Les faits établis par des accords étrangers et des rapports internes - une base valide pour une décision pénale suisse ?

Commentaire de l'ordonnance de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral SK.2020.49 et de la décision de recours de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2022.3

Nadja Capus / Basilio Nunnari *

Les jugements des grandes affaires de corruption transnationale et de blanchiment d'argent font apparaître une nouvelle pratique qui consiste à établir les faits sur la base du contenu des transactions pénales judiciaires. À partir d'un cas actuel concernant Gulnara Karimova, nous identifions concrètement deux méthodes: d'une part, la communication et la transplantation transnationale des faits qui ont été établis dans des procédures de négociation (des accords) conclues à l'étranger et, d'autre part, le recours à des rapports internes. Cette contribution décrit ce phénomène, la problématique juridique et les préoccupations pratiques y relatives, en particulier quant à l'admissibilité et la valeur probante du contenu des accords et des rapports internes.

Die Urteile in umfangreichen Fällen grenzüberschreitender Korruption und Geldwäsche lassen eine neue Praxis erkennen, die darin besteht, Sachverhalte auf der Grundlage des Inhalts von Absprachen zu ermitteln. Anhand eines aktuellen Falles betreffend Gulnara Karimova werden zwei konkrete Methoden dieser Vorgehensweise identifiziert: zum einen die transnationale Kommunikation und schlichte Übernahme von Fakten, die in ausländischen Absprachen ausgehandelt wurden, und zum anderen der Rückgriff auf interne Berichte. Dieser Beitrag beschreibt das Phänomen, erläutert die rechtliche Problematik und die praktischen Bedenken, insbesondere in Bezug auf die Zulässigkeit und den Beweiswert des Inhalts der Absprachen und internen Berichten.

Citation: Nadja Capus / Basilio Nunnari, Les faits établis par des accords étrangers et des rapports internes - une base valide pour une déci-sion pénale suisse ?, sui generis 2022, S. 193

URL: sui-generis.ch/219

DOI: https://doi.org/10.21257/sg.219

* Prof. Nadja Capus, Professeure ordinaire de droit pénal et procédure pénale à l'Université de Neuchâtel (nadja.capus@unine.ch). MLaw Basilio Nunnari, doctorant à l'Université de Neuchâtel (basilio.nunnari@unine.ch). Nous remercions Maître Allison Beretta et Elodie Bally, assistantes à la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel et Dr Hannah Brodersen, post-doctorante à la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel pour leur relecture diligente et attentive. Cette publication ressort du projet Revaclaw, financé par le Conseil européen de la recherche (CER) dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (projet n° 864498).



I. Résumé de l'affaire

Le 22 décembre 2021 un Communiqué de presse du Tribunal pénal fédéral (ci-après : TPF) annonce que la Cour des affaires pénales (ci-après : CAP ou la Cour) a confirmé une confiscation de valeurs patrimoniales appartenant à une société étrangère laquelle a été prononcée par le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) lors d'une ordonnance pénale[1]. Dans le cadre de la procédure de recours, la Cour des plaintes du TPF a ensuite rendu trois décisions[2] le 18 juillet 2022 et renvoyé l'affaire à la CAP pour nouvel examen. Compte tenu de ses liens étroits avec le sujet de la présente contribution, la troisième décision (BB.2022.3) a été intégrée à notre commentaire.

À la suite d'une communication du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, le MPC a ouvert une enquête le 5 juillet 2012, qu'il a ensuite étendue contre plusieurs ressortissants ouzbeks, pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP[3]) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP). Au centre de cette enquête se trouve Gulnara Karimova (alias E. dans la décision de la CAP et alias C. dans l'ordonnance pénale SV.12.0808 du 22 mai 2018 prononçant la confiscation et dans la décision BB.2022.3 du 18 juillet 2022 de la Cour des plaintes)[4], fille de l'ancien président de la République d'Ouzbékistan[5]. L'instruction a porté sur l'existence d'une structure de sociétés-écrans (notamment Takilant Ltd., alias B. Ltd), ainsi que sur la présence d'une femme et d'hommes de paille (A., F. et d'autres personnes) et de comptes bancaires en Suisse et à l'étranger, système mis en place pour obtenir et blanchir les pots-de-vin payés par des sociétés de télécommunications en contrepartie de la conclusion de contrats et de l'accès aux marchés en Ouzbékistan (c. 1.2 ; 3.1). Apparemment, un certain nombre d'ordonnances pénales contre les personnes impliquées dans l'affaire en cause a déjà été rendu dans le contexte de cette affaire. La décision commentée en mentionne déjà quatre (c. 2.3 ; 2.4 ; 4.2.3.11.4 ; 3.1 ; 4.1.8). Ainsi, force est de constater et de déplorer l'intransparence qui découle de la pratique de ne pas publier, en général, les ordonnances pénales - défaut de transparence qui empêche le public de suivre et de comprendre la mise en application du droit pénal[6].

L'ordonnance de la CAP commentée a été prononcée à la suite d'un renvoi de la cause par la Cour des plaintes en date du 29 octobre 2020 (BB.2020.204) pour qu'elle statue sur l'opposition de Takilant Ltd à l'ordonnance pénale du 22 mai 2018 - désormais entrée en force - qui condamne A. pour blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 let. b et c CP) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) réalisés pendant la période de 2009 à 2012. De plus, le MPC a ordonné la confiscation des valeurs patrimoniales, confiscation à laquelle Takilant Ltd s'oppose. La CAP a ainsi été amenée à examiner si l'argent placé sur les comptes bancaires séquestrés en lien avec les ordonnances pénales précitées - dont Takilant Ltd. est titulaire - est bien le produit d'un blanchiment d'argent (c. 3.2). Pour ce faire, il était nécessaire de démontrer à satisfaction de droit que les divers montants dont le MPC avait ordonné la confiscation en 2018 pouvaient être mis en relation avec le blanchiment de l'argent provenant de la corruption de Gulnara Karimova, blanchiment pour lequel A. est condamné.

