale dank NFTs? Rechtliche Analyse einer (angeblichen) Revolution, GesKR 2021, p. 387 ; Martina Danz / Jérôme Heumann, Œuvres d'art digitales et fiscalités, Quelques réflexions sur l'imposition des NFTs en Suisse, NF 2022, p. 386 ss ; Spirig (n. 2), p. 139.

    [6] Reymond (n. 5), p. 1 ; Danz/Heumann (n. 5), p. 387 ; Spirig (n. 2), p. 140 ; Weber D. (n. 3), p. 2.

    [7] De cet avis, cf. not. Reymond (n. 5), p. 4 ; Danz/Heumann (n. 5), N 10.

    [8] L'historique de transactions d'une cryptomonnaie peut influencer sa valeur (Danz/Heumann [n. 5], p. 387 & N 11).

    [9] Reymond (n. 5), p. 4 ; Danz/Heumann (n. 5), N. 10.

    [10] Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas, Yearly NFT Market Report 2021, How NFTs affect the World, 2022, p. 36 ; Spirig (n. 2), p. 139.

    [11] Voir la multitude de tutoriels disponibles, cf. not. celui de la banque N26 du 30 décembre 2021, disponible.

    [12] Bien qu'il n'existe pas de définition d'un smart contract, la première utilisation de ce terme revient à Szabo qui définit ce terme comme un protocole de transactions informatisées exécutant les conditions d'un contrat (Nick Szabo, Formalizing and Securing Relationships on Public Networks, First Monday 2[9]/1997 ; Pascal Favrod-Coune / Kévin Belet, La convention d'arbitrage dans un smart contract, PJA 2018, p. 1106 ; Florence Guillaume, L'effet disruptif des smart contracts et des DAOs sur le droit international privé, in : Richa/Canapa [édit.], Droit et économie numérique, Berne 2021, p. 42 ; Michel Jaccard / Mehmet Toral, Smart contracts - de la théorie à la pratique, in : Richa/Canapa [édit.], Droit et économie numérique, Berne 2021, p. 3 s. et N 6 ; Rolf H. Weber, Non-Fungible Tokens - A New [Legal] Phenomenon in the Crypto Universe, sic! 2022, p. 490 s).

    [13] Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 387 s. ; Danz/Heumann (n. 5), p. 387. La norme ERC‑721 permet la construction et la programmation de jetons avec des smart contracts qui ont une variable unique pointant vers l'adresse du propriétaire et contenant un lien URL permettant d'afficher le rendu visuel du NFT. La norme ERC‑1155 est similaire, elle permet en plus d'améliorer la transférabilité des jetons, car elle permet de regrouper par l'intermédiaire d'un smart contract plusieurs jetons, ce qui augmente la rapidité des transferts et diminue les coûts (Danz/Heumann [n. 5], p. 387 s.).

    [14] Reymond (n. 5), p. 2 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 387 s. ; Weber D. (n. 3), p. 2.

    [15] Reymond (n. 5), p. 3 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 387 ; Lisa Marleen Guntermann, Non Fungible Token als Herausforderung für das Sachenrecht, RDi 2022, p. 201 s. ; Weber D. (n. 3), p. 2.

    [16] Reymond (n. 5), p. 5 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 389 s. et réf. citées ; Spirig (n. 2), p. 144. Cf. par exemple la collection NFT intitulé The Currency de l'artiste Damien Hirst formé par 10'000 œuvres d'art physiques qui ont ensuite été tokenisé. Une fois le NFT acquis, l'acheteur devait choisir entre conserver l'œuvre physique ou conserver l'œuvre sous format numérique avec le NFT, l'autre option était ensuite détruite. Résultat : 5'149 œuvres physiques ont été conservés contre 4'851 NFTs (Caroline Goldstein, Damien Hirst's 'The Currency' Was a Referendum on NFTs Vs. Traditional Art. The Result ? A Resounding Preference for Traditional Art, Artnet.news du 3 août 2022).

    [17] Kaulartz/Schmid (n. 3), p. 299 ; Frédéric Pollaud-Dulian, Vingt fois sur le métier… : une énième réforme du marché de l'Art, RTDCom. 02/2022, p. 277.

    [18] Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 399 ; Pollaud-Dulian (n. 17), p. 277 ; Dominique Legeais, Les NFT sont-ils des actifs numériques?, Revue Droit bancaire et financier 4/2022, N 12 ; Frank Schemmel, Non‑Fungible Token (NFT) und Geldwäsche - eine aktuelle Einordnung, CB 2022, p. 287 ss ; Spirig (n. 2), p. 140.

    [19] Pollaud-Dulian (n. 17), p. 277.