Dans cette optique, l'établissement des faits constitutifs du crime préalable au blanchiment d'argent (c. 4.2.3) et des faits concernant les actes de corruption à l'origine des fonds séquestrés appartenant à Takilant Ltd. était au centre de la décision.

II. Commentaire

1. L'établissement des faits

Rappelons brièvement les principes qui régissent l'établissement des faits. Le code octroie cette tâche aux autorités pénales citées par les art. 12 s. CPP[7]. Il s'agit de la police, du ministère public, des autorités pénales compétentes en matière de contraventions et des tribunaux. Les articles qui suivent précisent leurs rôles respectifs. Lors de l'établissement des faits, les autorités pénales doivent bien évidemment respecter les principes régissant la procédure pénale issus de l'art. 6 CEDH[8], à savoir les art. 3 ss CPP et l' art. 113 al. 1 CPP: le droit à un procès équitable, le droit de se défendre, la présomption d'innocence, le droit d'être entendu et le droit du prévenu de ne pas collaborer.

En cas d'établissement insuffisant des faits, l'instance de recours dispose d'alternatives à la cassation immédiate et au renvoi. Elle a en effet la possibilité de charger le ministère public d'administrer les preuves qui ne peuvent être différées (conformément à l'art. 388 let. a CPP) ou d'administrer elle-même les preuves nécessaires sur demande ou d'office[9]. Dans la pratique de la criminalité économique, la négociation entre le prévenu et l'autorité est courante dans le cadre de la procédure de l'ordonnance pénale et de la procédure simplifiée (cf. c. 4.1)[10].

En revanche, lorsque l'établissement des faits nécessite des informations et des moyens de preuve qui se trouvent à l'étranger, ces éléments doivent être obtenus par le biais de l'entraide judiciaire internationale, à la demande de l'État qui enquête, notamment s'il s'agit de la notification des documents (art. 63 al. 2 let. a EIMP[11]), de la recherche de moyens de preuve (art. 63 al. 2 let. b EIMP), de la remise de dossiers et de documents (art. 63 al. 2 let. c EIMP) ou de la remise d'objets ou de valeurs en vue d'une confiscation ou d'une restitution à l'ayant droit (art. 63 al. 2 let. d EIMP)[12]. Il est toutefois courant, dans les cas de corruption transnationale et de blanchiment d'argent qui implique plusieurs États, que ni les autorités, ni le prévenu ne soient en mesure d'accéder aux informations et aux moyens de preuve pertinents pour l'établissement des faits à l'étranger. En effet, certains pays, dont la Suisse et la France, ont créé des lois dites « de blocage » pour empêcher une telle collaboration transnationale[13]. S'y ajoute la possibilité d'établir les faits dans le cadre des enquêtes communes (ECE). Cet instrument, prévu par plusieurs accords internationaux multilatéraux ou bilatéraux et, depuis 2021, par la Loi sur entraide internationale en matière pénale (art. 80dter EIMP)[14], permet aux autorités de deux ou plusieurs États d'enquêter ensemble sur des faits connexes.

Finalement, notons encore que lorsqu'une procédure pénale a pris fin à l'étranger, il se pose la question de savoir dans quelle mesure l'autorité suisse pourra se baser sur les éléments et les appréciations juridiques ressortant de la décision étrangère. Selon la doctrine et la jurisprudence suisse (cf. ci-après 4. concernant spécifiquement les accords), les autorités suisses doivent s'enquérir dans cette constellation des conditions dans lesquelles la décision étrangère a été rendue : elles ont l'obligation de s'assurer que la procédure conduite dans l'état tiers garantisse un procès équitable en vertu de l'art. 6 CEDH - une évaluation qui sera régie par le principe de la bonne foi, qui laisse aux autorités la possibilité de présumer que l'État étranger a respecté les engagements découlant du droit international des droits de l'homme, sous réserve des indications des défauts[15]. La doctrine précise toutefois que s'agissant de la question des preuves et de leur récolte, administration et exploitabilité[16], les autorités suisses exercent leur compétence de juridiction et que la décision relative à la validité et à la possibilité d'exploiter un élément de preuve est régie par le droit suisse[17].

Les explications qui suivent ont pour but de compléter ces réflexions telles qu'elles ont été établies par la doctrine et la jurisprudence, en soulignant des aspects liés spécifiquement aux accords qui ont été négligés jusqu'à présent.

2. La communication transnationale des faits

L'arrêt en cause se prête en effet comme exemple pour démontrer une pratique qui s'est développée en ce qui concerne l'établissement des faits, notamment dans les affaires de corruption transnationale et du blanchiment d'argent qui y est lié. En effet, l'une des caractéristiques de ces affaires est qu'il y a une série de procédures menées en parallèle dans plusieurs pays qui aboutissent souvent à des transactions pénales judiciaires (ci-après : les accords). Dès lors, plusieurs États peuvent avoir la compétence d'ouvrir une enquête pénale : il y a du moins l'État de l'agent public corrompu et l'État dans lequel siège l'entreprise. D'autres États sont impliqués (en raison de la présence d'hommes de paille sur leur territoire ou parce que les banques y ont leurs sièges par exemple), car la dissimulation de l'existence de paiements corruptifs présuppose la construction de systèmes de versement complexes.

Dans le cas d'espèce, la manière d'établir des faits a ainsi fait l'objet d'une série d'interventions des parties (A.1-A.67 concernant la procédure et c. 2.2-2.5.2 concernant les questions préjudicielles). Les parties ont notamment demandé que la Cour prenne en considération plusieurs preuves (A.38, A.40, A.51, A.55, A.62). Le MPC a requis le versement de nouvelles pièces au dossier de la cause, il a joint un inventaire des pièces ainsi que la version électronique du dossier de la procédure de l'ordonnance pénale dans laquelle la question de la position d'agent public de Gulnara Karimova a déjà fait l'objet de l'enquête (A.38). Les représentants de la B-Ltd se sont opposés à cette mise à jour du dossier de l'ordonnance pénale par le MPC, mais ont à leur tour demandé la production de 17 pièces à la procédure (A.40). N'ayant certes pas eu accès au dossier, nous nous devons d'être prudents dans notre évaluation. Il nous semble toutefois étonnant que la Cour - vu son manque de démarches pour établir les faits pertinents - ait rejeté les preuves proposées par les parties (A.41 et A.53). Elle a cependant inclus à la procédure en question une ordonnance pénale (rendue à l'encontre de F.) ainsi que des documents transmis par les autorités françaises (procès-verbaux des auditions) et les deux jugements suédois.

En effet, plusieurs actes de procédure intervenus à l'étranger jouent un rôle important dans cette affaire : des procédures pénales ont été ouvertes non seulement en Suisse, mais aussi en Ouzbékistan, en France, aux Pays-Bas, en Suède et aux États-Unis ; plusieurs personnes appartenant à l'entourage de Gulnara Karimova ont été poursuivies et condamnées ; trois employés de l'entreprise Telia ont été accusés en Suède pour corruption et acquittés en première (2019) et en deuxième (2021) instance[18]. Des procédures pénales ont également été menées contre Gulnara Karimova (en France la procédure s'est clôturée en 2019 par une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité rendue pour blanchiment en bande organisée de corruption d'agent public étranger [c. 4.2.3.2.2][19] et aux États-Unis pour blanchiment d'argent et corruption en 2017[20]) ou sont toujours en cours (en Suisse). De plus, des procédures pénales ont été ouvertes contre la société Takilant Ltd. pour complicité à la corruption et au blanchiment, contre les sociétés VimpelCom (basée à Amsterdam), Telia (basée à Stockholm) et Mobile TeleSystems PJSC (basée à Moscou), auxquelles il était reproché d'avoir versé des centaines de millions de dollars de paiements corruptifs à Karimova pendant plusieurs années[21]. Les procédures précitées et celles ouvertes contre d'autres entreprises ont abouti à des accords, aux États-Unis en 2016, 2017 et 2019 et aux Pays-Bas en 2016[22].

L'accord s'est établi dans une série d'États comme étant l'instrument de droit pénal préféré[23]. Il est notamment devenu un outil hautement apprécié en vue de l'établissement des faits. La décision de la CAP en question permet de mettre en lumière la manière dont les faits qui sont intégrés dans les accords émanant des transactions pénales sont transplantés dans d'autres procédures pénales. Si au tournant du 20e siècle la doctrine internationale a pu constater l'évolution d'une communication trans-judiciaire, d'une influence trans-juridique, d'une transplantation judiciaire ainsi que la création d'une communauté transnationale des juges[24], il n'est pas exagéré d'affirmer qu'il existe aujourd'hui une communauté transnationale de procureur-e-s qui fait suite à l'évolution des transactions pénales dans plusieurs pays en sus des pionniers, les États-Unis[25].

Il convient de noter que les exposés des faits tels qu'ils figurent dans les accords sont une sorte de moyen de communication entre les autorités pénales, qui est en plein développement grâce à la pratique de certaines autorités pénales consistant à publier les accords conclus avec les entreprises, notamment sur leur site internet (tel est le cas, par exemple, duParquet National Financier en France, duDepartment of Justice des États-Unis ou du Serious Fraud Office au Royaume-Uni). L'avantage d'une telle transparence sur le contenu des accords est que les informations sont accessibles à tous, y compris aux autorités de poursuite pénale, raison pour laquelle la Cour les dispense de l'obligation de passer par la voie de l'entraide. Il suffit, comme l'indique la Cour, « de taper dans la barre de recherche ‹ Google › les termes ‹ DPA FF. ›, par exemple, afin de trouver, comme première occurrence, le DPA en question, non caviardé. Ces DPA's sont accessibles sur le site Internet du DoJ, qui bénéficie sans nul doute d'une empreinte officielle […] » (c. 4.2.3.3.3)[26].

3. La transplantation transnationale des faits

Dans le but d'établir les faits pertinents relatifs à l'existence d'une infraction préalable au blanchiment d'argent, la Cour a intégré dans l'affaire en cause les faits de sources suivantes :

Une première source a été une Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ci-après : CRPC) rendue par les autorités françaises pour blanchiment en bande organisée de corruption d'agent public étranger (c. 4.2.3.2.2). Cet accord a été obtenu par la voie de l'entraide entre le MPC et les autorités françaises (c. 4.2.3.2.1). La Cour conclut, à la fin de la transposition du contenu de l'accord « […] [qu']il est établi qu'E. avait la qualité d'agent public de fait en Z. et qu'elle avait mis en place un système de corruption généralisé, notamment dans le domaine des télécoms. […] Les faits se recoupent avec ceux reprochés en Suisse, de sorte que la Cour considère que la CRPC bénéficie d'une valeur probante élevée » (c. 4.2.3.2.3).

Une deuxième source utilisée pour arrêter les faits pertinents sont les « Deferred Prosecution Agreement » (ci-après : DPA) (c. 4.2.3.3.2). La Cour cite, en traduction libre sur plusieurs pages, les schémas corruptifs tels qu'ils sont établis dans les DPA's (c. 4.2.3.3.4), pour ensuite conclure : « A teneur du contenu des différents DPA's susmentionnés, il est aisé d'arriver à la conclusion qu'E., en tant que fonctionnaire étranger, a contraint des sociétés à payer des pots-de-vin afin d'obtenir des contrats ou marchés en Z., thèse défendue par le MPC dans son ordonnance pénale (ordonnance pénale, p. 25) ». Dans l'examen des différents moyens de preuve remis, la Cour considère que ces DPA's jouissent, eux aussi, d'une valeur probante élevée. Partant, la Cour en déduit qu'il peut être reproché à E., en tant qu'agent public, des actes de corruption, qui s'inscrivent dans le contexte du crime préalable examiné (c. 4.2.3.3.5).