    [20] Weber R. (n. 12), p. 493.

    [21] Pour des développements, cf. not. Guntermann (n. 15), p. 200 ss ; Weber R. (n. 12), p. 489 ss.

    [22] Reymond (n. 5), p. 2 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 388.

    [23] Noah Charney, Lost Art: Do NFTs mean the end of real‑world art?, The Art Newspaper du 23 juillet 2021 ; Danz/Heumann (n. 5), p. 389.

    [24] Artprice.com (n. 2), p. 43 ss ; Art Basel/UBS (n. 2), p. 51 ss ; Danz/Heumann (n. 5), p. 386.

    [25] Cf. not. les œuvres d'Andy Warhol vendues en NFTs (Daren Fonda, Andy Warhol NFTs? Crypto Is Colonizing the Art World, Barron's du 2 décembre 2021).

    [26] Cf. not. le projet de l'artiste Jeff Koons qui a créé une collection de NFTs intitulé Moon Phases dont les sous-jacents sont des statues qui seront posées sur la lune dans le cadre d'une mission entièrement automatisée par une société aérospatiale privée (Shanti Escalante-de Mattei, The World's Most Expensive Living Artist Is Doing NFTs - No One Should Be Surprised, ARTnews du 29 march 2022).

    [27] La National Basket Association (NBA) a par exemple commercialisé sous forme de NFTs des extraits vidéos retraçant les meilleurs exploits athlétiques [Site NBA Top Shots]. Les recettes se sont montées à plus de USD 230 Mios (Danz/Heumann [n. 5], N 1).

    [28] Danz/Heumann (n. 5), p. 388 ; Guntermann (n. 15), p. 202. Contra : Weber D. (n. 3), p. 1.

    [29] Pour des développements sur les difficultés à estimer une œuvre d'art, cf. not. Henry Peter / Paul-Benoît Duvoisin, De la valeur et du prix des œuvres d'art, in : Gabus/Bandle (édit.), L'art a-t-il un prix ? L'évaluation des œuvres d'art, ses défis pratiques et juridiques, Genève et al. 2014, p. 119 ss.

    [30] Danz/Heumann (n. 5), p. 388.

    [31] Legeais (n. 18), N 6 s.

    [32] Pollaud-Dulian (n. 17), p. 277 ; Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 10), p. 85 s. ; Art Basel/UBS (n. 2), p. 53.

    [33] Danz/Heumann (n. 5), p. 388 ; Michael Denga, Non-Fungible Token im Bank- und Kapitalmarktrecht, BKR 2022, p. 288.

    [34] Carlo Lombardini, Gestion de fortune : réglementation, contrats et instruments, Droit bancaire suisse, Genève et al. 2021, p. 34, N 4 s. et réf. citées.

    [35] Loi fédérale sur les services financiers du 15 juin 2018 (LSFin ; RS 950.1).

    [36] Loi fédérale sur les infrastructures des marchés financiers et le comportement sur le marché en matière de négociation de valeurs mobilières et de dérivés du 19 juin 2015 (LIMF ; RS 958.1).

    [37] Lombardini (n. 34), N 15 s., p. 37. Bien que cette définition reste critiquée en raison du fait que « les papiers-valeurs et droits-valeurs, qui se rapportent à la forme juridique des valeurs mobilières au sens du droit civil, sont considérés comme des équivalents aux dérivés, qui se rapportent à leur contenu », il convient de s'y référer (FF 2014 7235), p. 7265.

    [38] Lombardini (n. 34), N 17 ss., p. 38 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Yves Mauchle, Tokens als Effekten, Anknüpfung, Fungibilität und Abrenzung mit funktionalem Vergleich zum US‑Recht, GesKR 2022, p. 186 s.

    [39] Mauchle (n. 38), p. 188.

    [40] Julien Nivot / Stéphane Plais, L'obligation de restitution des conservateurs pour le compte de tiers d'actifs numériques, Bull. Joly Bourse 04/2020, p. 41 ss.

    [41] Ordonnance du Conseil fédéral du 25 novembre 2015 sur les infrastructures des marchés financiers et le comportement sur le marché en matière de négociation de valeurs mobilières et de dérivés (OIMF ; RS 958.11).

    [42] Fedor Poskriakov, Conservartion et négoce de cryptoactifs - aspects choisis du droit des marchés financiers, in : Richa/Canapa (édit.), Droit et économie numérique, Berne 2021, p. 85 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Rolf H. Weber / Rainer Baisch, DLT‑basierte Finanzprodukte, RSDA 2021, p. 687 ; Spirig (n. 2), p. 143 ; Weber D. (n. 3), p. 2.