La troisième source utilisée se distingue des autres sources, mais leur point commun est que les faits qu'elles englobent n'ont pas été instruits par le Ministère public en charge de l'enquête. En effet, leur établissement n'est pas l'œuvre d'une autorité publique en charge de poursuivre les infractions pénales, mais d'une société privée qui a été mandatée par l'entreprise mise en cause dans d'autres procédures pour avoir payé des pots-de-vin. Ce rapport interne - déposé d'ailleurs comme moyen de preuve par Takilant Ltd. - est qualifié par la Cour comme étant un rapport d'enquête « interne indépendante » (c. 4.2.3.8). Or, la Cour n'explique pas selon quelles évaluations et quels critères elle a pu parvenir à cette qualification. De toute manière, la Cour s'y réfère pour établir les faits en reproduisant en traduction libre directement quelques passages du rapport et indique ensuite qu'elle retient que ce rapport mentionne explicitement l'influence de fait exercée par Gulnara Karimova (c. 4.2.3.8.3).

4. Quid de l'admissibilité et de la valeur probante des faits transplantés ?

Cette manière de faire suscite des préoccupations quant à l'admissibilité et à la valeur probante des faits intégrés aux accords. La problématique concerne notamment le respect du droit d'être entendu lorsque les faits sont réutilisés à l'encontre des personnes qui n'ont pas pu participer à la procédure qui a mené à l'accord[27]. Les préoccupations portent également sur les modalités de l'établissement des faits transplantés, car il est produit de manière coopérative, négociée et sans un contrôle judiciaire très élevé. Les entreprises ont peut-être reconnu à tort, le cas échéant, des faits incriminants, dans l'unique but de satisfaire l'attente de l'autorité pénale concernant la coopération et de pouvoir ainsi échapper aux effets négatifs d'une procédure pénale ordinaire. Il n'est pas non plus exclu que l'entreprise accepte une certaine qualification juridique bien que celle-ci ne soit pas établie à satisfaction de droit. L'incertitude à ce sujet est encore accrue par le fait que des clauses dites muselières sont intégrées dans les accords, par exemple dans ceux des États-Unis ainsi que dans ceux du Royaume-Uni. Elles sont destinées à empêcher que la crédibilité de l'accord soit amenuie ultérieurement. En acceptant cette clause, l'entreprise ou ses représentants et toute autre entité liée s'engagent à s'abstenir de toute déclaration publique qui contredirait le contenu négocié, même dans le cadre d'autres procédures.

Selon la Cour ce souci serait sans fondement, car les DPA's sont des procédés admis et reconnus dans des États de droit, et rien ne permet de douter du fait que les trois DPA's ont été conclus dans le respect de la législation nationale (c. 4.2.3.3.3). De plus, la Cour renvoie à la jurisprudence fédérale et la jurisprudence de la CourEDH en matière de « plea agreement » et de « témoin de la couronne » (décision du Tribunal fédéral 6B_360/2008 du 12 novembre 2008 c. 3.1 ; ATF 117 Ia 401 c. 1c ; décision du Tribunal fédéral 6B_1269/2016 du 21 aout 2017, c. 3.4 ; arrêt de la CourEDH 9043/05 du 29 avril 2014 (Natsvlishvili et Togonidze c. Géorgie), § 91 ; arrêt de la CourEDH 17265/90 du 21 octobre 1993 (Baragiola Alvaro c. Suisse) pour confirmer la jurisprudence selon laquelle rien ne s'oppose à prendre en considération les dépositions émanant d'auteurs d'infractions ayant reconnu leurs crimes et s'étant engagés à collaborer - moyennant l'octroi de certains avantages ou privilèges - pour établir les faits concernant d'autres auteurs (c. 4.2.3.2.1).

a) Le contrôle judiciaire

Selon les avocats de Takilant Ltd., en revanche, c'est notamment l'insuffisance de ce contrôle judiciaire qui devrait conduire à exclure la prise en considération des faits contenus dans les accords américains[28]. En effet, dans la plupart des DPA's, le contrôle judiciaire n'est pas inexistant, mais il se révèle toutefois nettement restreint[29]. Dans le contexte de la pratique helvétique, ce souci d'un contrôle judiciaire inférieur a été pris au sérieux par le Conseil fédéral lorsqu'il a renoncé à introduire un mécanisme de mise en accusation différée similaire aux DPA's[30]. Cette approche nous semble cohérente avec celle datant de l'époque de l'introduction de la procédure simplifiée : « le tribunal est tenu de vérifier si le dossier contient des éléments suffisants pour établir l'existence des infractions mentionnées dans l'acte d'accusation »[31]. Or, bien que la procédure simplifiée ait été conçue pour les affaires de criminalité économique[32], elle n'est pas le mécanisme le plus utilisé dans le cadre de ces affaires[33]. C'est l'ordonnance pénale qui prime, voire qui constitue même la seule option retenue lorsque la procédure est dirigée contre une entreprise. Bien que l'ordonnance pénale n'ait clairement pas été conçue comme un instrument de négociation, mais comme une offre de l'État non sujette à négociation[34], elle est devenue l'instrument le plus appliqué dans la pratique - et ceci, justement en raison de l'absence de contrôle judiciaire[35]. Ainsi, bien que nous estimions l'argument en tant que tel pertinent, il sied de souligner que le contrôle judiciaire des ordonnances pénales est encore bien plus faible que celui des DPA's. La valeur probante des ordonnances pénales entrées en force serait donc nulle si on suivait cette logique.

b) La délégation de l'établissement des faits : un problème passé inaperçu

Dans l'arrêt en cause, une autre question n'a été évoquée ni par les parties, ni par les autorités judiciaires : l'« établissement des faits », nous l'avons déjà mentionné, est le résultat d'une négociation confidentielle entre l'entreprise et l'autorité de poursuite, une négociation qui englobe notamment aussi la narration des faits tels qu'ils sont présentés dans l'accord. En effet, le point commun à toute transaction pénale est que deux parties avec des intérêts divergents construisent en commun une vérité - ou plutôt une version de la vérité publiée - qui ne révèle pas tout : les entreprises tiennent à ce que certains points et détails ne soient pas rendus publics dans les accords. Cela peut donner lieu à une négociation méticuleuse, dans laquelle la maitrise de la narration est l'intérêt premier des deux parties. L'établissement des faits est encore plus particulier lorsqu'il est fondé sur un rapport interne. Il est hautement vraisemblable qu'il soit recouru à cette pratique en matière de corruption transnationale des entreprises. Le plus souvent, c'est bien en amont de la saisie de l'autorité pénale que l'entreprise a des soupçons et constate ainsi le risque qu'une enquête pénale soit ouverte. Il est également possible que l'enquête soit conduite de manière conjointe avec l'autorité ; dans ce cas, les conditions de réalisation de l'enquête seront négociées entre l'autorité et l'entreprise, qui proposera une méthodologie et un périmètre d'investigation à l'autorité[36].

Certes, la Cour constate une valeur probante relativement faible car « ce document ne peut pas avoir la même valeur probante qu'un jugement ou une décision rendue par une autorité » (c. 4.2.3.8.1), mais elle ne s'est pas penchée sur la question de savoir s'il peut s'agir d'un moyen de preuve en tant que tel, ou sur la manière dont le rapport a été transposé dans la procédure pénale, ou encore sur les critères de qualité applicables pour évaluer son contenu d'un point de vue juridique[37]. La littérature aborde les enquêtes internes sous l'optique du droit du travail[38], du secret de l'avocat[39] et, en général, dans l'esprit d'en analyser le déroulement[40]. L'aspect pénal n'a été évoqué que concernant les modalités de conduite d'interview des employé-e-s[41], notamment à propos des informations à donner préalablement.

À l'heure actuelle, il n'existe pas, à notre connaissance, de directives internes au sein des autorités pénales, ou de règles développées par la jurisprudence, ni même de critères proposés par la doctrine concernant le traitement des faits établis dans le cadre d'une telle enquête interne. La manière de gérer l'intégration des faits ainsi établis dans la procédure pénale demeure dès lors une question de choix de la personne menant l'enquête. Son appréciation tiendra fort probablement compte de l'échéance de la prescription et des ressources à disposition.

Or, qu'elle soit menée de manière autonome ou dans le cadre d'une concertation, une enquête interne aboutit dans la plupart des cas à l'établissement d'un rapport, qui ne représente pas seulement un apport auxiliaire à l'enquête dirigée par les autorités pénales, mais qui constitue une véritable délégation de l'instruction. Déléguer ainsi une partie de l'enquête est un soulagement pour le procureur, qui peut se limiter à en rendre les résultats vraisemblables en confrontant, par ex., les témoins, les personnes appelées à donner des renseignements ou les prévenu-e-s ou à corroborer le contenu avec d'autres moyens de preuve[42]. C'est du jamais-vu en matière de procédure pénale. Nous constatons que ni la littérature ni la pratique n'ont prêté attention au fait que cette délégation relative à l'établissement des faits dépasse le degré d'un appui auxiliaire et menace dès lors la décision législative et démocratique d'attribuer l'instruction des dossiers aux autorités pénales[43]. En effet, attribuer en priorité aux entreprises prévenues ou à des tiers la tâche d'établir les faits entraîne le risque que la compétence de construire la prémisse mineure du syllogisme judiciaire - l'identification des faits pertinents au regard du droit matériel - soit déléguée de manière incorrecte aux personnes privées, voire même aux prévenus. Un rapport d'enquête ne se limite pas au pur constat qu'il existe des contrats entre une entreprise et certaines personnes, des courriels électroniques entre ces personnes et un agent public, une myriade de transactions bancaires, etc. Il s'agit d'interpréter ces faits au regard du droit matériel et ainsi d'attribuer des rôles et des fonctions, sinon le rapport serait incompréhensible, voire inutile. Le rapport cité par la Cour dans l'affaire en cause est un bon exemple de ce travail d'interprétation, car l'objectif du rapport a été d'évaluer la culpabilité : « Does GG.'s investment in a 3G licence, together with frequencies and number series, in Z. in 2007 and afterwards entail that representatives of GG. are guilty of corruption-related crimes or money laundering? » (c. 4.2.3.8.1). Or, une telle interprétation est réservée aux autorités pénales ayant la compétence de juger une affaire[44], à savoir le MP dans les procédures d'ordonnance pénale et les juges dans les autres procédures[45]. Si un tiers devait obtenir cette compétence lors d'une procédure pénale, par ex. parce que ce tiers a des connaissances spécifiques dont la Cour a besoin, le CPP prescrit que ce tiers nécessite un statut spécial : celui d'expert selon les art. 182 ss CPP et le rapport aura ainsi une valeur de témoignage expert sous réserve du respect des conditions légales. L'alternative envisageable est de lui accorder une valeur de témoignage produit par une partie[46].

Il peut dès lors s'agir de déterminer, par exemple, si les contrats mentionnés contiennent des commissions ou des frais conséquents qui s'éloignent largement de toute compensation raisonnable pour des services similaires, d'attribuer le rôle d'hommes de paille à certaines personnes, d'interpréter des phrases potentiellement cryptées qui contiennent les courriels électroniques entre les hommes de paille et un agent public. C'est ainsi qu'un état de fait avec ou sans signification juridique au regard d'un système normatif est construit de manière dialectique[47]. Ce n'est que lorsque ce travail difficile - et décisif - est effectué que peut commencer le syllogisme[48] .

5. La transplantation des faits exercée dans le cas d'espèce : la critique implicite de la Cour des plaintes

En raison de la sensibilité dont a fait preuve la Cour au sujet de la transplantation des faits, nous focalisons notre analyse sur la décision dans laquelle l'établissement du crime préalable au blanchiment (les actes corruptifs de Gulnara Karimova) est remis en question au motif que la qualification d'agent public étranger (de fait) est niée[49].