    [43] Il n'existe pas de consensus sur une définition d'une Initial Coin Offering (Aline Darbellay / Michel José Reymond, Émission et négoce de jetons digitaux, EF 2017, p. 880). Toutefois, la FINMA définit ce concept comme la transaction où « les investisseurs virent des moyens financiers (habituellement sous la forme de cryptomonnaies) à l'organisateur de l'ICO. En échange, ils reçoivent ou s'attendent à recevoir des ‹ coins ›, aussi appelés ‹ tokens › basés sur une blockchain » (FINMA, Guide pratique pour les questions d'assujettissement concernant les Initial Coin Offerigns [ICO], 16 février 2018, p. 1). De son côté, l'ASB définit l'ICO comme un moyen de financement d'une entreprise par l'émission de jeton numérique incorporant ou non un droit ou une prétention (de type contractuel ou quasi-contractuel), à l'exclusion de valeurs mobilières traditionnelles (ASB, Guide pratique de l'ASB concernant l'ouverture de comptes d'entreprise pour des sociétés TRD, 2ème édition, août 2019, p. 17).

    [44] FINMA (n. 43), p. 1 ss. Pour des développements, cf. not. Poskriakov (n. 42), p. 85 ; Weber R./Baisch (n. 42), p. 684 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 393 ; Mauchle (n. 38), p. 184 ; Spirig (n. 2), p. 142 s. ; Weber D. (n. 3), p. 2. Cette classification semble également reprise par le Financial Stablity Board, cf. FSB, Crypto-markets - Potential channels for future financial stability implications, 10 october 2018.

    [45] FINMA (n. 43), p. 3.

    [46] FINMA (n. 43), p. 3.

    [47] FINMA (n. 43), p. 3 ; Weber R./Baisch (n. 42), p. 685 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 394.

    [48] FINMA (n. 43), p. 3 ; Poskriakov (n. 42), p. 85 ; Weber R./Baisch (n. 42), p. 684 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 394 ; Mauchle (n. 38), p. 184.

    [49] Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 394 ; Poskriakov (n. 42), p. 85 ; Mauchle (n. 38), p. 184.

    [50] Pour un aperçu récent, cf. TPF, SK.2021.17 du 2 décembre 2021, résumé et commenté par l'auteur, iusNet Droit Bancaire, Cas de la semaine n°25/2022 : Cryptomonnaies et activité sans autorisation : un administrateur pénalement condamné.

    [51] Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Mauchle (n. 38), p. 187 ; Weber D. (n. 3), p. 4.

    [52] Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Weber D. (n. 3), p. 4.

    [53] FINMA (n. 43), p. 4 ; Darbellay/Reymond (n. 43), p. 882 ; Weber R./Baisch (n. 42), p. 695 ; Weber D. (n. 3), p. 3.

    [54] FINMA (n. 43), p. 4 ; Poskriakov (n. 42), p. 88 ; Mauchle (n. 38), p. 188 ; Weber D. (n. 3), p. 4.

    [55] FINMA (n. 43), p. 5 ; Poskriakov (n. 42), p. 88 s. ; Mauchle (n. 38), p. 190.

    [56] FINMA (n. 43), p. 6 ; Poskriakov (n. 42), p. 87 s.

    [57] D'où la critique sur l'appellation jeton non-fongible émise par certains auteurs (cf. supra N 14 ss).

    [58] Cf. not. Nivot/Plais (n. 40) ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Kaulartz/Schmid (n. 3), p. 301 ; Mauchle (n. 38), p. 187 ; Weber D. (n. 3), p. 4. Contra : Denga (n. 33), p. 291 ; Spirig (n. 2), p. 142 ss qui considèrent que les NFTs ne sont pas uniformisés et ne se prêtent pas à un négoce de masse.

    [59] Pauline Pailler, Les NFT et la réglementation financière, Revue Droit Bancaire et financier 2/2022, N 15.

    [60] Nivot/Plais (n. 40).

    [61] Mauchle (n. 38), p. 187 ; Thomas Jutzi / Andri Abbühl, Die Fintech-Massnahmen der EU und das « Finanzinstrument », EuZ Zeitschrift für Europarecht 09/2022, p. 31.

    [62] Non-Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 23), p. 109.

    [63] Alexander Wellerdt, Non-Fungible Token - Entstehung einer neuen Anlageklasse? Eine aufsichtsrechtliche Einordnung, WM 2021, p. 2380 ; Aref/Fábián/Weber (n. 5), p. 395 ; Kaulartz/Schmid (n. 3), p. 302 ; Danz/Heumann (n. 5), p. 391 ; Weber D. (n. 3), p. 4 ; Weber R. (n. 12), p. 496.