La critique des juges se concentre notamment sur deux éléments constitutifs de l'infraction de corruption d'agents publics étrangers ; in casu, la notion d'agent public (de fait) et sa contreprestation (c. 2.2)[50]. La question centrale soulevée par les avocats de Takilant Ltd. et qui est abordée par les juges est celle de savoir si le statut d'agent public étranger de Gulnara Karimova peut être considéré comme établi sur la base des éléments de faits. Or, la CAP a longuement traité cette question, mais elle y a répondu en se référant exclusivement aux accords étrangers. Selon la Cour des plaintes, la reproduction des constats faits par d'autres autorités pénales sur le rôle d'agent public de Gulnara Karimova, ne remplace pas le propre travail de l'autorité pénale, laquelle doit établir les faits et administrer les moyens de preuve pertinents. Dans le cas d'espèce, « […] ils [les jugements et prononcés étrangers] se limitent à dire que C. avait le statut d'agent public de fait, était un ‹ membre du gouvernement › ou un ‹ fonctionnaire ›, sans expliquer pourquoi ». Ainsi, « [d]es éléments de faits quant à l'exercice d'un rôle étatique concret en matière de télécommunications font défaut. » (c. 2.7.1 in fine). L'affaire est donc renvoyée à la CAP pour une nouvelle décision.

Nous réitérons que - n'ayant pas eu accès aux dossiers - nous ne sommes pas en mesure de déterminer si la CAP aurait pu se baser sur d'autres éléments pertinents au lieu de reproduire le contenu des décisions étrangères. La suite de la procédure fera certainement la lumière sur cette question. En tous les cas, la réticence de la Cour des plaintes à retenir une qualification juridique sur la base des décisions étrangères dans le cas en espèce ne permet pas d'exclure qu'une telle transplantation des faits soit admise si ces décisions reposent sur un établissement des faits pertinents et une administration des preuves lege artis.

III. Conclusion

La récente décision du TPF nous a permis de mettre en lumière la manière dont les faits qui sont intégrés dans les accords issus de transactions pénales sont transplantés dans d'autres procédures pénales. Il nous semble parfaitement justifié que les autorités pénales puissent recourir aux résultats du travail d'enquête et aux conclusions de leurs homologues. Ceci permet de réduire grandement le poids que représente la tâche d'établir les faits, d'une part, et de combiner et renforcer les actions des autorités pénales, d'autre part.

Nous avons tenté de mettre en lumière la complexité d'un établissement des faits non seulement transnational, mais également concerté et consensuel. Pour ce faire, nous avons concentré l'analyse sur la problématique des rapports d'enquête interne et de la négociation de la version publiée des faits lors des transactions pénales en général. Il en résulte qu'une délégation pure et simple de la tâche d'enquêter les faits par les autorités pénales est inadmissible si on tient compte du fait qu'un état de fait pertinent pour une procédure pénale n'existe pas en tant que tel et qu'il doit être interprété et construit au regard du droit matériel. Il se pose dès lors la question de savoir si la démarche des procureur-e-s ou des juges lors d'un contrôle judiciaire consistant à corroborer et rendre plausibles, dans un second temps, quelques aspects d'un rapport interne peut suffire pour pallier le risque d'une vérité compromise. Quant au contrôle judiciaire des transactions pénales - bien que très réduit en général - nous avons constaté que ce défaut est bien plus présent dans le cadre de la procédure de l'ordonnance pénale.

Or, nous avons tenté de mettre en avant que la vérité dans un procès pénal résulte toujours d'une construction, qui ne peut se produire qu'au cours d'une procédure menée selon le droit procédural et au regard du droit matériel[51]. Si la CAP a été attentive à ce dernier point, à ce lien avec le droit, notamment en évaluant la valeur probante d'un jugement suédois en tenant compte du point de référence du droit matériel (c. 4.2.3.5.2), elle n'a pas soulevé les arguments concernant les questions de base en se contentant de constater qu'il s'agit, dans le cas d'espèce, de procédures pénales conformes à la législation des États de droit.

L'analyse menée permet de constater que la transposition transnationale des faits établis lors des procédures de transactions pénales est pratique et utile, mais qu'elle constitue également un mécanisme complexe qui mérite plus d'attention de la part de la pratique et de la doctrine.



[2] Décisions du Tribunal pénal fédéral BB.2022.1, BB.2022.2 et BB.2022.3 du 18 juillet 2022.

[3] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0).

[4] L'ordonnance et les décisions du TPF en question sont anonymisées, mais l'affaire est tellement médiatisée que nous estimons que les personnages et sociétés sont connus. À titre d'exemples, nous n'indiquons ici qu'une sélection d'articles de presse : Tagesanzeiger du 22 décembre 2021 (Ex-Diktatorentochter erhält Teil der beschlagnahmten Gelder zurück); Aargauerzeitung du 2 avril 2019 (Schmiergeld-Affäre um Gulnara Karimowa: Einziehung der Usbeken-Gelder rückt näher); NZZ du 4 novembre 2020 (Schweiz zahlt Korruptionsgelder an Usbekistan zurück - Genf und Zürich verzichten auf ihre Ansprüche); Bundesanwaltschaft du 26 juin 2019 (Ouzbékistan : Le Ministère public de la Confédération confisque plus de CHF 130 mio en vue de restitution); TdG du 22 décembre 2021 (Gulnara Karimova récupère une partie de sa fortune) ; Tagblatt du 26 juin 2019 (Bundesanwaltschaft lässt über 130 Millionen Franken einziehen).

[5] Communiqué de presse du Ministère public de la Confédération du 12 mars 2014 (« La fille du président ouzbek dans la ligne de mire de la justice suisse »).

[6] Cf. pour une critique de cette intransparence : Transparency Schweiz, Strafbarkeit des Unternehmens, Berne 2021, p. 43 ss ; La Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, Rapport de phase 4 - Suisse, Paris 2018, par. 43, 25 (cit. OCDE, Rapport de phase 4) ; OCDE, Rapport de suivi écrit de phase 4, 2020, p. 8 Recommandation 7(d) (cit. OCDE, Rapport suivi).

[7] Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0).

[8] Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101).

[9] Andreas J. Keller, in : Donatsch/Lieber/Summers/Wohlers (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung StPO, 3ème éd., Genève et al. 2020, art. 397 N 3 (cit. CR CPP-auteur·e·s).

[10] Deborah Hondius, Criminalité économique et procédures négociées : comparaison et état des lieux, La Semaine judiciaire 2021, p. 242 ; David Mühlemann , Der (unzulässige) Strafbefehl im abgekürzten Verfahren, recht 2018, p. 90; Gwaldys Gilliéron/Martin Killias, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge (édit.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, art. 352 N 1.

[11] Loi fédérale sur l'entraide en matière pénaledu 20 mars 1981 (EIMP ; RS 351.1).

[12] Maria Ludwiczak Glassey, Entraide judiciaire internationale en matière pénale, Bâle 2018, p. 56.

[13] Cf. art. 271 CP et pour la France cf. la Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

[14] Art. 13 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne du 29 mai 2000 ; art. 20 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 ; art. 49 de la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003 ; art. 5 de l'Accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d'entraide judiciaire du 19 juillet 2003. Pour la Suisse, cf. Nadja Capus, Étude comparative de l'entraide internationale en matière pénale en Suisse. Rapport pour le Contrôle Fédéral des Finances dans le cadre de son évaluation de l'entraide internationale n° 18293, Neuchâtel 2019, p. 15 ; Arrêté fédéral du 25 septembre 2020 portant approbation et mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel et concernant le renforcement des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé (AS 2021 360).

[15] Robert Roth/Laurent Moreillon, Portée et exploitabilité dans une procédure pénale suisse d'éléments de preuve recueillis dans le cadre d'une procédure pénale étrangère dans des conditions illégales, RPS 2021, p. 164.

[16] Pour une mise en valeur d'une telle distinction cf. Nadja Capus, Le régime juridique des preuves du projet initial à la réalité d'aujourd'hui : du flou à l'obscurité totale, Dix ans de Code de procédure pénale, Bâle 2020, p. 1 ss ; Nadja Capus, L'attribution de la qualité de preuve : une action négligée, sui generis 2020, p. 337 ss.

[17] Roth/Moreillon (n. 15), p. 167 ss ; Claudio Riedi, Auslandsbeweise und ihre Verwertung im schweizerischen Strafverfahren, Zurich 2018, p. 109 s. ; Sabine Gless, Die «Verkehrsfähigkeit von Beweisen» im Strafverfahren, ZStW 2003, p. 131 ss ; Sabine Gless, Beweisverbote in Fällen mit Auslandsbezug, JR 2008, p. 317 ss.

[20] Décision de la Cour de district des États-Unis, district sud de New York 19 CRIM 165 du 7 mars 2019 (United states v. Gulnara Karimova and Bekhzod Akhmedov).

[22] DutchNews.nl du 19 Février 2016 (Dutch agree $397m settlement with VimpelCom over corruption) ; Decision de la Court d'Amsterdam 13/846004-14 du 20 julliet 2016.

[23] En fait, les accords hors procès sont devenus le principal moyen de mise en œuvre de la législation sur la corruption transnationale dans 23 des 44 pays Parties à la Convention de l'OCDE, cf. OCDE, La résolution des affaires de corruption transnationale au moyen d'accord hors procès, Paris 2020, 14 (cit. OCDE, résolution corruption 2022). Les instruments utilisés en Suisse pour transiger sont la réparation selon l'art. 53 CP, la procédure simplifiée (art. 358 ss CPP) et - notamment dans ce contexte de corruption commise par les entreprises - l'ordonnance pénale (art. 352 ss CPP).

[24] Anne Marie Slaughter, A Typology of Transjudicial Communication, University of Richmond Law Review 1994, p. 99 ss; Anne Marie Slaughter, A Global Community of Courts, Harvard International Law Journal 2003, p. 191 ss; Daniel Hoadley et al., A Global Community of Courts? Modelling the Use of Persuasive Authority as a Complex Network, Frontiers in Physics 9/2021, p. 9 ss.

[26] Certes, la voie d'entraide pénale internationale demeure une voie utile, entre autres si les accords ne sont pas ouvertement accessibles (c. 4.2.3.2.1), comme c'est d'ailleurs souvent le cas pour les jugements (c. 4.2.3.1.1). De plus, la voie d'entraide pénale internationale offre des opportunités supplémentaires, notamment l'instrument de l'entraide spontanée qui se prête également pour communiquer aux autorités pénales d'autres pays les faits tels qu'ils ont été établis au cours d'une enquête et donc bien avant la clôture de l'affaire. Finalement, une demande d'entraide peut également être utilisée pour faire transmettre ou obtenir de telles informations en insérant un exposé des faits détaillé.

[27] CR CPP-Hottelier, art. 3 N 22 ss; Yvan Jeanneret/André Kuhn, Précis de procédure pénale, Berne 2018, p. 61 ss.

[28] Grégoire Mangeat/Fanny Margairaz, Deferred Prosecution Agreements : une valeur probante sujette à caution, Revue Internationale de la Compliance et de l'Éthique des Affaires 1/2022, p. 12.

[29] cf. Jennifer Arlen, Prosecuting beyond the rule of law: corporate mandates imposed through deferred prosecution agreements, Journal of Legal Analysis 2016, p. 191 ss; Frederick Davis, Judicial Review of Deferred Prosecution Agreements, Columbia Journal of Transnational Law 2022, p. 751 ss; John Gleeson, Judicial Scrutiny of DPAs, NPAs and Monitorships, in : The Guide to Monitorships, 3ème éd., 2022, p. 264 ss ; Mike Koehler, The Façade of FCPA Enforcement, Georgetown Journal of International Law 2010, p. 907 ss ; OCDE, résolution corruption 2020 (Fn. 23), p. 168 ; Joshua L. Ray, The Continuing Facade of FCPA Enforcement: A Critical Look at the Telia DPA, New York University Journal of Law & Business 2020, p. 547 ss ; United States Government Accountability Office, Corporate Crime DOJ Has Taken Steps to Better Track Its Use of Deferred and Non-Prosecution Agreements, but Should Evaluate Effectiveness, 2009, p. 25 s.