    [64] Décision de la U.S. Supreme Court, SEC v. W.J. Howey Co., 328 U.S. 293 du 2 May 1946.

    [65] Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (EU) 2019/1937, COM/2020/593 final du 24 septembre 2020 (ci-après : Réglementation MiCA) ; U.S. The Departement of the Treasury, Study of the Facilitation of Money Laundering and Terror Finance Through the Trade in Works of Art, février 2022, p. 26 s. ; Weber R./Baisch (n. 42), p. 688 s. ; Wellerdt (n. 64), p. 2382 ss ; Mauchle (n. 38), p. 191 s. ; Schemmel (n. 18), p. 289.

    [66] Weber R./Baisch (n. 42), p. 688 s. ; Wellerdt (n. 64), p. 2382 ss ; Mauchle (n. 38), p. 191 s. ; Schemmel (n. 18), p. 289.

    [67] Lombardini (n. 34), N 11, p. 36 ; Jutzi/Abbühl (n. 62), p. 29.

    [68] Le volume des ventes est passé de USD 100 Mios à USD 23 Mias, soit plus de 20'000% entre 2020 et 2021 (Danz/Heumann [n. 5], p. 386 s. et N 5). Pour d'autres chiffres, cf. Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 10), p. 34 ; Art Basel/UBS (n. 2), p. 41. Mis à part la vente extraordinaire réalisée par Christie's avec le NFT de Beeple, d'autres transactions importantes sont réalisées, pour un aperçu des ventes réalisées en 2021, cf. not. Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 10), p. 28 ss. Par exemple, le NFT Cryptopunk#4156 a été vendu en décembre 2021 pour plus de USD 10 Mios (Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas [n. 10] p. 31). Sur la volatilité des prix des NFTs, cf. not. Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 10), p. 85 s. ; Art Basel/UBS (n. 2), p. 53 ; Denga (n. 33), p. 289 ; Schemmel (n. 18), p. 289.

    [69] Art Basel/UBS (n. 2), p. 46.

    [70] Wellerdt (n. 64), p. 2380 ; Danz/Heumann (n. 5), p. 391 ; Denga (n. 33), p. 289 ; Schemmel (n. 18), p. 289.

    [71] Moulin (n. 4), p. 45 ss ; Wellerdt (n. 64), p. 2380 ; Benoît Coffin, Le marché de l'art - Création et gestion d'une collection, Paris 2000, p. 30 ; Danz/Heumann (n. 5), p. 391 ; Denga (n. 33), p. 289 ; Thomas Pontiroli, NFT d'art : 82% des acheteurs sont motivés par l'argent, pas par l'œuvre, Les Echos du 26 avril 2022.

    [72] Art Basel/UBS (n. 2), p. 46 ; Nessim Aït-Kacimi, Ces traders qui font fortune sur les NFT, Les Echos du 28 mars 2022.

    [73] Loi fédérale sur les établissements financiers du 15 juin 2018 (LEFin ; RS 954.1).

    [74] Ordonnance du Conseil fédéral sur les établissements financiers du 6 novembre 2019 (OEFin ; RS 954.11).

    [75] Denga (n. 33), p. 296.

    [77] Jutzi/Abbühl (n. 62), p. 32 s. ; Sousi (n. 76).

    [78] Cette exception semble soutenue par le Parlement européen et le Conseil, cf. European Parliament, Committe on Economic and Monetary Affairs, 2020/0265(COD), Amendments 149 - 502 du 3 juin 2021, p. 196 ss.

    [79] Wellerdt (n. 64), p. 2381 s., qui propose le seuil de EUR 100'000.- comme actuellement prévu pour l'exception à l'obligation de prévoir un prospectus d'offre en droit européen à l'art. 1 par. 4 let. c et d Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE du 30. juin 2017, p. 12 ss. Une exception similaire à celle existante en droit suisse à l'art. 36 al. 1 LSFin.

    [80] Non Fungible.com/L'Atelier BNP Paribas (n. 10), p. 109 ; Art Basel/UBS (n. 2), p. 14 et 41.

    [81] De cet avis, cf. U.S. DOT (n. 66), p. 27 ; Denga (n. 33), p. 295 s. ; Schemmel (n. 18), p. 289.

    [82] Loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (Loi sur le blanchiment d'argent, LBA ; RS 955.0).

    [83] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0). Se poseront ensuite les questions de confiscation au sens des art. 70 ss CP.

    [84] ASB (n. 43), p. 8 ss ; Darbellay/Reymond (n. 43), p. 884 ; Poskriakov (n. 42), p. 98 ; Schemmel (n. 18), p. 288 s.