[30] Message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale (mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États «Adaptation du code de procédure pénale»), (FF 2019 6351), p. 6375 ss.

[31] Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (FF 2006 1057), p. 1278 s.

[32] Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (n. 31), p. 1278 s.

[33] Stéphane Grodecki, Expériences pratiques de la procédure simplifiée, forumpoenale 2016, p. 49.

[34] Hondius (n. 10), Criminalité économique et procédures négociées: comparaison et état des lieux, La Semaine judiciaire 2021, p. 242.

[35] Mühlemann (n. 10), p. 90 ; CR CPP-Gilliéron/Killias, art. 352 N 1.

[36] Charles-Henri Boeringer / Alice Dunoyer de Segonzac, in : Beauvais/Parizot (édit.), Les transformations de la preuve pénale, Issy-les-Moulineaux 2018, p. 230 ; Antoine Garapon / Pierre Servan-Schreiber, in : Garapon/Servan-Schreiber (édit.), Deals de justice, le marché américain de l'obéissance mondialisée, Paris 2020, p. 9.

[37] Ces questions seront abordées dans la thèse du co-auteur.

[38] Françoise Martin Antipas / Pascal De Preux, L'application des règles de procédure pénale à l'enquête de l'employeur, RSJ 2021, p. 528 ss ; Damian Graf, Strafprozessuale Verwertbarkeit von Befragungsprotokollen interner Untersuchungen, fp 2016, p. 40 ss.

[39] Benoit Chappuis/David Raedler, Les enquêtes internes et le secret professionnel de l'avocat : la fin d'une époque ?, Droit de l'avocat 2018, p. 297 ss.

[40] David Raedler, Les enquêtes internes dans un contexte suisse et américain : instruction de l'entreprise ou Cheval de Troie de l'autorité ?, Lausanne 2018 ; Claudio Bazzani / Reto Ferrari-Visca / Simone Nadelhofer, Europa Institut Zürich (Hrsg.), Interne Untersuchungen - Eine umfassende Darstellung der rechtlichen und praktischen Aspekte, inklusive Amts- und Rechtshilfe und Kooperation mit Behörden, Bâle 2022.

[41] David Mühlemann, Unternehmensinterne Untersuchungen und strafprozessuale Verwertbarkeit von Mitarbeiterbefragungen, Zurich et al. 2018; David Raedler, L'utilisation en procédure pénale des résultats d'une enquête interne, GesKR 2020, p. 549 s.

[42] Olivier Thormann, Sicht der Strafverfolger - Chancen & Risiken, in : Romerio/Bazzani (édit.), Interne und regulatorische Untersuchungen II, Zurich 2016, p. 124 s.

[43] À l'exception d'un auteur qui mentionne les concepts de délégation et de privatisation ; cf. Raedler (n. 40), p. 385 ss.

[44] CR CPP-Henzelin/Maeder Morvantvan, art. 12 ss.

[45] À ce titre, nous mentionnons également les autorités pénales compétentes en matière de contraventions en vertu de l'art. 17 CPP bien que sans importance dans le contexte qui nous occupe.

[46] CR CPP-Vuille, art. 182 N 18 ss ; Jeanneret/Kuhn (n. 27), p. 312.

[47] Karl Engisch, Logische Studien zur Gesetzesanwendung, 3 ème éd., Heidelberg 1963, p. 15, 26 et 33; Hans Kelsen, Reine Rechtslehre, 2ème éd., Vienne 1960, réédition 1992, p. 2 ss; Arthur Kaufmann, Über den Zirkelschluss in der Rechtsfindung, in : Lackner et al. (édit.), Festschrift für Wilhelm Gallas zum 70. Geburtstag am 22. Juli 1973, Berlin et al. 2012, p. 7.

[48] Michel Troper, Pour une théorie juridique de l'État, Paris 1994, p. 13 dans la version en ligne ; Jeanne Gaakeer, Judicial Narration as Explanation of Facts and Circumstances, in : Pedersen et al. (édit.), Narratives in the Criminal Process, Frankfurt am Main 2021, p. 30.

[49] Décision du Tribunal pénal fédéral BB.2022.3 du 18 julliet 2022. Nous précisons que si seule la transplantation en tant que telle nous intéresse dans cette publication, l'approche restrictive quant à la définition d'agent public (critiqué par le Groupe de travail de l'OCDE dans le passé, cf. OCDE, Rapport de phase 4 (n. 6), p. 26 s. par. 45 et 46 ; Marc Pieth, in : Niggli/Wiprächtiger (édit.), Basler Kommentar, Strafgesetzbuch, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, art. 322septies N 14 ; Martin Hilti, in : Graf (édit.), Annotierter Kommentar StGB, Berne 2020, art. 322septies N 8 ; Stefan Trechsel/Kathrin Betz, in : Trechsel/Pieth (édit.), Schweizerisches Strafgesetzbuch Praxiskommentar, Zurich et al. 2021, art. 322 septies N 5) est insuffisamment fondée par la Cour des plaintes dans le cas d'espèce et appelle notre critique, laquelle sera développée dans une publication à part.

[50] Décision du Tribunal pénal fédéral BB.2022.3 du 18 julliet 2022 c. 2.2.

[51] Lorenz Schulz, Wahrheit im Recht. Neues zur Pragmatik der einzig richtigen Entscheidung, ZIS 2007, p. 354 citant Joachim Schulz, Sachverhaltsfeststellung und Beweistheorie, 1992, p. 303 n. 36.